Deux films, deux époques, deux pays. Clive Owen fait partie des acteurs britanniques qui ont réussi à acquérir un statut de superstar à Hollywood. Les DVD de Croupier et d’Inside Man - L’homme de l’intérieur sont d’excellents moyens d’apprécier le talent de celui dont on peut déplorer qu’il ne soit pas devenu le nouvel interprète de James Bond après Pierce Brosnan.
CLIVE OWEN : BANCO ROYAL
« Au fond c’est quoi l’industrie britannique du cinéma ? Juste une poignée de gens à Londres qui ne peuvent pas obtenir de Carte Verte. » (Alan Parker, Will Write and Direct for food)
« Jouer les bons ne m’a jamais intéressé. J’ai toujours été attiré par les personnages dangereux. Ces rôles sont habituellement de loin les plus intéressants et je n’ai aucune crainte à les faire. Avec mon personnage de Croupier on est jamais sûr d’où il vient. Ce n’est pas vraiment un bon ou un méchant. Mais les gens sont généralement comme ça, n’est-ce pas ? » (Clive Owen)
LA LOI DU MILIEU... DE LA ROULETTE
« Je pensais que vous partiez.
- Bientôt. Quand vous aurez perdu votre argent. Ce ne sera pas long. » (Harry et Jack Carter, La loi du Milieu, 1971)
« Il était devenu le centre immobile de cette roue de l’infortune. Le monde tournait tout autour de lui en le laissant miraculeusement indemne. Le croupier avait atteint son but : il n’entendait plus le bruit de la bille. » (Jack Manfred, Croupier)
Jack Manfred, aspirant écrivain sans le sou (Clive Owen) est engagé comme croupier dans un casino sur intervention de son père, Jack Senior (Nicholas Ball, connu des britanniques pour la série Hazell). Formé bien des années auparavant à ce métier en Afrique du Sud, Jack prend le job avec un certain détachement (« Il était de nouveau accro... de voir les gens perdre »), tandis que se dégrade sa relation avec sa petite amie Marion (Gina McKee), qui veut « vivre avec un auteur, pas avec un putain de croupier ».
Jack réalise que cette expérience ferait un excellent sujet de roman et il s’intéresse contre le règlement du casino à une joueuse, Jani de Villiers (Alex Kingston) - originaire de la République comme lui. Lors d’un week-end chez Giles (Nick Reding), un éditeur (« Laisse moi te présenter notre business. Nous aimons les personnalités, des gens que le public reconnaît. Des célébrités qui font vendre le bouquin... On peut toujours trouver quelqu’un pour leur écrire »), Jani demande à Jack d’être le complice d’un casse au casino.
« Jack imaginait les gens lisant son livre. Un jour il s’introduirait dans leur tête, jouerait avec leur imagination, testerait leurs sentiments. Il leur dirait que dans la vie on doit choisir : être un joueur ou un croupier. Et s’en tenir à sa décision quoiqu’il arrive. » (Jack)
RIEN NE VA PLUS
« Est-ce qu’il gagne ?
- C’est un bon client. » (Jack et Mr Reynolds)
Réalisateur issu de la télévision, Mike Hodges tutoie la grandeur et laisse son empreinte dans la légende dès son premier film, La loi du milieu (Get Carter, 1971), monument du film de gangster britannique avec Michael Caine dans le meilleur rôle de toute sa riche carrière.
« Le premier film improvisé à 27 millions de dollars. » (Mike Hodges, à propos de Flash Gordon)
Mais transformer son premier film en plus grand film de toute l’Histoire du cinéma britannique était peut-être trop d’un coup. L’année suivante il tente de récidiver avec Michael Caine dans Retraite mortelle (Pulp) mais le résultat déconcerte les fans de Get Carter. Vers le milieu des années 1970, il débarque à Hollywood et réalise L’homme terminal (The Terminal Man) - d’après Michael Crichton, et plus tard plaque le tournage de Damien : La malédiction II pour « différents créatifs ». Le match entre Hodges et le système se solde par un k.o. debout en faveur du second avec Flash Gordon (1980).
