Robert Brinkmann est un des plus talentueux et novateurs directeurs de la photographie de Hollywood. Dans les années 1980 il créa sa propre compagnie dans le but de produire des vidéos musicales sur lesquelles il était directeur de la photo (pour des artistes prestigieux tels que Céline Dion ou Placido Dominguo). En 1988 il a contribué à l’Histoire du Rock en travaillant avec le réalisateur Phil Joanou sur le documentaire musical U2 : Rattle and Hum.
Sa riche filmographie inclut des films réalisés par Ben Stiller, Michael Lehman ou John McNaughton. Robert Brinkmann nous offre son premier film en tant que réalisateur, Stephen Tobolowsky’s Birthday Party, un moment magnifique de pur cinéma.
Vous êtes né en Allemagne. Pourriez-vous s’il vous plaît nous dire quelques mots sur votre vie avant votre arrivée aux Etats-Unis ?
Robert Brinkmann : J’ai toujours voulu m’évader, m’échapper. Jeune enfant, j’avais l’habitude de me rendre aux matinées du week-end d’une des salles de cinéma locales - j’étais trop jeune pour y aller le soir - et je regardais des films de monstres japonais tous les dimanches à 10h00. Je crois qu’on peut dire que c’était un peu mon église.
A l’âge de 15 ans, je suis parti de chez mes parents. Et j’étais assez vieux pour me rendre au cinéma de mon quartier presque tous les jours. J’y passais tellement de temps qu’on m’a offert d’y travailler. A la fin de ma scolarité j’ai pris l’avion pour New York. J’y ai vécu un an et je voyais là-bas en moyenne deux films par jour, dans les superbes salles de quartier qu’il y avait alors.
Quels étaient à l’époque vos films américains et allemands favoris ?
Robert Brinkmann : Le premier film qui me fit réaliser qu’il y avait autre chose au cinéma que des films de monstres était Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. J’avais 15 ans alors et je me souviens du moment où j‘ai compris qu’il pouvait y avoir de la poésie au cinéma. Mon réalisateur préféré à l’époque n’était ni allemand ni américain - j’aimais, et j’aime toujours, tout ce que Roman Polanski faisait (et ce qu’il fait). J’adorais aussi les films de Werner Herzog, particulièrement Aguirre, la colère de Dieu et Woyzeck, ainsi que Kings of the Road (Im Lauf der Zeit, 1976, NDA) et Alice dans les villes.
Lors de vos études à l’USC (University of Southern California) vous vous êtes spécialisé dans le métier de directeur de la photo. Aviez-vous envisagé de devenir réalisateur ?
Robert Brinkmann : Comme chaque étudiant entrant dans une école de cinéma, je voulais devenir un réalisateur. Malheureusement je suis un auteur paresseux. Les films que je faisais étaient très ésotériques, ceux à qui je les montrais avaient du mal à y adhérer, mais leur aspect visuel passait bien. J’ai finalement compris que tous les étudiants en cinéma ne peuvent pas devenir réalisateur, il doit y avoir aussi des monteurs, des personnes qui mixent la bande son et des directeurs de la photographie.
Comment avez-vous été amené à travailler sur le film d’étudiant du réalisateur Phil Joanou ?
Robert Brinkmann : J’avais décidé de devenir directeur de la photographie et je savais que mon film de fin d’études devait faire forte impression. Mais le film que j’avais initialement prévu de faire avec un ami n’a pas eu le feu vert de la faculté, et je me suis retrouvé sans projet de fin d’année. Au lieu de choisir un projet de film parmi ce qui restait j’ai décidé d’attendre de trouver un meilleur script et un réalisateur talentueux.
Ce semestre-là je n’ai pas tourné de film mais je suis allé aux projections de tous les aspirants réalisateurs qui avaient prévu de tourner un projet de fin d’année le semestre suivant. Le film de Phil Joanou sortait du lot et je l’ai convaincu de me choisir comme directeur de la photo de The Last Chance Dance.
En 1985 vous avez créé une compagnie pour produire et réaliser des vidéos musicales. Le vidéo-clip en était à ses débuts. Comment avez-vous senti le potentiel des vidéos musicales et l’importance croissante qu’elles auraient plus tard dans l’industrie du disque ?
Robert Brinkmann : Après avoir tourné The Last Chance Dance, film qui a incité Steven Spielberg à donner à Phil un bureau à Amblin et à l’engager comme réalisateur, j’ai appris que tout producteur engageant de jeunes réalisateurs sortis de l’école les faisait travailler en tandem avec des directeurs de la photographie plus âgés et expérimentés.
Il n’y avait donc pas beaucoup d’opportunités pour les jeunes directeurs de la photo à ce moment-là. Les vidéos musicales étaient un nouveau domaine avec des petits budgets et peu de limites, où l’innovation comptait plus que l’expérience.
