Merci pour votre intérêt, votre fidélité et votre confiance.
Nous vous souhaitons par avance le meilleur pour 2023.
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- Mort d'un pirate (Tod eines Piraten). Un jeune homme tente de rentrer par effraction dans sa propre maison. Un épisode génial écrit par Volker Vogeler et réalisé par Zbyněk Brynych, avec d'excellentes interprétations de Claude-Oliver Rudolph (Fritz) et Christoph Eichorn
(Patrick Killian). Werner Schnitzer (Ruprecht) a joué plus tard Hahne dans Siska, la série qui a succédé à
Derrick (1998-2008) (5). Tobias Ringelmann, fils de Helmut, apparaît dans le film (fictif) au début.
- Une mort douce (Der sanfte Tod). Un couple appelle la police parce que leur voisin écoute trop fort la même chanson depuis des heures. Les scénaristes Günter Gräwert (qui a aussi dirigé cet épisode) et Adolf Schröder abordent l'homosexualité. La chanson utilisée comme leitmotiv est Why du compositeur, chanteur et faiseur de hits Frank Duval. Duval a travaillé régulièrement pour Derrick et Der Alte. Avec Tobias Hoesl (Jens), Eva Kryll (Barbara), Edgar Selge (Erich), Enzi Fuchs (Mrs Heinzen) et Miroslav Nemec avant Tatort .
- Décompte (Die Abrechnung). C'est jour de lessive pour Kress et sa fille Sabine (Bettina Redlich) lorsqu'une jeune femme tombe d'une fenètre. Cette mort est liée à un meurtre et au trafic de drogue en Malaisie. Écrit par Volker Vogeler et réalisé par Zbyněk Brynych. Tobias Hoesl est de retour dans un rôle différent. Avec Ursula Karven.
- Mort avant la fermeture (Tod von Schalterschluß). Le journaliste, romancier et scénariste Max Pierre Schaeffer a écrit cet épisode brillant réalisé par Günter Gräwert. Un braqueur de banques tue une femme durant un hold-up. Evelyn Opela (Madame Helmut Ringelmann) interprète Gitta Graf. Gert Burkhard est apparu dans beaucoup d'épisodes de Der Alte et Derrick, dans différents rôles. La chanson du générique de fin s'appelle Speech Behind Speech (1978). C'est une des collaborations d'Eberhard Schoener avec Sting, Andy Summers et plus tard Stewart Copeland avant que The Police ne devienne célèbre.
- La vie à ses secrets (Wie das Leben so spielt). Un photographe est le témoin d'un double meurtre. Un excellent episode écrit par Volker Vogeler et réalisé par Dietrich Haugk. Avec Eleonore Weisgerber, Ralf Schermuly, Udo Schenk, Ulli Kinalzik, etc.
- Traces effacées (Werwischte Spuren). Les pompiers reçoivent un étrange appel d'urgence. Rosel Zech (Le secret de Veronika Voss, Lola) joue Gabrielle Lohmann. Avec Sven Eric Bechtolf et Enzi Fuchs. Écrit et réalisé par Günter Gräwert.
- Échéance (Ultimo). Un épisode fabuleux écrit par Volker Vogeler et dirigé par Zbyněk Brynych. Albert Kozak (Ulrich Haupt) sort de l'hôpital après une tentative de meurtre. L'acteur suisse Christian Kohlund (Der Zürich-Krimi, La clinique de la Forêt-Noire) est Holger Kozak. Avec Susanne Uhlen, Gerd Baltus, Gerd Burkhard, etc. La chanson que l'on peut entendre pendant la superbe fin de l'épisode est Rhine-Bow (1978) par Eberard Schoener avec Sting, Andy Summers et Stewart Copeland.
- Un plan diabolique (Ein teuflischer Plan). Une autre perle de Volker Vogeler, réalisée par Alfred Weidenmann. Un comptable se tue et un homme en faillite est retrouvé mort par son épouse. Edgar Selge revient dans un rôle différent. Avec Reinhild Solf, Harald Leipnitz, Peter Bongartz, Lisa Kreuzer, Gerd Burkhard, etc.
- La dernière nuit (Die letzte Nacht). Condamné pour viol, Hans Steiger (Will Danin) sort de prison après plusieurs années. Avec Christine Buchegger, Sissy Höfferer, Beate Finck, Esther Hausmann, Ulli Kinalzik, etc. La mélancolique chanson de cet épisode est I Want To Be Free, composée par Günther Ress et interprétée par Edna Bejarano.