La suite de la carrière de Mike Hodges est une succession de va-et-vient inégaux entre la télévision et le cinéma en Angleterre. Croupier (1998) lui permet de renouer tardivement avec le triomphe dans le genre qui l’avait vu émerger au cinéma : le film noir à l’anglaise.
« Jack s’habillait pour le casino chez lui. Un homme amoureux de son uniforme, tel un musicien en smoking se rendant à un concert en transport public, impatient de se produire. » (Jack)
LE MANIPULATEUR
« Le monde brise tous les hommes, mais beaucoup sortent fortifiés de l’épreuve. » (Hemingway)
Jack (« Les mains d’un magicien, ou d’un tricheur ») observe les faiblesses de ses contemporains et de son nouveau petit monde nocturne, transformant celles et ceux qui le peuplent en personnages de son livre : David Reynolds (Alexander Morton), le laxiste directeur du casino qui a des problèmes avec son épouse, Matt, le croupier véreux (Alexander Morton) - que Jack dénonce ou Bella (Kate Hardie) - avec qui Jack trompe Marion (« Ton mec m’a sautée, fumé mon herbe et m’a fait virer »).
« Où est-ce que tu vois de l’espoir dans ton boulot ? A passer la journée à attraper de pauvres gens qui volent. Tu l’as dit toi-même, les gangs organisés s’en tirent. Au moins au casino tout le monde se fait avoir, riches ou pauvres, les chances sont les mêmes (Jack à Marion)
Jack Manfred publiera son livre, Moi, croupier sans révéler son identité alors que le personnage principal se prénomme... Jake : « Il était Jack et il était Jake. Et il découvrait qu’il y a un prix à payer pour sa double vie ». Surtout lorsque les choses ne sont pas ce qu’elles doivent être. « Mais Jake, le croupier, avait le sens de l’humour ».
Mike Hodges illustre à merveille le scénario efficace de Paul Mayersberg dans la veine qui fit le succès de ses débuts, avec la noirceur et le cynisme consubstantiels au genre. Savourez donc ce DVD de La Compagnie des Phares et balises (qui co-produisit le film avec entre autres Channel Four, Arte et la WDR - le film a en fait été tourné en Allemagne !) puis visionnez ou redécouvrez La loi du milieu et Seule la mort peut m’arrêter (I’ll sleep when I’m dead), tourné en 2003 par Hodges, avec de nouveau Clive Owen. Owen, sauf le respect dû à Sylvester Stallone, aurait fait un magnifique Jack Carter tout comme il aurait fait un sublime 007... On n’échappe pas à son destin.
« Il était le maître du jeu, il avait acquis le pouvoir de vous faire perdre. » (Jack)
THE UNUSUAL SUSPECT
« Je me nomme Dalton Russell. Prenez soin surtout de bien écouter parce que je trie mes mots sur le volet et que je ne me répète jamais. »
2006... Qu’est-ce qui pourrait arrêter Clive Owen ? Une série de spots publicitaires très populaires pour BMW où il est l’imperturbable et très bondien « Le conducteur » (2001) puis le rôle-titre du Roi Arthur (2004) l’ont rendu « bankable » aux yeux d’Hollywood, puis Closer (2004) ainsi que Sin City (2005) ont fait le reste. Il rejoint la longue liste des acteurs britanniques qui, pour paraphraser Sir Alan Parker, ont « obtenu leur carte verte ».
Après une apparition en forme de clin d’œil dans la drôlatique version 2006 de La Panthère rose où il campe l’agent 006 (crève-cœur rétrospectif pour ceux qui ont eu l’infortune d’endurer Casino Royale) Clive Owen se livre dans Inside Man - L’homme de l’intérieur (Inside Man, 2006) à ce qui est pour tout anglais à Hollywood la figure imposée par excellence : le méchant stylé. Mais est-ce aussi simple avec l’acteur qui a joué Jack Manfred dans Croupier ?