En quoi les vidéos musicales vous intéressaient-elles alors d’un point de vue esthétique et artistique ?
Robert Brinkmann : Les vidéos musicales étaient courtes et leur style était complètement différent de ce qui se faisait alors. Cétait un merveilleux terrain d’entraînement pour toute une nouvelle génération de réalisateurs et de directeurs de la photographie. Cependant même les producteurs de vidéos musicales n’engageaient pas tous des directeurs de la photo sortis de l’école, j’ai donc créé une société de production et je me suis engagé moi-même.
Dans l’industrie musicale vous avez travaillé avec beaucoup de personnalités importantes. En tant que responsable de la photo et producteur de leur vidéos qu’avez-vous essayé d’apporter à leur musique ? Quels sont vos goûts personnels en musique ?
Robert Brinkmann : J’aime la musique et je peux apprécier pratiquement tout, excepté la Country et le genre Western. Il y a une relation mystique entre des images en mouvement et la musique. Conjuguer les images et la musique peut améliorer les deux.
Bien sûr, si vous avez une musique incroyable, comme dans One de U2, il suffit de faire un gros plan de Bono en train de chanter et cela donne une bonne vidéo. A contrario, il est plus difficile de faire une bonne vidéo d’une mauvaise chanson, aussi excitante que la partie visuelle puisse être.
En 1987 vous faites une rencontre importante. Vous devenez le directeur de la photographie de Two Idiots in Hollywood, un film dirigé par un des acteurs américains les plus intéressants : Stephen Tobolowsky. Le film est réputé dans certains cercles pour son sens de la satire.
Robert Brinkmann : J’avais rencontré une grande productrice, Ginny Nugent, qui travaillait avec Stephen et qui lui avait suggéré mon nom. Stephen lui accordait une très grande confiance et m’a immédiatement engagé. L’aspect le plus difficile de ce film était que c’était supposé être un mauvais film tourné par un des personnages.
Jack DeGovia, notre décorateur - un grand de cette profession - mettait un point d’honneur à nous donner les pires plateaux et la cinématographie devait être d’une nature similaire. C’était très difficile mais aussi très drôle.
En 1987 vous collaborez de nouveau avec Phil Joanou sur un des monuments du documentaire musical : U2 : Rattle and Hum. Comment est né ce projet ? Comment avez-vous été invités à travailler sur le film ? Pourriez-vous nous parler de votre participation à la préparation du film et au tournage ?
Robert Brinkmann : Phil est un grand fan de U2 et un être humain très persuasif. Il a rencontré le groupe et les a convaicu de le laisser réaliser leur documentaire. Il avait essayé de m’engager sur son premier long métrage, Three O’Clock High, mais le studio producteur avait refusé. Pour Rattle and Hum, le « studio » c’était U2 (Paramount a acheté le film plus tard) et le groupe lui a laissé la liberté d’engager qui il voulait.
Je travaillais avec Stephen Tobolowsky sur Two Idiots in Hollywood lorsque j’ai reçu un appel de Phil Joanou, qui me demandait de venir le rejoindre pour tourner Rattle and Hum. Deux jours plus tard, après la fin du tournage de Two Idiots, j’ai pris l’avion pour Boston. Il n’y a eu aucune préparation d’aucune sorte. Je suis descendu de la voiture venue me chercher à l’aéroport, mis la caméra sur mon épaule et j’ai commençé à tourner.
Votre premier film en tant que réalisateur, Stephen Tobolowsky’s Birthday Party, (2005) est un des moments de cinéma les plus purs jamais proposé. Ce merveilleux documentaire sur l’art vénérable de raconter des histoires utilise votre ami, l’acteur et réalisateur Stephen Tobolowsky, en tant que medium. A travers le regard de votre caméra, nous sommes invités chez lui, parmi les invités de sa fête d’anniversaire, et nous l’écoutons nous narrer des histoires sur sa vie ainsi que sur sa carrière riche et créative.
Nous avons discuté de ce film avec Stephen Tobolowsky mais pourriez-vous nous rappeler brièvement la genèse de cette idée simple et magnifique.
Robert Brinkmann : Stephen et moi sommes devenus amis durant le tournage de Two Idiots in Hollywood. Je me souviens d’une fête qu’il avait organisé et je l’ai vu racontant une histoire, entouré de presque tout le monde. A ce moment-là j’ai pensé qu’on pourrait faire un film avec ça. Je lui ai soumis cette idée quelques temps après mais ça nous a pris 15 ans pour le faire.
J’ai toujours insisté pour que ce projet se fasse sur une grande échelle et je voulais tourner en 35 mm, ce que nous ne pouvions nous permettre. Mais lorsque la technologie HD est arrivée au point où elle en est maintenant, j’y ai vu l’alternative idéale et nous nous sommes lançés.