- Alibi: Mozart (Alibi: Mozart). Max Pierre Schaefer et Günther Gräwert font équipe pour ce classique à propos de la mort d'un pianiste réalisé par Zbyněk Brynych. Seconde participation d'Evelyn Opela cette saison. Avec aussi Gerd Böckmann, Anja Jaenicke, Franz Boehm, Tommi Piper, etc.
- Jour de référence (Der Stichtag). Une énigme de Max Pierre Schaefer et Günther Gräwert, réalisée par ce dernier. Un directeur de société prend un train de nuit avec sa secrétaire. Avec Udo Vioff, fréquent acteur invité sur Der Alte et Derrick.
- Meurtre certifié (Mord ist Mord). Un directeur de supermarché et sa maîtresse sont surpris par deux braqueurs. Écrit par Volker Vogeler et dirigé par Zbyněk Brynych. Rosel Zech revient dans un rôle différent. Avec Thekla Carola Wied, Winfried Glatzeder, Philipp Moog, etc.
[Favori du mois] Hotel Portofino, série britannique hautement plaisante qui se passe dans l'Italie de Mussolini, a été lancée au Royaume-Uni sur le service de SVOD Britbox en janvier 2022 et l'été dernier aux États-Unis sur PBS. Sa première saison (six épisodes d'une heure) a été diffusée en France sur Chérie 25 en septembre et elle est maintenant disponible en DVD chez L'Atelier d'images.
Derrick a été conçu par le producteur Helmut Ringelmann et le scénariste Herbert Reinecker comme une alternative à Der Kommissar, leur série policière lancée en 1969 sur ZDF. Produit par la compagnie de Ringelmann Neue Münchner Fernsehproduktion, Der Kommissar avait pour vedette Erik Ode dans le rôle du commissaire Herbert Keller de la police de Munich (un enquêteur inspiré par Maigret). La série est restée en noir et blanc jusqu'à la fin en 1976 et les 97 épisodes d'une heure ont été écrits par Reinecker. Cet auteur prolifique a travaillé pour le cinéma sur les Edgar Wallace, les Jerry Cotton et un Winnetou. Intéressé par les contextes psychologique et social du crime (1), il a écrit chacun des 281 épisodes de Derrick. Le personnage principal, l'Oberinspektor (inspecteur principal) Stephan Derrick de la brigade criminelle de Munich, a rendu l'acteur Horst Tappert reconnaissable dans le monde entier.
Le premier rôle notable d'Horst Tappert est celui du génie criminel de la mini-série L'affaire du train Glasgow-Londres (Die Gentlemen bitten zur Kasse, 1966). Il a joué un méchant dans un Edgar Wallace intitulé Le Château des chients hurlants (Der Hund von Blackwood Castle, 1967) avant de changer de camp dans le rôle du détective pour les deux suivants: Le gorille de Soho (Der Gorilla von Soho, 1968) et L'homme à l'oeil de verre (Der Mann mit dem Glasauge, 1969). Helmut Ringelmann lui a proposé le rôle-titre de Derrick, une production de sa nouvelle compagnie Telenova (pour ZDF, ORF et SRG) tournée en couleur. Horst Tappert décrivait l'Oberinspektor comme "dévoré par la mélancolie et le cynisme de Humphrey Bogart" (2). Un élément de Der Kommissar a été conservé lorsque le Kriminalhauptmeister Harry Klein, un des hommes de Herbert Keller, a quitté son patron pour devenir Inspektor et travailler pour Derrick.
Fritz Wepper, un acteur né à Munich, a fait ses adieux à Der Kommissar dans un épisode où Harry présentait son remplaçant... son frère Erwin Klein (Elmar Wepper, le frère de Fritz Wepper). Avant Derrick, Wepper a joué avec Tappert dans Der Mann mit dem Glasauge et s'est fait remarquer dans Cabaret (1972). Il est resté populaire longtemps après Derrick, avec des séries telles que Deux frères/Zweï Brüder (1994-2000, avec Elmar Wepper), Um Himmels Willen (2002-2021) et Meurtre en haute société (Mord in bester Gesselshaft, 2007-2017). Les autres acteurs réguliers de Derrick étaient Willy Schäfer (Berger, appelé Weber dans un épisode de la saison 3), Günther Stoll (Schröder) et Gerhard Bormann (Echterding). Helmut Ringelmann aimait travailler avec une "quasi-troupe" d'acteurs invités. Le tournage de la célèbre série a débuté durant l'été 1973 et ZDF l'a présentée avec 3 épisodes diffusés pendant l'automne et l'hiver 1974. 12 épisodes de la seconde saison ont suivi tout au long de l'année 1975.
