jeudi 12 juin 2008

AMANDA

Stephen Arden (Ralph Bellamy), avocat, a un problème : sa fiancée, la charmante Amanda Cooper (Ginger Rogers), une chanteuse vedette de la radio, refuse d’aller plus loin dans son engagement avec lui. Il sollicite l’aide de son meilleur ami, le docteur Tony Flagg (Fred Astaire), un psychanalyste, pour qu’il mette sa science au service de la compréhension des sentiments de la belle.

« Encore une idiote écervelée et inadaptée à l’esprit embrouillé. » (Tony)

SHALL WE PLAY

Amanda (Carefree), réalisé en 1938 par Mark Sandrich, marque le retour du duo Astaire-Rogers après une brève « séparation » le temps d’un film, Une demoiselle en détresse – réalisé la même année par George Stevens (un quasi-véhicule pour le couple George Burns et Gracie « Say goodnight Gracie » Allen) . Formé incidemment avec le film Carioca (Flying down to Rio, 1933), le dynamique duo dansant de Fred Astaire et Ginger Rogers se réunit à nouveau sous l’égide de Sandrich après le jouissif et insolent L’entreprenant M. Petrov.

« Amanda machin chose »

Si le cahier des charges habituel à ce genre d’exercice est rempli au delà de toute espérance, ne fut-ce que par la simple présence dudit Mark Sandrich à la réalisation, de Hermes Pan (alter-ego d’Astaire) à la chorégraphie et de l’inévitable divinité musicale de l’époque – ici Irving Berlin – Amanda se distingue des autres Astaire-Rogers par la prédominance de la comédie loufoque, les numéros musicaux étant certes magiques (pouvait-il en être autrement ?) mais moins nombreux que dans les précédents. Le seul générique distingue cet opus : un doigt trace, avec la fluidité d’un danseur de ballet, les crédits sur une ardoise (une performance qui aurait eu sa place dans l’émission britannique Déclic).

« Je voulais être danseur mais la psychanalyse m’a détrompé. » (Tony)

Carefree est en vérité bien plus proche du théâtre de boulevard, avec son comique de situation et ses répliques superbement pensées en équipe par Marian Ainslee, Guy Endore, Dudley Nichols et Hagar Wilde, que de la « comédie musicale ». On a dit plus tard qu’Astaire lui-même aimait particulièrement ce film qui lui a permis d’exprimer son don pour la comédie et de ne pas seulement être le danseur du dessus.

LA JOYEUSE DISJONCTEE

« Il va te psychanalyser à bicyclette. » (Cora)

Fred Astaire est Tony Flagg, sémillant psychanalyste. Rappelons qu’à l’époque, Edward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud et inventeur des « relations publiques », faisait la promotion des idées de son oncle aux Etats-Unis. Astaire est tout à fait crédible en psy branché (le mot n’existait pas dans les années 1930) et préfigure les personnages de séducteurs interprétés par Richard Gere ou Hugh Grant dans les comédies romantiques de la fin du vingtième siècle. L’alchimie sur pellicule avec Ginger Rogers fonctionne plus que jamais, tant dans la danse (cela va sans dire) que dans le jeu de la séduction à l’écran comme du jeu tout court, avec des échanges savoureux tels que « Comprenez que j’essaie juste de vous aider à vous trouver – Si je me perds, je vous appelle ». Rogers lui renvoie la balle avec un charme de séductrice (« C’est votre subconscient qui frappe ») tout droit sortie d’un film d’Orson Welles. Et de manière surprenante, le film offre à son personnage l’opportunité de se déchaîner sous hypnose dans le plus pur style loufoque

« Utilisez vos freins, docteur » (Amanda)

Le jeu du duo est mis en valeur par un casting secondaire étonnant, à commencer par Ralph Bellamy dans le rôle de Stephen, un rôle que l’on croirait écrit pour Edward Everett Horton (« Si vous tombez sur mon estomac, merci de me le faire parvenir »). Bellamy, dont on oublie trop vite qu’il ne fut pas qu’un des vieux grigoux du film Un fauteuil pour deux (1983), est extraordinaire dès la première scène d’Amanda. Avec Fred Astaire (« Avant tu ne buvais jamais. Depuis quand tu es pinté ? – Trois jours. Hier, aujourd’hui et demain ») et le grand Jack Carson dans le rôle de Thomas, l’aide soignant, ils forment un agréable trio comique dont le sommet est la scène des cabines téléphoniques. Luella Gear est Cora, la tante décomplexée d’Amanda. Elle n’est pas négligée par le pool de scénaristes qui lui a ciselé d’incroyables répliques comme « Je veux bien être analysée par lui sur ma bicyclette ou sur autre chose d’ailleurs » et un somptueux running gag avec le juge (« Rasseyez-vous, Joe »).

Des formidables numéros de danse (Astaire et un club de golf...), des scènes comiques de grande classe (le rêve du petit chaperon rouge), des clins d’oeil (Le Saint à Manhattan), des répliques d’orfèvre. Du grand Astaire-Rogers dans une très belle copie dvd des Editions Montparnasse avec une sympathique présentation de Serge Bromberg. Un classique à posséder absolument.

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