En tant que spécialiste de l’art de concevoir une image afin de créer un impact, un effet ou une tonalité, comment avez-vous transformé votre caméra en serviteur de la magie des mots ?
Robert Brinkmann : Je savais que la clé du succès de STBP était de rester hors du chemin de Stephen et de le laisser se lier avec le public. Il fallait que rien ne se place entre le public et l’acteur. Je montre les caméras et moi-même au début et à la fin pour montrer aux spectateurs le processus et être totalement honnête, afin que même cet artifice indispensable qu’est la caméra ne s’impose pas au cours du film.
J’ai considéré le tournage un peu comme la captation d’un concert, à la Rattle and Hum. Stephen se livrait à une performance structurée et répétée avant, et je devais capturer cette performance du premier coup sans interférer. C’est essentiellement ce que j’avais fait pour U2.
Qu’est-ce qui vous fascine dans l’incroyable manière dont Stephen Tobolowsky est capable de nous captiver avec ses anecdotes ?
Robert Brinkmann : Stephen est un très grand conteur, qui comprend la structure d’un récit, qui sait improviser, et qui sait jouer. Lorsqu’il raconte une histoire c’est comme regarder un film dans votre tête. C’est pourquoi 90 minutes avec lui ne sont jamais ennuyeuses. A ce jour, lorsque je regarde STBP, j’ai l’impression de regarder un film avec des extérieurs exotiques, de l’action, beaucoup de personnages, parce que tout ce dont il parle apparaît dans mon esprit comme les images d’un film.
A propos de ça, j’aime citer Stephen Tobolowsky, qui dit toujours : « Le public aime les effets spéciaux un peu moins qu’il ne l’imagine et il aime les histoires beaucoup plus qu’il ne l’imagine ». Je pense que la réaction suscitée par notre film prouve qu’il a raison.
En 1993 vous avez travaillé comme directeur de la photographie sur 3 épisodes d’une série télévisée très ambitieuse appelée Fallen Angels. Quel était le concept de cette série et quelles étaient les exigences visuelles de ce concept ?
Robert Brinkmann : Il s’agissait d’une anthologie d’histoires façon film noir se déroulant dans le Hollywood des années 1930. C’était en effet très ambitieux mais ça n’a pas été très remarqué. Rick Heinrich, le célèbre décorateur, avait conçu des plateaux incroyables. Stuart Cornfeld, le producteur, s’était arrangé pour faire venir des talents fantastiques, le tout pour très peu d’argent.
Avec quels réalisateurs avez-vous travaillé sur cette série et comment avez-vous travaillé avec eux et la production ?
Robert Brinkmann : J’ai travaillé avec Agnieszka Holland, Peter Bogdanovich, Michael Lehmann, et Jim McBride. C’était une occasion unique de travailler quelques semaines avec des réalisateurs de renom, alors que travailler avec eux sur des films aurait pris des mois, voire ne se serait pas produit du tout. Je considère que ça a été une des plus grandes expériences de ma vie et j’ai été très fier des résultats.
Revenons en à Birthday et abordons le travail de montage. Comment votre associé Andrew Putschoegl et vous-même, monteurs du film, avez-vous conçu sa « narration visuelle » ?
Robert Brinkmann : STBP était structuré avant que nous ne commencions le tournage. Le film démarre le matin sur une plage de Malibu, continue dans la cuisine de Stephen, puis dans le jardin, puis les invités arrivent pour la fête dans le living room : extérieurs - intérieurs - extérieurs - intérieur et jour - nuit, ce qui donne une progression dans un arc naturel. Je sentais qu’un seul lieu de tournage pourrait être claustrophobique à la longue. C’est une des raisons des prises de vue en hélicoptère. Je voulais que les spectateurs sentent qu’être dans le living room de Stephen est un choix, et nous pouvions enchaîner avec une prise de vue en hélicoptère chaque fois que c’était nécessaire.
Comment pouvez-vous raconter avec des images l’histoire d’un homme qui raconte des histoires avec ses mots ?
Robert Brinkmann : Dès lors que la structure d’ensemble était connue, les décisions relatives au montage concernaient le fait de savoir quelles histoires garder et lesquelles éliminer. Nous avions quatre heures de matériel. Tout d’abord nous avons fait un premier montage de toutes les histoires afin de voir comment cela fonctionnait. Ensuite nous avons joué avec la structure en nous servant de différentes histoires et finalement nous avons amélioré les histoires retenues et nous les avons remontées en fonction du temps.
Nous avons tourné avec deux, parfois trois caméras. Andy et moi avons relié différentes caméras sur différents moniteurs et nous avons regardé le résultat en simultané. Lorsque l’on procède ainsi l’angle qui fonctionne le mieux apparaît de manière évidente et il devient plus facile de monter. C’est une des choses que j’ai pu apprendre avec Rattle and Hum. Phil Joanou montait le film de cette façon avec un système de montage extrêmement coûteux. La différence c’est que maintenant on peut le faire chez soi avec un ordinateur Apple.