« Oui, là est l’embarras. » (Shakespeare)
Lorsqu’une équipe très bien préparée et très efficace menée de main de maître par le mystérieux Dalton Russell (Clive Owen) prend en otages les clients et les employés de la Manhattan Trust Bank (établie en 1948), le détective Keith Frazier (Denzel Washington) - sous le coup d’une enquête des affaires internes à cause de la disparition d’une grosse somme d’argent - est chargé de gêrer la situation.
Passe encore qu’il lui faille compter avec le manque de subtilité du capitaine John Darius (Willem Dafoe), le chef de l’unité tactique dépêchée sur place, mais les choses se compliquent lorsque le maire de New York lui impose la présence de Madeleine White (Jodie Foster), femme d’affaires très influente mandatée par Arthur Case (Christopher Plummer), le fondateur de la banque. Surtout lorsqu’il est très difficile de déterminer l’origine des preneurs d’otages et ce qu’ils veulent vraiment. Frazier en oublierait presque l’enquête interne dont il est l’objet et surtout l’insistance de sa petite amie qui attend sa demande en mariage (« une bague en diamant, tu sais ce que ça vaut ? »)
L’AFFAIRE DALTON RUSSELL GEWIRTZ
« Peter, prenez le temps de bien réfléchir avant de répondre à la prochaine question. » (Thomas Crown... euh, Dalton Russell)
Le propre des grands réalisateurs est de réussir là où on ne les attend pas. Et on attend pas le réalisateur et producteur Spike Lee (Malcolm X), grand observateur de la société américaine à la tête d’un thriller sophistiqué dans la veine de Usual Suspects. Le scénario (digne d’un mécanisme d’horlogerie) de Russell Gewirtz mis en image par Lee fait d’ailleurs irresistiblement songer à un certain nombre de classiques dont L’affaire Thomas Crown (l’original, bien entendu) ou Les pirates du metro (1974), quand ils ne sont pas purement et simplement directement cités dans le film tel Un après-midi de chien (1975) ou cet hilarant « J’ai pas besoin de vos briefings à la con, Serpico ».
« Je parie que les taxis s’arrêtent pour vous. » (Frazier à l’otage sikh)
Mais Inside Man - L’homme de l’intérieur est sans nul doute un film du grand Spike Lee, « A Spike Lee Joint » - comme il est dit aux génériques de ses productions, ne fut-ce que par la présence de Denzel Washington mais également parce qu’on y aborde les préjugés raciaux (« Allez y doucement avec les surnoms bigarrés »), les tractations de couloirs (« J’ai un petit problème qui requiert une personne aux compétences particulières et des plus discrètes »), et qu’on y décrit sans concession le New York post-11 septembre, souvent avec beaucoup d’humour.
« C’est albanais ou...
- Arménien.
- Cest quoi la différence ?
- Je suis né dans le Queens alors bon... J’ai jamais vu l’Albanie ni l’Arménie. J’ai fait du surf en Australie, une fois. » (Frazier et Darmenjian, un des otages)
FIRST WE TAKE MANHATTAN
« Ca c’est clair. A cette même heure dans une semaine je siroterais une pina colada dans un jacuzzi au milieu de six créatures nommées Amber ou Tiffany.
- Faut être réaliste. Je dirais plutôt une douche entre deux types nommés Jesus et Jamal... » (Dalton Russell et Keith Frazier)
Denzel Washington (qui doit beaucoup en France au talent d’Emmanuel Jacomy, sa voix française) vieillit bien dans ce rôle de flic débonnaire faussement profil bas mais qui déteste à juste titre que son intelligence et ses compétences soient sous-estimées (« Rien de personnel non plus, mademoiselle White : je vous emmerde »). Et ses scènes avec Clive Owen-Dalton Russell sont fabuleuses (« Vous êtes beaucoup trop malin pour être flic, maintenant allez vous faire foutre »).