À l'origine, les téléspectateurs connaissaient immédiatement le coupable — comme dans Columbo — mais cela a été abandonné en faveur de whodunnits. Des scènes d'action occasionnelles sont une autre caractéristique de ces premières saisons. La chaîne a montré les 29 premiers épisodes de Derrick dans le désordre. La saison 3 (Janvier à novembre 1976) s'ouvre avec un des meilleurs épisodes de la série, La mort du colibri/Tod der Kolibris. Un couple trouve une femme asiatique morte dans le coffre de leur voiture. Derrick reçoit un appel téléphonique qui le conduit avec Harry chez un certain Scheibnitz (Ernst Schröder) et sa fille (Sylvia Manas). L'inspecteur principal est un tantinet espiègle dans cet épisode réalisé par Dietrich Haugk. Dans le très bon Mort d'un musicien/Tod des Trompeters, dirigé par Zbyněk Brynych, un homme veut donner à Derrick des informations sur un enlèvement mais il est tué dans une fusillade au cours de laquelle Harry est blessé. Première des 14 participations de l'acteur Sky du Mont dans la série (3).
L'excellent La peur/Angst a été tourné par Theodor Grädler en tant qu'11ème épisode, d'où le meurtrier connu dès le début. Un homme d'affaires tyrannique tue sa jeune maîtresse et fait pression sur sa malheureuse épouse pour un alibi, ce qui met Derrick en colère. Les interprétations de Hans Dieter Zeidler (Walter Hertel) et Heidelinde Weis (Franziska Hertel) sont remarquables. La maîtresse de Hertel est jouée par nulle autre qu'Uschi Glas, habituée des Edgar Wallace et future icône de la télé. À cause de l'ordre de diffusion, Bernd Herzprung apparaît dans le rôle de son nouvel amant juste après avoir joué un musicien dans Tod des Trompeters. Embauché pour Kamillas junger Freund, un épisode de la saison 2, le grand réalisateur Alfred Vohrer (les Edgar Wallace) revient avec deux thrillers impressionnants titrés Quand les oiseaux ne chantent plus/Tote Vögel singen nicht et Schock (4). Dans le premier, qui commence avec le cadavre d'une jeune fille trouvé dans un dépôt d'ordures, Derrick et Klein enquêtent parmi une galerie de personnages sordides.
Doris Kunstmann, Hans Canninberg et Harald Leipnitz, fréquent acteur de Vohrer, sont dans la distribution invitée. Les téléspectateurs qui ont réagi au nombre de tués dans l'épisode (cinq) se sont plaints aussi de Schock à cause de la mort d'un enfant. Alfred Recke, membre d'un gang de voleurs de voitures, tue le propriétaire d'un véhicule devant son jeune fils. Lussek, l'impitoyable chef du gang, veut se débarasser du seul témoin. Vadim Glowna est très bon dans le rôle de Recke, aux côtés de Karin Baal (Mais... qu'avez-vous fait à Solange?, Le château des chiens hurlants) dans celui de sa femme. Dirk Galuba joue Lussek, la première de ses 22 apparitions dans Derrick (5). Dernière participation de Joanna von Koczian dans le rôle de Renate Konrad, la petite amie psychologue de Derrick. Le propriétaire de la voiture est joué par Dieter Eppler, qui avait un petit rôle dans l'épisode précédent.
Dans Calcutta/Kalkutta, réalisé par Alfred Weidenmann, Derrick s'infiltre dans un cercle de jeux clandestin. Avec Karl Michael Vogler, Eva Christian, Pinkas Braun, le chanteur Ricky Shayne, etc. Visage familier des Edgar Wallace, Jan Hendriks joue un barman alors qu'il avait un rôle différent dans Schock. Il est devenu ensuite Martin Brenner dans Le Renard (Der Alte), le successeur de Der Kommissar produit également par Helmut Ringelmann (qui a débuté sur ZDF en 1977). Tourné en tant que septième épisode en 1974, Un triste dimanche/Kein schöner Sonntag nous montre deux des plus méprisables criminels de la série. Dans ce classique, Schirmer (Ullrich Haupt) dit à son fils Jürgen (Andreas Seyfert) qu'il a détourné des fonds de sa société et qu'il veut cambrioler son coffre pour rembourser. Jürgen propose de l'aider et Schirmer fournit leur alibi. Réalisé par Leopold Lintdberg.