Comme directeur de la photo, vous avez travaillé avec des réalisateurs de grand talent. Quelles sont les choses les plus importantes que vous avez appris d’eux ? Desquelles de ces choses vous êtes vous servi pour votre propre film ?
Robert Brinkmann : J’ai eu le privilège de travailler avec de grands réalisateurs. Roger Avary, Peter Bogdanovich, Agnieszka Holland, Reggie Hudlin, Liam Lynch et Ben Stiller m’ont enseigné énormément. Je pense que le plus important est que j’ai appris à avoir confiance en ma vision et mon acteur.
Pourriez-vous nous dire quelques mots de tous les aspects techniques de votre film ? Stephen Tobolowsky’s Birthday Party aurait-il pu être faisable sans l’émergence de la technologie numérique ?
Robert Brinkmann : J’ai toujours voulu tourner ce film en 35mm. J’étais inquiet du fait qu’un autre format donnerait au film moins de poids et le ferait presque ressembler à un film de vacances. Malheureusement le coût était trop prohibitif pour un film auto-finançé, et j’avais peu de chances de trouver des centaines de milliers de dollars pour filmer Stephen dans son living room. Ce n’est que lorsque Sony a sorti la mise à jour du F900/3 que j’ai commençé à être satisfait et sans des avançées considérables en matière de technologie HD, ça nous aurait pris encore quinze ans pour finalement faire le film.
Stephen Tobolowsky’s Birthday Party sera certainement considéré rétrospectivement dans l’Histoire du cinéma, non seulement comme un coup de maître mais aussi comme une bouffée d’air frais, alors que votre film nous rappelle combien les histoires sont fondamentales pour rendre un film réellement intéressant.
Robert Brinkmann : Si STBP est ne serait-ce qu’une note de bas de page dans l’Histoire du cinéma, notre film aura reçu plus d’attention que je pensais. Je vous remercie pour ces mots aimables.
Quelles sont les histoires du film que vous préferez ?
Robert Brinkmann : Mes histoires préférées changent tout le temps. En ce moment, j’aime l’histoire du dauphin au début du film à cause de sa magie et du fait que ça accroche le public. J’aime aussi l’histoire du cascadeur, Dick, parce qu’elle est très émouvante, ainsi que l’anecdote de Joshua sur le plateau de Mississippi Burning, parce que ça fait vraiment partie de l’histoire du tournage de ce film.
Quels sont vos films et vos réalisateurs préférés ?
Robert Brinkmann : Mes réalisateurs préférés en activité sont Michael Mann et Curtis Hanson. Ce sont des artisans émérites capables de raconter de grandes histoires auxquelles le public adhère sans compromettre leur vision. Ce sont les plus proches des grands films des années 1970, faits par Coppola, Scorsese, Friedkin, Ashby, tous ceux qui me faisaient venir au cinéma.
Gardez-vous un oeil sur l’industrie allemande du cinéma. Les productions de Bernd Eichinger (le patron de Constantin) ont un budget et des normes de qualité équivalentes à celles d’Hollywood. Aimeriez-vous travailler sur une production allemande comme directeur de la photographie ou réalisateur ?
Robert Brinkmann : J’aimerais beaucoup travailler comme directeur de la photographie sur une production allemande (monsieur Eichinger, j’espère que vous lisez ça...) Bien qu’ayant travaillé sur des publicités dans de nombreux pays d’Europe, dont la France, l’Italie, l’Irlande et l’Angleterre, je n’ai jamais travaillé en Allemagne. J’espère pouvoir tourner un jour en Allemagne, que ce soit pour une production de Bernd Eichinger ou pour une petite production indépendante.
Quels sont vos projets après la promotion de Stephen Tobolowsky’s Birthday Party ? Votre film est couvert d’éloges par ceux qui ont eu le privilège de le voir. Etait-ce difficile de travailler sur quelque chose de complètement différent après une telle expérience ?
Robert Brinkmann : Ce n’était pas difficile de revenir à mon travail de tous les jours. J’ai fini récemment le tournage de Tenacious D in The Pick of Destiny, un film avec Jack Black et Kyle Gass du groupe Tenacious D. C’était une formidable expérience de pouvoir travailler avec un nouveau réalisateur très talentueux, qui a fait un film très original et très drôle. Lorsqu’on a l’occasion de travailler sur un projet aussi merveilleux c’est très satisfaisant d’y jouer un rôle.
J’essaye aussi quelque chose de nouveau pour moi. Stephen Tobolowsky et moi-même avons décidé de sortir STBP en DVD par nos propres moyens. Nous avons formé une compagnie de distribution et nous préparons pour le 30 mai 2006 la sortie de Stephen Tobolowsky’s Birthday Party - le jour de l’anniversaire de Stephen Tobolowsky (inutile de préciser qu’il y aura une grande fête !)