« J’aimerais tellement vous dire quel monstre vous êtes mais il y a le neveu de Ben Laden qui attend mon aide pour acquérir un appartement sur Park Avenue. » (Madeleine White)
Par sa présence, son charisme et son jeu Clive Owen vole ( !) littéralement le film, se payant la part du roi (Arthur ?) avec Washington, peut-être au détriment de Jodie Foster dont le personnage à la Faye Dunaway dans The Thomas Crown Affair (la romance en moins) frise la litote, y compris face à ce grand monsieur qu’est l’acteur canadien Christopher Plummer - lequel est pour sa part une nouvelle fois cantonné à un personnage de banquier façon Martin Yahl dans Money (Steven Hilliard Stern, 1991).
Inside Man - L’homme de l’intérieur est le Usual Suspects de ce siècle en plus distancié et plus fun. Le tout arrosé d’une incroyable bande originale signée Terence Blanchard et lorgnant du côté de James Bond (ceux qui se souviennent du Capsule in Space de On ne vit que deux fois seront ravis) ou de Shaft. Faisons un rêve et imaginons un James Bond avec Clive Owen et Terence Blanchard au générique et sans partie de poker.
« Je sortirais par cette porte quand je serais prêt. » (Dalton Russell à Frazier)
Tant de choses à faire et tant de temps pour les faire. L’homme de l’intérieur attend, l’argent est là, tentant et tentateur mais le plus intéressant est peut-être dans un simple coffre. Dalton Russell prétend ne pas être un héros mais il dit que la dignité est la valeur suprême et se soucie que le fils d’un des otages joue à un jeu vidéo ultra-violent (« Va falloir que je lui touche deux mots à propos de ce jeu »).
Les choses ne sont peut-être pas ce qu’elles semblent être mais qu’on ne s’y trompe pas : Clive Owen est un très grand acteur, le digne fils spirituel de Michael Caine, avec qui il a joué dans Les fils de l’Homme (Children of Men, 2006). Jack Manfred et Jack Carter... The two Jakes.
« Je me nomme Dalton Russell. Prenez soin surtout de bien écouter parce que je trie mes mots sur le volet et que je ne me répète jamais. »
CLIVE OWEN : BANCO ROYAL
« Au fond c’est quoi l’industrie britannique du cinéma ? Juste une poignée de gens à Londres qui ne peuvent pas obtenir de Carte Verte. » (Alan Parker, Will Write and Direct for food)
« Jouer les bons ne m’a jamais intéressé. J’ai toujours été attiré par les personnages dangereux. Ces rôles sont habituellement de loin les plus intéressants et je n’ai aucune crainte à les faire. Avec mon personnage de Croupier on est jamais sûr d’où il vient. Ce n’est pas vraiment un bon ou un méchant. Mais les gens sont généralement comme ça, n’est-ce pas ? » (Clive Owen)
LA LOI DU MILIEU... DE LA ROULETTE
« Je pensais que vous partiez.
- Bientôt. Quand vous aurez perdu votre argent. Ce ne sera pas long. » (Harry et Jack Carter, La loi du Milieu, 1971)
« Il était devenu le centre immobile de cette roue de l’infortune. Le monde tournait tout autour de lui en le laissant miraculeusement indemne. Le croupier avait atteint son but : il n’entendait plus le bruit de la bille. » (Jack Manfred, Croupier)
Jack Manfred, aspirant écrivain sans le sou (Clive Owen) est engagé comme croupier dans un casino sur intervention de son père, Jack Senior (Nicholas Ball, connu des britanniques pour la série Hazell). Formé bien des années auparavant à ce métier en Afrique du Sud, Jack prend le job avec un certain détachement (« Il était de nouveau accro... de voir les gens perdre »), tandis que se dégrade sa relation avec sa petite amie Marion (Gina McKee), qui veut « vivre avec un auteur, pas avec un putain de croupier ».