Dans Faussaires/Auf eigene Faust, dirigé par Zbyněk Brynych, un collègue de Derrick est tué près du commissariat. Horst Frank (connu en France pour Les tontons flingueurs) vole la vedette dans cet épisode où il joue un faussaire qui coopère avec Derrick et Klein. Avec Karl John, Helmut Käutner, Siegfried Rauch, etc. Un homme louche invite un clochard à prendre un verre dans sa chambre d'hôtel au début d'Un sale caractère/Ein unbegreiflicher Typ, un puzzle réalisé par Theodor Grädler. L'acteur Jürgen Goslar (Schündler) était aussi un scénariste ainsi qu'un réalisateur qui a dirigé plusieurs Derrick et Der Alte. Le grand Hans-Michael Rehberg interprète un tueur. Réalisé par Alfred Weidenmann, Das Bienvenue à bord/Das Bordfest caractérise bien le changement de format de la série pour des whodunnits lorsqu'une disparition se produit durant une fête à bord d'un bâteau. Avec Ernst Schröder et Mathieu Carrière.
La star internationale Horst Buchholz (Les sept mercenaires) est Gerke, un professeur de maths devenu propriétaire de discothèque et plannificateur d'un casse dans Un truc super/Das Superding. La distribution de cet épisode jovial de Wolfgang Becker comprend Ullrich Haupt dans le rôle du directeur de la banque et Gottfried John, acteur de Fassbinder et plus tard de GoldenEye. Réalisé par Franz Peter Wirth, Risque/Risiko a l'air d'un épisode de Tatort, l'anthologie de téléfilms policiers d'ARD. Dans Pecko/Pecko, dirigé par Zbyněk Brynych, un jeune homme qui rêve de devenir champion de cycle-ball est témoin d'un meurtre. Avec Pierre Franckh, Karl Walter Diess, Harald Juhnke, Stefan Behrens (Der Mann mit dem Glassauge), etc. Cette troisième saison de Derrick s'achève avec le surprenant L'homme de Portofino/Der Mann aus Portofino, sous la direction de Dietrich Haugk.
L'évasion audacieuse d'un prisonnier se termine brusquement lorsqu'il est assassiné. Avec Kurt Meisel, Reinhard Koldehoff, etc. Le thème de Derrick a été composé par le musicien anglais Les Humphries. Le travail de l'illustre compositeur allemand Peter Thomas peut être entendu sur trois épisodes. Derrick est arrivé dans l'hexagone en 1986 sous le titre Inspecteur Derrick sur La Cinq de Silvio Berlusconi. Les 14 épisodes de cette troisième saison de Derrick sont dans le coffret DVD d'Elephant Films en français ou en allemand (sans sous-titres). En bonus du coffret DVD de Derrick il y a une galerie de photos et les bandes annonces de quelques titres édités par Elephant Films, tels que Rick Hunter, L'Île fantastique, Le Renard, Un cas pour deux et Franck Riva (avec Alain Delon).
Saisons 1 & 2 en DVD (Critique): https://thierryattard.blogspot.com/2022/06/inspecteur-derrick-integrales-saisons-1.html
https://fr.shopping.rakuten.com/offer?action=desc&aid=11005095894&productid=8933407762
http://www.elephantfilms.com
https://fr.shopping.rakuten.com/boutique/ElephantFilm
À Jacques Champreux.
[Initialement publié sur ce blog en mai 2008. Déplacé à cause d'un problème de HTML sur l'original] Caché dans les ténèbres, un mystérieux génie démoniaque parie sur les faiblesses des âmes humaines pour atteindre son seul but : la destruction du monde civilisé.
En cinq livres et douze films, sous
diverses identités, divers déguisements, Mabuse défie l'Humanité.
David Kalat enquête
dans un des livres les plus intéressants que l'on ait consacré au
cinéma de genre.
« Il est plus fort que vous.
Il est comme un Dieu. » (Cara Carozza dans Docteur Mabuse le Joueur
- cité dans The Strange Case of Docteur Mabuse, Page 5)
«
QUELQUE CHOSE DE MAUVAIS ARRIVE »
« Il y a un
démon en liberté en Allemagne et un jour je crois que moi-même je
l'ai vu de mes yeux... (Norbert Jacques)
Les temps incertains engendrent toutes sortes de cauchemars, mais certains des rêveurs magnifiques que sont les écrivains se voient donner la capacité d'exorciser leurs peurs de ces âges troubles en traduisant les recoins sombres de leurs visions au travers de la créativité de leur imagination : Moriarty, Fu Manchu, Fantômas... Mabuse, périls de leurs époques, chambre 101 de leurs créateurs. Quelque chose de mauvais arrive et Norbert Jacques l'a vu.
« Le Docteur Mabuse opère dans l'ombre, à la tête d'un monde
qui ne connaît même pas son nom. » (David Kalat, The Strange Case
of Dr. Mabuse, Page 3)
Des cendres d'un empire déchu, des péchés d'une république de
carton, dans un pays qui tente de se guérir d'une de ses plus
horribles guerres, émerge Dr Mabuse der Spieler. Créé
en 1921 par Norbert Jacques, journaliste luxembourgeois
devenu écrivain, Mabuse terrifie d'abord des millions de lecteurs
allemands du Berliner Illustrierten Zeitung, dans un
feuilleton en cinq parties publié par cette revue, puis devient un
best-seller sous forme de livre.