In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/06/robert-brinkmann.html
(Entretien réalisé en 2006)
Sa riche filmographie inclut des films réalisés par Ben Stiller, Michael Lehman ou John McNaughton. Robert Brinkmann nous offre son premier film en tant que réalisateur, Stephen Tobolowsky’s Birthday Party, un moment magnifique de pur cinéma.
Vous êtes né en Allemagne. Pourriez-vous s’il vous plaît nous dire quelques mots sur votre vie avant votre arrivée aux Etats-Unis ?
Robert Brinkmann : J’ai toujours voulu m’évader, m’échapper. Jeune enfant, j’avais l’habitude de me rendre aux matinées du week-end d’une des salles de cinéma locales - j’étais trop jeune pour y aller le soir - et je regardais des films de monstres japonais tous les dimanches à 10h00. Je crois qu’on peut dire que c’était un peu mon église.
A l’âge de 15 ans, je suis parti de chez mes parents. Et j’étais assez vieux pour me rendre au cinéma de mon quartier presque tous les jours. J’y passais tellement de temps qu’on m’a offert d’y travailler. A la fin de ma scolarité j’ai pris l’avion pour New York. J’y ai vécu un an et je voyais là-bas en moyenne deux films par jour, dans les superbes salles de quartier qu’il y avait alors.
Quels étaient à l’époque vos films américains et allemands favoris ?
Robert Brinkmann : Le premier film qui me fit réaliser qu’il y avait autre chose au cinéma que des films de monstres était Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. J’avais 15 ans alors et je me souviens du moment où j‘ai compris qu’il pouvait y avoir de la poésie au cinéma. Mon réalisateur préféré à l’époque n’était ni allemand ni américain - j’aimais, et j’aime toujours, tout ce que Roman Polanski faisait (et ce qu’il fait). J’adorais aussi les films de Werner Herzog, particulièrement Aguirre, la colère de Dieu et Woyzeck, ainsi que Kings of the Road (Im Lauf der Zeit, 1976, NDA) et Alice dans les villes.
Lors de vos études à l’USC (University of Southern California) vous vous êtes spécialisé dans le métier de directeur de la photo. Aviez-vous envisagé de devenir réalisateur ?
Robert Brinkmann : Comme chaque étudiant entrant dans une école de cinéma, je voulais devenir un réalisateur. Malheureusement je suis un auteur paresseux. Les films que je faisais étaient très ésotériques, ceux à qui je les montrais avaient du mal à y adhérer, mais leur aspect visuel passait bien. J’ai finalement compris que tous les étudiants en cinéma ne peuvent pas devenir réalisateur, il doit y avoir aussi des monteurs, des personnes qui mixent la bande son et des directeurs de la photographie.
Comment avez-vous été amené à travailler sur le film d’étudiant du réalisateur Phil Joanou ?
Robert Brinkmann : J’avais décidé de devenir directeur de la photographie et je savais que mon film de fin d’études devait faire forte impression. Mais le film que j’avais initialement prévu de faire avec un ami n’a pas eu le feu vert de la faculté, et je me suis retrouvé sans projet de fin d’année. Au lieu de choisir un projet de film parmi ce qui restait j’ai décidé d’attendre de trouver un meilleur script et un réalisateur talentueux.
Ce semestre-là je n’ai pas tourné de film mais je suis allé aux projections de tous les aspirants réalisateurs qui avaient prévu de tourner un projet de fin d’année le semestre suivant. Le film de Phil Joanou sortait du lot et je l’ai convaincu de me choisir comme directeur de la photo de The Last Chance Dance.
En 1985 vous avez créé une compagnie pour produire et réaliser des vidéos musicales. Le vidéo-clip en était à ses débuts. Comment avez-vous senti le potentiel des vidéos musicales et l’importance croissante qu’elles auraient plus tard dans l’industrie du disque ?
Robert Brinkmann : Après avoir tourné The Last Chance Dance, film qui a incité Steven Spielberg à donner à Phil un bureau à Amblin et à l’engager comme réalisateur, j’ai appris que tout producteur engageant de jeunes réalisateurs sortis de l’école les faisait travailler en tandem avec des directeurs de la photographie plus âgés et expérimentés.
Il n’y avait donc pas beaucoup d’opportunités pour les jeunes directeurs de la photo à ce moment-là. Les vidéos musicales étaient un nouveau domaine avec des petits budgets et peu de limites, où l’innovation comptait plus que l’expérience.
En quoi les vidéos musicales vous intéressaient-elles alors d’un point de vue esthétique et artistique ?