Jack réalise que cette expérience ferait un excellent sujet de roman et il s’intéresse contre le règlement du casino à une joueuse, Jani de Villiers (Alex Kingston) - originaire de la République comme lui. Lors d’un week-end chez Giles (Nick Reding), un éditeur (« Laisse moi te présenter notre business. Nous aimons les personnalités, des gens que le public reconnaît. Des célébrités qui font vendre le bouquin... On peut toujours trouver quelqu’un pour leur écrire »), Jani demande à Jack d’être le complice d’un casse au casino.
« Jack imaginait les gens lisant son livre. Un jour il s’introduirait dans leur tête, jouerait avec leur imagination, testerait leurs sentiments. Il leur dirait que dans la vie on doit choisir : être un joueur ou un croupier. Et s’en tenir à sa décision quoiqu’il arrive. » (Jack)
RIEN NE VA PLUS
« Est-ce qu’il gagne ?
- C’est un bon client. » (Jack et Mr Reynolds)
Réalisateur issu de la télévision, Mike Hodges tutoie la grandeur et laisse son empreinte dans la légende dès son premier film, La loi du milieu (Get Carter, 1971), monument du film de gangster britannique avec Michael Caine dans le meilleur rôle de toute sa riche carrière.
« Le premier film improvisé à 27 millions de dollars. » (Mike Hodges, à propos de Flash Gordon)
Mais transformer son premier film en plus grand film de toute l’Histoire du cinéma britannique était peut-être trop d’un coup. L’année suivante il tente de récidiver avec Michael Caine dans Retraite mortelle (Pulp) mais le résultat déconcerte les fans de Get Carter. Vers le milieu des années 1970, il débarque à Hollywood et réalise L’homme terminal (The Terminal Man) - d’après Michael Crichton, et plus tard plaque le tournage de Damien : La malédiction II pour « différents créatifs ». Le match entre Hodges et le système se solde par un k.o. debout en faveur du second avec Flash Gordon (1980).
La suite de la carrière de Mike Hodges est une succession de va-et-vient inégaux entre la télévision et le cinéma en Angleterre. Croupier (1998) lui permet de renouer tardivement avec le triomphe dans le genre qui l’avait vu émerger au cinéma : le film noir à l’anglaise.
« Jack s’habillait pour le casino chez lui. Un homme amoureux de son uniforme, tel un musicien en smoking se rendant à un concert en transport public, impatient de se produire. » (Jack)
LE MANIPULATEUR
« Le monde brise tous les hommes, mais beaucoup sortent fortifiés de l’épreuve. » (Hemingway)
Jack (« Les mains d’un magicien, ou d’un tricheur ») observe les faiblesses de ses contemporains et de son nouveau petit monde nocturne, transformant celles et ceux qui le peuplent en personnages de son livre : David Reynolds (Alexander Morton), le laxiste directeur du casino qui a des problèmes avec son épouse, Matt, le croupier véreux (Alexander Morton) - que Jack dénonce ou Bella (Kate Hardie) - avec qui Jack trompe Marion (« Ton mec m’a sautée, fumé mon herbe et m’a fait virer »).
« Où est-ce que tu vois de l’espoir dans ton boulot ? A passer la journée à attraper de pauvres gens qui volent. Tu l’as dit toi-même, les gangs organisés s’en tirent. Au moins au casino tout le monde se fait avoir, riches ou pauvres, les chances sont les mêmes (Jack à Marion)
Jack Manfred publiera son livre, Moi, croupier sans révéler son identité alors que le personnage principal se prénomme... Jake : « Il était Jack et il était Jake. Et il découvrait qu’il y a un prix à payer pour sa double vie ». Surtout lorsque les choses ne sont pas ce qu’elles doivent être. « Mais Jake, le croupier, avait le sens de l’humour ».