« Dr Mabuse der
Spieler (« Dr Mabuse le Joueur ») dépeint un Führer criminel qui
exploite la décadence sociale pour son seul avantage. » (David
Kalat, The Strange Case of Dr. Mabuse, Page 14)
Tout est dit et
toute ressemblance entre "L'homme sans visage" et l'homme
avec une moustache sur le sien est le produit des circonstances...
ou de la prescience. Pourquoi "Docteur", à propos? «
L'Allemagne connaît bien, à cause d'innombrables expériences, les
effets que des titres comme Docteur, Professeur ou Comte peuvent
avoir sur la confiance et le respect. Comment les gens ont accroché
de tels titres comme un rideau cachant des vérités qu'ils ne
souhaitaient pas reconnues. » explique Jacques en 1928. Il y a
quelqu'un derrière le rideau, tirant les ficelles, et ce n'est pas
Le Magicien d'Oz.
« Il a lâché dans le monde un personnage qui lui a échappé.
» (David Kalat, The Strange Case of Dr. Mabuse, Page 11)
C'est alors qu'entre en scène quelqu'un qui est un Mabuse dans son genre : l'aspirant "Wonder boy" du cinéma allemand, l'homme à femmes et dictateur des plateaux, Fritz Lang. Lang adapte Dr Mabuse, der Spieler en 1922 avec un film en deux parties écrit par lui et sa femme Thea von Harbou... ex-épouse de la star du film (dans le rôle titre), Rudolph Klein-Rogge.
LANGER, LANGER ZEIT
« Avec son monocle,
aboyant des ordres avec son accent allemand, Lang personnifiait le
Hollywood des années 30 et 40. Cette image s'est rapidement
transformée en cliché, le stéréotype sadique du réalisateur
germanique. » (Page 20)
Fritz Lang peut être considéré comme l'un des pères du cinéma
commercial moderne, créant comme scénariste, réalisateur ou bien
les deux, les codes et conventions des films d'aventure longtemps
avant que les accros de cinéma ne commencent à réclamer un "Indy
IV" (Die Spinnen, Indische Grabmal),
des thrillers conspirationnistes (Mabuse), des films
de science-fiction (Metropolis), des films de 007
(Spione) — regardez
donc Octopussy avec l'œuvre de Lang à l'esprit — ou bien
du film noir. A côté de Lang il y a Alfred Hitchcock, moins
la flamboyance et le génie, avec son prototype de de tous les
blockbusters à pop-corn de l'été: La Mort aux trousses
(North by Northwest, 1959).
« Alfred Hitchcock (qui emprunta librement à Lang, à la fureur
de ce dernier) puisa l'inspiration dans cette séquence [le raid de
la police sur le quartier général de Mabuse] pour un dénouement
assez similaire dans le film de 1934 L'Homme qui en savait trop. »
(Page 58)
Thea von Harbou et Fritz Lang prennent le matériel original du
Mabuse de Norbert Jacques et se l'approprient (sans trahir l'auteur
qui collabore avec le duo pour l'adaptation), avec une subtilité
égalant la complexité de leur partenariat professionnel et
personnel (« Nous avons été mariés 11 ans, parce que pendant
dix ans on n'avait pas le temps de divorcer. » admit
cyniquement Lang). Mais au prix de la descente de Jacques dans
l'oubli collectif (« Jacques n'a pas arrangé les choses en
mettant largement de côté ses ambitieux projets littéraires dans
une vaine tentative de recréer la magie de Mabuse. », Page 16),
l'homme finit par vendre la propriété de Mabuse aux responsables
successifs de la vie cinématographique de sa créature.
« Pour qu'une séquence fût exactement comme il le voulait,
Lang tira de vraies balles en direction de sa distribution afin
d'obtenir à l'écran des coups de feu et des impacts de balles
véritablement réalistes. » (Page 31)
Le Mabuse à grand spectacle en deux parties est acclamé par la critique et se pose en succès domestique, établissant Fritz Lang comme un réalisateur qui compte en Allemagne. Mais parallèlement à la règle d'or qui veut que « le principe de Mabuse exige que Mabuse se détruise » (Page 31), Herr Lang brûle « des ponts derrière lui et par devant lui, abusant et exploitant tout autour de lui » (Page 21) et ruine presque l'Ufa, la réponse des Allemands au Hollywood de l'époque, avec son Metropolis (1926).