Robert Brinkmann : Les vidéos musicales étaient courtes et leur style était complètement différent de ce qui se faisait alors. Cétait un merveilleux terrain d’entraînement pour toute une nouvelle génération de réalisateurs et de directeurs de la photographie. Cependant même les producteurs de vidéos musicales n’engageaient pas tous des directeurs de la photo sortis de l’école, j’ai donc créé une société de production et je me suis engagé moi-même.
Dans l’industrie musicale vous avez travaillé avec beaucoup de personnalités importantes. En tant que responsable de la photo et producteur de leur vidéos qu’avez-vous essayé d’apporter à leur musique ? Quels sont vos goûts personnels en musique ?
Robert Brinkmann : J’aime la musique et je peux apprécier pratiquement tout, excepté la Country et le genre Western. Il y a une relation mystique entre des images en mouvement et la musique. Conjuguer les images et la musique peut améliorer les deux.
Bien sûr, si vous avez une musique incroyable, comme dans One de U2, il suffit de faire un gros plan de Bono en train de chanter et cela donne une bonne vidéo. A contrario, il est plus difficile de faire une bonne vidéo d’une mauvaise chanson, aussi excitante que la partie visuelle puisse être.
En 1987 vous faites une rencontre importante. Vous devenez le directeur de la photographie de Two Idiots in Hollywood, un film dirigé par un des acteurs américains les plus intéressants : Stephen Tobolowsky. Le film est réputé dans certains cercles pour son sens de la satire.
Robert Brinkmann : J’avais rencontré une grande productrice, Ginny Nugent, qui travaillait avec Stephen et qui lui avait suggéré mon nom. Stephen lui accordait une très grande confiance et m’a immédiatement engagé. L’aspect le plus difficile de ce film était que c’était supposé être un mauvais film tourné par un des personnages.
Jack DeGovia, notre décorateur - un grand de cette profession - mettait un point d’honneur à nous donner les pires plateaux et la cinématographie devait être d’une nature similaire. C’était très difficile mais aussi très drôle.
En 1987 vous collaborez de nouveau avec Phil Joanou sur un des monuments du documentaire musical : U2 : Rattle and Hum. Comment est né ce projet ? Comment avez-vous été invités à travailler sur le film ? Pourriez-vous nous parler de votre participation à la préparation du film et au tournage ?
Robert Brinkmann : Phil est un grand fan de U2 et un être humain très persuasif. Il a rencontré le groupe et les a convaicu de le laisser réaliser leur documentaire. Il avait essayé de m’engager sur son premier long métrage, Three O’Clock High, mais le studio producteur avait refusé. Pour Rattle and Hum, le « studio » c’était U2 (Paramount a acheté le film plus tard) et le groupe lui a laissé la liberté d’engager qui il voulait.
Je travaillais avec Stephen Tobolowsky sur Two Idiots in Hollywood lorsque j’ai reçu un appel de Phil Joanou, qui me demandait de venir le rejoindre pour tourner Rattle and Hum. Deux jours plus tard, après la fin du tournage de Two Idiots, j’ai pris l’avion pour Boston. Il n’y a eu aucune préparation d’aucune sorte. Je suis descendu de la voiture venue me chercher à l’aéroport, mis la caméra sur mon épaule et j’ai commençé à tourner.
Votre premier film en tant que réalisateur, Stephen Tobolowsky’s Birthday Party, (2005) est un des moments de cinéma les plus purs jamais proposé. Ce merveilleux documentaire sur l’art vénérable de raconter des histoires utilise votre ami, l’acteur et réalisateur Stephen Tobolowsky, en tant que medium. A travers le regard de votre caméra, nous sommes invités chez lui, parmi les invités de sa fête d’anniversaire, et nous l’écoutons nous narrer des histoires sur sa vie ainsi que sur sa carrière riche et créative.
Nous avons discuté de ce film avec Stephen Tobolowsky mais pourriez-vous nous rappeler brièvement la genèse de cette idée simple et magnifique.
Robert Brinkmann : Stephen et moi sommes devenus amis durant le tournage de Two Idiots in Hollywood. Je me souviens d’une fête qu’il avait organisé et je l’ai vu racontant une histoire, entouré de presque tout le monde. A ce moment-là j’ai pensé qu’on pourrait faire un film avec ça. Je lui ai soumis cette idée quelques temps après mais ça nous a pris 15 ans pour le faire.
J’ai toujours insisté pour que ce projet se fasse sur une grande échelle et je voulais tourner en 35 mm, ce que nous ne pouvions nous permettre. Mais lorsque la technologie HD est arrivée au point où elle en est maintenant, j’y ai vu l’alternative idéale et nous nous sommes lançés.
En tant que spécialiste de l’art de concevoir une image afin de créer un impact, un effet ou une tonalité, comment avez-vous transformé votre caméra en serviteur de la magie des mots ?