Mike Hodges illustre à merveille le scénario efficace de Paul Mayersberg dans la veine qui fit le succès de ses débuts, avec la noirceur et le cynisme consubstantiels au genre. Savourez donc ce DVD de La Compagnie des Phares et balises (qui co-produisit le film avec entre autres Channel Four, Arte et la WDR - le film a en fait été tourné en Allemagne !) puis visionnez ou redécouvrez La loi du milieu et Seule la mort peut m’arrêter (I’ll sleep when I’m dead), tourné en 2003 par Hodges, avec de nouveau Clive Owen. Owen, sauf le respect dû à Sylvester Stallone, aurait fait un magnifique Jack Carter tout comme il aurait fait un sublime 007... On n’échappe pas à son destin.
« Il était le maître du jeu, il avait acquis le pouvoir de vous faire perdre. » (Jack)
THE UNUSUAL SUSPECT
« Je me nomme Dalton Russell. Prenez soin surtout de bien écouter parce que je trie mes mots sur le volet et que je ne me répète jamais. »
2006... Qu’est-ce qui pourrait arrêter Clive Owen ? Une série de spots publicitaires très populaires pour BMW où il est l’imperturbable et très bondien « Le conducteur » (2001) puis le rôle-titre du Roi Arthur (2004) l’ont rendu « bankable » aux yeux d’Hollywood, puis Closer (2004) ainsi que Sin City (2005) ont fait le reste. Il rejoint la longue liste des acteurs britanniques qui, pour paraphraser Sir Alan Parker, ont « obtenu leur carte verte ».
Après une apparition en forme de clin d’œil dans la drôlatique version 2006 de La Panthère rose où il campe l’agent 006 (crève-cœur rétrospectif pour ceux qui ont eu l’infortune d’endurer Casino Royale) Clive Owen se livre dans Inside Man - L’homme de l’intérieur (Inside Man, 2006) à ce qui est pour tout anglais à Hollywood la figure imposée par excellence : le méchant stylé. Mais est-ce aussi simple avec l’acteur qui a joué Jack Manfred dans Croupier ?
« Oui, là est l’embarras. » (Shakespeare)
Lorsqu’une équipe très bien préparée et très efficace menée de main de maître par le mystérieux Dalton Russell (Clive Owen) prend en otages les clients et les employés de la Manhattan Trust Bank (établie en 1948), le détective Keith Frazier (Denzel Washington) - sous le coup d’une enquête des affaires internes à cause de la disparition d’une grosse somme d’argent - est chargé de gêrer la situation.
Passe encore qu’il lui faille compter avec le manque de subtilité du capitaine John Darius (Willem Dafoe), le chef de l’unité tactique dépêchée sur place, mais les choses se compliquent lorsque le maire de New York lui impose la présence de Madeleine White (Jodie Foster), femme d’affaires très influente mandatée par Arthur Case (Christopher Plummer), le fondateur de la banque. Surtout lorsqu’il est très difficile de déterminer l’origine des preneurs d’otages et ce qu’ils veulent vraiment. Frazier en oublierait presque l’enquête interne dont il est l’objet et surtout l’insistance de sa petite amie qui attend sa demande en mariage (« une bague en diamant, tu sais ce que ça vaut ? »)
L’AFFAIRE DALTON RUSSELL GEWIRTZ
« Peter, prenez le temps de bien réfléchir avant de répondre à la prochaine question. » (Thomas Crown... euh, Dalton Russell)
Le propre des grands réalisateurs est de réussir là où on ne les attend pas. Et on attend pas le réalisateur et producteur Spike Lee (Malcolm X), grand observateur de la société américaine à la tête d’un thriller sophistiqué dans la veine de Usual Suspects. Le scénario (digne d’un mécanisme d’horlogerie) de Russell Gewirtz mis en image par Lee fait d’ailleurs irresistiblement songer à un certain nombre de classiques dont L’affaire Thomas Crown (l’original, bien entendu) ou Les pirates du metro (1974), quand ils ne sont pas purement et simplement directement cités dans le film tel Un après-midi de chien (1975) ou cet hilarant « J’ai pas besoin de vos briefings à la con, Serpico ».