M SCHLÄGT ZU
« Hitler comprenait la signification du cinéma...» (Joseph Goebbels - cité page 62)
On ne peut garder éternellement un "bon" vilain
cinématographique mort, ou même dans un asile psychiatrique. La
demande constante du public pour une suite à Mabuse incite
Fritz Lang et Thea von Harbou à envisager un "Mabuse II".
En 1930, le couple consulte Norbert Jacques à propos du script de
ce qui est titré à l'époque Mörder unter uns (Les
Meurtriers sont parmi nous, qui sort sous le titre de M
l'année suivante) et Lang lui demande des suggestions afin de
ramener à l'écran le docteur et sa folie ("derrière"
l'écran serait plus approprié, lorsqu'on parle de Mabuse...)
Jacques fait le "pitch" de Mabuse Kolonie
(La colonie de Mabuse), son nouveau projet de
livre, comme base possible pour une telle suite. Dans Kolonie,
une mystérieuse "dragon lady" connue sous le nom de Frau
Kristina,veut établir un mini-empire dans la jungle brésilienne et
le modus operandi de son dessein criminel est basé sur le
testament du Docteur Mabuse. Lang sent que cette histoire manque de
potentiel cinématographique mais conserve l'idée d'un testament.
Mabuse reviendra.
« L'Histoire rattrapait l'Art.
Mabuse était arrivé. » (Page 34)
Seule piste qui mène à un gang de faussaires, un ex-flic corrompu
sous couverture devient fou mais laisse un indice à son ancien
patron, l'inspecteur Lohmann — le flic cynique du film M
(interprété de nouveau par Otto Wernicke) — et cet
indice est un nom: Mabuse. Le problème est que le Docteur Mabuse
(Rudolf Klein-Rogge, bien sûr) a été enfermé dans une cellule
capitonnée il y a dix ans et que le génie du crime est presque un
légume.
Flashback... 1924, Adolf Hitler est dans une
cellule après un coup d'état raté, et écrit Mein Kampf,
son manifeste. Avance rapide... Janvier 1933, les Nazis arrivent au
pouvoir en Allemagne alors que Lang tourne simultanément Das
Testament des Dr. Mabuse et Le Testament du Dr. Mabuse
(une version française avec une distribution française et Rudolf
Klein-Rogge dans le rôle du génie du crime préféré du public).
La première de Das Testament des Dr. Mabuse doit avoir lieu
le 24 mars dans la salle de cinéma qui présenta le premier Mabuse
en 1922, mais la sortie est retardée "pour raisons
techniques", puis le film est officiellement interdit par le
Comité allemand pour la censure cinématographique, une entité
fantoche entre les mains du ministre de la propagande de Hitler
Joseph Goebbels.
Fritz Lang s'enfuit en Amérique. La légende racontera plus tard
l'histoire d'une rencontre avec le Dr. Goebbels, comme son maître
un fan de Lang depuis Die Nibelungen (1924), au cours de
laquelle Goebbels tente Lang avec un pacte faustien sans tenir
compte des origines juives du réalisateur. De toute façon celle
qui est séduite par "le côté obscur de la Force" c'est
Thea von Harbou, la femme de Lang.
ATZE BRAUNER, DER
SPIELER
« Ce serait le legs d'Artur Brauner. Comme cela se produirait
encore et encore à travers l'Histoire du cinéma, le succès
commercial était acheté au prix de la réputation artistique de
quelqu'un. Pour tout ce que Brauner avait fait pour faire revivre et
pour revigorer le cinéma allemand, il serait regardé comme une
version glorifiée de P.T. Barnum. » (Page 132)
La perspective d'une seconde résurrection de Mabuse trouve son
origine dans le rêve d'un homme de pouvoir reconstruire l'industrie
cinématographique de son pays, un génie avec un authentique goût
pour l'art et un sens réel du commerce, essayant d'abord de trouver
un compromis entre les deux avant de se rendre avec profit aux
canons du box office. Méprisé par ses pairs et la critique mais
tacitement approuvé par le public allemand, snobé par les
historiens du cinéma, Artur "Atze" Brauner
est le troisième père de Mabuse après Norbert Jacques et Fritz
Lang.
Fondateur de la CCC Films en 1946, Brauner veut ramener en
Allemagne le réalisateur de Das Testament des Dr. Mabuse, le
film qui lui a donné la volonté et la force d'atteindre le sommet
de la chaîne alimentaire de l'industrie allemande du cinéma. «
C'était le premier véritable film de gangsters, pourvu de tous les
raffinements qui deviendraient typiques de ce genre... »
rappela t'il un jour avec la plus sincère des émotions.