Robert Brinkmann : Je savais que la clé du succès de STBP était de rester hors du chemin de Stephen et de le laisser se lier avec le public. Il fallait que rien ne se place entre le public et l’acteur. Je montre les caméras et moi-même au début et à la fin pour montrer aux spectateurs le processus et être totalement honnête, afin que même cet artifice indispensable qu’est la caméra ne s’impose pas au cours du film.
J’ai considéré le tournage un peu comme la captation d’un concert, à la Rattle and Hum. Stephen se livrait à une performance structurée et répétée avant, et je devais capturer cette performance du premier coup sans interférer. C’est essentiellement ce que j’avais fait pour U2.
Qu’est-ce qui vous fascine dans l’incroyable manière dont Stephen Tobolowsky est capable de nous captiver avec ses anecdotes ?
Robert Brinkmann : Stephen est un très grand conteur, qui comprend la structure d’un récit, qui sait improviser, et qui sait jouer. Lorsqu’il raconte une histoire c’est comme regarder un film dans votre tête. C’est pourquoi 90 minutes avec lui ne sont jamais ennuyeuses. A ce jour, lorsque je regarde STBP, j’ai l’impression de regarder un film avec des extérieurs exotiques, de l’action, beaucoup de personnages, parce que tout ce dont il parle apparaît dans mon esprit comme les images d’un film.
A propos de ça, j’aime citer Stephen Tobolowsky, qui dit toujours : « Le public aime les effets spéciaux un peu moins qu’il ne l’imagine et il aime les histoires beaucoup plus qu’il ne l’imagine ». Je pense que la réaction suscitée par notre film prouve qu’il a raison.
En 1993 vous avez travaillé comme directeur de la photographie sur 3 épisodes d’une série télévisée très ambitieuse appelée Fallen Angels. Quel était le concept de cette série et quelles étaient les exigences visuelles de ce concept ?
Robert Brinkmann : Il s’agissait d’une anthologie d’histoires façon film noir se déroulant dans le Hollywood des années 1930. C’était en effet très ambitieux mais ça n’a pas été très remarqué. Rick Heinrich, le célèbre décorateur, avait conçu des plateaux incroyables. Stuart Cornfeld, le producteur, s’était arrangé pour faire venir des talents fantastiques, le tout pour très peu d’argent.
Avec quels réalisateurs avez-vous travaillé sur cette série et comment avez-vous travaillé avec eux et la production ?
Robert Brinkmann : J’ai travaillé avec Agnieszka Holland, Peter Bogdanovich, Michael Lehmann, et Jim McBride. C’était une occasion unique de travailler quelques semaines avec des réalisateurs de renom, alors que travailler avec eux sur des films aurait pris des mois, voire ne se serait pas produit du tout. Je considère que ça a été une des plus grandes expériences de ma vie et j’ai été très fier des résultats.
Revenons en à Birthday et abordons le travail de montage. Comment votre associé Andrew Putschoegl et vous-même, monteurs du film, avez-vous conçu sa « narration visuelle » ?
Robert Brinkmann : STBP était structuré avant que nous ne commencions le tournage. Le film démarre le matin sur une plage de Malibu, continue dans la cuisine de Stephen, puis dans le jardin, puis les invités arrivent pour la fête dans le living room : extérieurs - intérieurs - extérieurs - intérieur et jour - nuit, ce qui donne une progression dans un arc naturel. Je sentais qu’un seul lieu de tournage pourrait être claustrophobique à la longue. C’est une des raisons des prises de vue en hélicoptère. Je voulais que les spectateurs sentent qu’être dans le living room de Stephen est un choix, et nous pouvions enchaîner avec une prise de vue en hélicoptère chaque fois que c’était nécessaire.
Comment pouvez-vous raconter avec des images l’histoire d’un homme qui raconte des histoires avec ses mots ?
Robert Brinkmann : Dès lors que la structure d’ensemble était connue, les décisions relatives au montage concernaient le fait de savoir quelles histoires garder et lesquelles éliminer. Nous avions quatre heures de matériel. Tout d’abord nous avons fait un premier montage de toutes les histoires afin de voir comment cela fonctionnait. Ensuite nous avons joué avec la structure en nous servant de différentes histoires et finalement nous avons amélioré les histoires retenues et nous les avons remontées en fonction du temps.
Nous avons tourné avec deux, parfois trois caméras. Andy et moi avons relié différentes caméras sur différents moniteurs et nous avons regardé le résultat en simultané. Lorsque l’on procède ainsi l’angle qui fonctionne le mieux apparaît de manière évidente et il devient plus facile de monter. C’est une des choses que j’ai pu apprendre avec Rattle and Hum. Phil Joanou montait le film de cette façon avec un système de montage extrêmement coûteux. La différence c’est que maintenant on peut le faire chez soi avec un ordinateur Apple.