« Lang vous donne envie de vomir. Personne dans le monde entier
n'est aussi important que lui s'imagine l'être. Je comprends
parfaitement pourquoi il est si détesté partout. » (Kurt Weill -
cité page 92)
Perçu comme un "petit dictateur" aux Etats-Unis, un Mabuse à
monocle, Fritz Lang « s'était battu avec pratiquement tout le
monde à Hollywood, du plus révéré des magnats au plus anonyme
des techniciens. » (Page 111) — au point que certains
voulaient même le tuer. Changeant de studios à la vitesse de la
lumière, le réalisateur de The Big Heat (1953)
cloue méthodiquement le cercueil de sa carrière américaine de la
manière auto-destructrice la plus mabusienne.
Artur Brauner, le plus puissant magnat de l'industrie
cinématographique dans l'Europe d'après-guerre, rêve d'un remake
mais séduit l'ego du grand Herr Lang avec une offre que sa vanité
ne peut refuser : le remake du Indische Grabmal
(1921) en deux parties écrit par Thea von Harbou et Lang mais
dirigé par Joe May au grand mécontentement de Lang. Les
merveilleux Der Tiger von Eschnapur (Le
Tigre du Bengale) and Das Indische Grabmal
(Le Tombeau hindou, 1959) sont démolis par des
critiques malicieux. Derrière le rideau, Mabuse attend...
LA
VENGANZA DEL DR. K
« J'ai déjà tué ce fils de
pute! » (Fritz Lang)
Un flic de Berlin (Gert Fröbe), un playboy américain homme
d'affaires et propriétaire d'une usine nucléaire (Peter Van
Eyck) et une jeune et belle demoiselle en détresse (Dawn
Addams) sont des pions sur un luxueux mais mortel échiquier...
l'Hôtel Luxor. Et la partie est regardée par 1000 yeux,
observant les vies privées des clients du palace. Seuls un medium
(Lupo Prezzo) et un psychiatre (Wolfgang Preiss)
semblent connaître les règles du jeu et pourquoi un vendeur en
assurances particulièrement irritant (Werner Peters) est le
seul en position de mettre le Maître en échec et mat?
Mabuse est mort, vive Mabuse! Die 1000 Augen des Dr. Mabuse
(Le Diabolique Docteur Mabuse, 1960) est le chant du
cygne, le testament de Fritz Lang. Périls d'époques troublées,
chambre 101 de leur créateur, de l'anticipation de la terreur nazie
à l'Angst nucléaire des sixties et l'intrusion de la
technologie dans la vie de tous les jours, quelque chose de mauvais
arrive, et Fritz Lang a tout vu. Au lieu du remake souhaité par
Brauner, Lang nous offre un Mabuse tout neuf. 1000 Augen est
un carton en Allemagne et est considéré comme un chef-d'œuvre en
France. Brauner offre au Maître de diriger toute une franchise mais
Lang refuse.
« Il n'y a pas de Mabuse parce que " Mabuse" n'est pas un nom, pas au sens traditionnel. C'est un
signe. C'est un mot de passe. C'est une idéologie. » (David Kalat,
The Strange Case of Dr. Mabuse, Page 5)
Arrêtez les rotatives! La force de The Strange Case of Dr.
Mabuse, par David Kalat, est là : Mabuse a survécu
à Fritz Lang et Monsieur Kalat nous rappelle cette réalité. Le
Docteur K n'est pas seulement l'auteur d'un des plus grands livres
jamais écrit sur une série cinématographique de genre (avec
Pleins feux sur... La Panthère rose par Philippe
Lombard) mais aussi le patron de All Day Entertainment,
une compagnie qui sort des éditions Collector de "films cultes"
en DVD. « Ma passion pour la série des Mabuse m'a conduit à
écrire ce livre mais aussi à prendre les licences de certains
d'entre eux pour les sortir en DVD chez All Day. » confesse
l'homme presque en s'excusant à l'attention de ceux qui pourraient
considérer que cette situation pourrait affecter ses commentaires.
Appelons ça plutôt de la conscience professionnelle...
« Puisque Lang ne coopèrerait pas, son doppelgänger bon marché, le Docteur Harald Reinl le ferait » (Page 143).
Comme Jean-Pierre Dionnet durant les merveilleuses et
glorieuses heures de Cinéma de quartier pour Canal
Plus, David Kalat braque les projecteurs sur les "autres"
Mabuse : six films produits entre 1961 et 1970 délibérément
ignorés ou méprisés par les critiques et les historiens du
cinéma.
DR. MABUSE SCHLÄGT WIEDER ZU
« Reinl remodela le genre Mabuse hérité de Lang. Rejetant
toute prétention artistique, il l'a reconstruit en tant que
franchise avec une formule facile à suivre. Et ses contributions
furent significatives : Lang dirigea trois films de Mabuse, Reinl
deux. » (David Kalat, The Strange Case of Dr. Mabuse, Page 145 )
Extraordinaire artisan et artiste, roi du box office allemand au sommet de sa carrière, le nom de Harald Reinl est associé à l'âge d'or du cinéma populaire allemand : Edgar Wallace, Winnetou, Jerry Cotton, Kommissar X... et, bien sûr, Mabuse. Un méchant en vedette pourtant invisible (enfin presque...) joué par Wolfgang Preiss, le retour de son challenger l'inspecteur Lohmann (Gert Fröbe, dénommé "Kras" dans l'épisode précédent, mais qui s'en soucie?), le mystérieux super-espion séducteur adepte du triple jeu (Lex Barker) et la ravissante jeune femme avec un secret (Daliah Lavi), Le retour du Docteur Mabuse (1961) livre avec grand style du spectacle de haut niveau. Et pourquoi ce type nommé Bömmler a t-il le visage du vendeur en assurances de 1000 Augen (le grand Werner Peters)?
Ladislas Fodor, le scénariste du Retour, écrit deux autres
Mabuse : L'invisible Dr. Mabuse (1962), dirigé par
Reinl (avec de nouveau Lex "the Rex" Barker), et Le
Testament du docteur Mabuse. Ce Testament des
Dr. Mabuse (1962) est réalisé par Werner Klinger,
un autre artisan, qui réalise le rêve d'Artur Brauner d'un remake
du chef-d'œuvre de Fritz Lang. L'épisode suivant, Mabuse
contre Scotland Yard (1963), transpose lourdement Mabuse
dans l'univers de la franchise Edgar Wallace (au travers de
l'adaptation d'un livre de son fils, Bryan Edgar Wallace) et
Mabuse et le rayon de la mort (1964) rappelle un peu
trop Opération Tonnerre (en fait sorti l'année suivante...
Un autre tour de Mabuse?)
« Même Brauner lui-même semblait scandalisé par toute cette
affaire ; des huit films qu'il produisit avec Jess Franco, La
Venganza del Dr. Mabuse (« La Vengeance du Dr. Mabuse », 1970) est
le seul qui ne figure pas sur la liste du catalogue officiel de la
CCC. » (Page 239)
On dit que toutes les bonnes choses ont une fin mais le Docteur
Mabuse est tout sauf bon et son génie du mal est sans fin. Il
refait surface en Espagne avec La Venganza del Dr. Mabuse
(1970). Produit discrètement par Artur Brauner, cette Vengeance
en couleurs est réalisée par l'icône la plus révérée du cinéma
de genre: el Don des films B à Z qui ont du style, le
réalisateur espagnol Jess Franco en personne. Marche ou
crève: Vengeance définitive?
DR. M EST VIVANT
«
Personne ne me découvrira. Personne n'imagine que le Docteur Mabuse
est vivant. » (Professeur Farkas dans La Venganza del Dr. Mabuse)
The Strange Case of Dr. Mabuse - A Study of the Twelve Films and Five Novels, par David Kalat (publié chez McFarland) explore non seulement l'univers du Mabuse littéraire et les films "officiels" mais aussi deux films : Scream and Scream Again (1969) et Dorian Gray im Spiegel der Boulevardpresse (1984) qu'il associe au personnage.
« L'amour de Chabrol pour l'œuvre de Lang est absolu. »
(Page 275)
David Kalat termine son intéressant ouvrage avec une étude de
l'excellent Dr. M (1990), l'hommage de Claude
Chabrol aux visions langiennes de Mabuse. Le Docteur
Marsfeldt est le dernier héritier du testament du Docteur
Mabuse, à moins que... ? Mabuse vit au travers du livre de Monsieur
Kalat, une célébration d'un des monuments du cinéma populaire
allemand, un cinéma injustement ignoré. Mabuse reviendra, il
revient toujours.
Les temps incertains engendrent toutes sortes de cauchemars, mais
certains des rêveurs magnifiques que sont les auteurs se voient
donner la capacité d'exorciser leurs peurs de ces âges troubles en
traduisant les recoins sombres de leurs visions au travers de la
créativité de leur imagination : Moriarty, Fu Manchu, Fantômas,
Mabuse, Marsfeldt... périls de leurs époques, chambre 101 de leurs
créateurs...
« ... De ce résumé des récents événements, quelle signification pouvons-nous déduire? Pouvons-nous reconnaître l'apocalypse qui approche? Quel avenir horrible ces signes présagent? » (Norbert Jacques, Mabuse Kolonie, 1930)
https://mcfarlandbooks.com/product/the-strange-case-of-dr-mabuse/
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