Comme directeur de la photo, vous avez travaillé avec des réalisateurs de grand talent. Quelles sont les choses les plus importantes que vous avez appris d’eux ? Desquelles de ces choses vous êtes vous servi pour votre propre film ?
Robert Brinkmann : J’ai eu le privilège de travailler avec de grands réalisateurs. Roger Avary, Peter Bogdanovich, Agnieszka Holland, Reggie Hudlin, Liam Lynch et Ben Stiller m’ont enseigné énormément. Je pense que le plus important est que j’ai appris à avoir confiance en ma vision et mon acteur.
Pourriez-vous nous dire quelques mots de tous les aspects techniques de votre film ? Stephen Tobolowsky’s Birthday Party aurait-il pu être faisable sans l’émergence de la technologie numérique ?
Robert Brinkmann : J’ai toujours voulu tourner ce film en 35mm. J’étais inquiet du fait qu’un autre format donnerait au film moins de poids et le ferait presque ressembler à un film de vacances. Malheureusement le coût était trop prohibitif pour un film auto-finançé, et j’avais peu de chances de trouver des centaines de milliers de dollars pour filmer Stephen dans son living room. Ce n’est que lorsque Sony a sorti la mise à jour du F900/3 que j’ai commençé à être satisfait et sans des avançées considérables en matière de technologie HD, ça nous aurait pris encore quinze ans pour finalement faire le film.
Stephen Tobolowsky’s Birthday Party sera certainement considéré rétrospectivement dans l’Histoire du cinéma, non seulement comme un coup de maître mais aussi comme une bouffée d’air frais, alors que votre film nous rappelle combien les histoires sont fondamentales pour rendre un film réellement intéressant.
Robert Brinkmann : Si STBP est ne serait-ce qu’une note de bas de page dans l’Histoire du cinéma, notre film aura reçu plus d’attention que je pensais. Je vous remercie pour ces mots aimables.
Quelles sont les histoires du film que vous préferez ?
Robert Brinkmann : Mes histoires préférées changent tout le temps. En ce moment, j’aime l’histoire du dauphin au début du film à cause de sa magie et du fait que ça accroche le public. J’aime aussi l’histoire du cascadeur, Dick, parce qu’elle est très émouvante, ainsi que l’anecdote de Joshua sur le plateau de Mississippi Burning, parce que ça fait vraiment partie de l’histoire du tournage de ce film.
Quels sont vos films et vos réalisateurs préférés ?
Robert Brinkmann : Mes réalisateurs préférés en activité sont Michael Mann et Curtis Hanson. Ce sont des artisans émérites capables de raconter de grandes histoires auxquelles le public adhère sans compromettre leur vision. Ce sont les plus proches des grands films des années 1970, faits par Coppola, Scorsese, Friedkin, Ashby, tous ceux qui me faisaient venir au cinéma.
Gardez-vous un oeil sur l’industrie allemande du cinéma. Les productions de Bernd Eichinger (le patron de Constantin) ont un budget et des normes de qualité équivalentes à celles d’Hollywood. Aimeriez-vous travailler sur une production allemande comme directeur de la photographie ou réalisateur ?
Robert Brinkmann : J’aimerais beaucoup travailler comme directeur de la photographie sur une production allemande (monsieur Eichinger, j’espère que vous lisez ça...) Bien qu’ayant travaillé sur des publicités dans de nombreux pays d’Europe, dont la France, l’Italie, l’Irlande et l’Angleterre, je n’ai jamais travaillé en Allemagne. J’espère pouvoir tourner un jour en Allemagne, que ce soit pour une production de Bernd Eichinger ou pour une petite production indépendante.
Quels sont vos projets après la promotion de Stephen Tobolowsky’s Birthday Party ? Votre film est couvert d’éloges par ceux qui ont eu le privilège de le voir. Etait-ce difficile de travailler sur quelque chose de complètement différent après une telle expérience ?
Robert Brinkmann : Ce n’était pas difficile de revenir à mon travail de tous les jours. J’ai fini récemment le tournage de Tenacious D in The Pick of Destiny, un film avec Jack Black et Kyle Gass du groupe Tenacious D. C’était une formidable expérience de pouvoir travailler avec un nouveau réalisateur très talentueux, qui a fait un film très original et très drôle. Lorsqu’on a l’occasion de travailler sur un projet aussi merveilleux c’est très satisfaisant d’y jouer un rôle.
J’essaye aussi quelque chose de nouveau pour moi. Stephen Tobolowsky et moi-même avons décidé de sortir STBP en DVD par nos propres moyens. Nous avons formé une compagnie de distribution et nous préparons pour le 30 mai 2006 la sortie de Stephen Tobolowsky’s Birthday Party - le jour de l’anniversaire de Stephen Tobolowsky (inutile de préciser qu’il y aura une grande fête !)
In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/06/robert-brinkmann.html
(Entretien réalisé en 2006)
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