« Je parie que les taxis s’arrêtent pour vous. » (Frazier à l’otage sikh)
Mais Inside Man - L’homme de l’intérieur est sans nul doute un film du grand Spike Lee, « A Spike Lee Joint » - comme il est dit aux génériques de ses productions, ne fut-ce que par la présence de Denzel Washington mais également parce qu’on y aborde les préjugés raciaux (« Allez y doucement avec les surnoms bigarrés »), les tractations de couloirs (« J’ai un petit problème qui requiert une personne aux compétences particulières et des plus discrètes »), et qu’on y décrit sans concession le New York post-11 septembre, souvent avec beaucoup d’humour.
« C’est albanais ou...
- Arménien.
- Cest quoi la différence ?
- Je suis né dans le Queens alors bon... J’ai jamais vu l’Albanie ni l’Arménie. J’ai fait du surf en Australie, une fois. » (Frazier et Darmenjian, un des otages)
FIRST WE TAKE MANHATTAN
« Ca c’est clair. A cette même heure dans une semaine je siroterais une pina colada dans un jacuzzi au milieu de six créatures nommées Amber ou Tiffany.
- Faut être réaliste. Je dirais plutôt une douche entre deux types nommés Jesus et Jamal... » (Dalton Russell et Keith Frazier)
Denzel Washington (qui doit beaucoup en France au talent d’Emmanuel Jacomy, sa voix française) vieillit bien dans ce rôle de flic débonnaire faussement profil bas mais qui déteste à juste titre que son intelligence et ses compétences soient sous-estimées (« Rien de personnel non plus, mademoiselle White : je vous emmerde »). Et ses scènes avec Clive Owen-Dalton Russell sont fabuleuses (« Vous êtes beaucoup trop malin pour être flic, maintenant allez vous faire foutre »).
« J’aimerais tellement vous dire quel monstre vous êtes mais il y a le neveu de Ben Laden qui attend mon aide pour acquérir un appartement sur Park Avenue. » (Madeleine White)
Par sa présence, son charisme et son jeu Clive Owen vole ( !) littéralement le film, se payant la part du roi (Arthur ?) avec Washington, peut-être au détriment de Jodie Foster dont le personnage à la Faye Dunaway dans The Thomas Crown Affair (la romance en moins) frise la litote, y compris face à ce grand monsieur qu’est l’acteur canadien Christopher Plummer - lequel est pour sa part une nouvelle fois cantonné à un personnage de banquier façon Martin Yahl dans Money (Steven Hilliard Stern, 1991).
Inside Man - L’homme de l’intérieur est le Usual Suspects de ce siècle en plus distancié et plus fun. Le tout arrosé d’une incroyable bande originale signée Terence Blanchard et lorgnant du côté de James Bond (ceux qui se souviennent du Capsule in Space de On ne vit que deux fois seront ravis) ou de Shaft. Faisons un rêve et imaginons un James Bond avec Clive Owen et Terence Blanchard au générique et sans partie de poker.
« Je sortirais par cette porte quand je serais prêt. » (Dalton Russell à Frazier)
Tant de choses à faire et tant de temps pour les faire. L’homme de l’intérieur attend, l’argent est là, tentant et tentateur mais le plus intéressant est peut-être dans un simple coffre. Dalton Russell prétend ne pas être un héros mais il dit que la dignité est la valeur suprême et se soucie que le fils d’un des otages joue à un jeu vidéo ultra-violent (« Va falloir que je lui touche deux mots à propos de ce jeu »).
Les choses ne sont peut-être pas ce qu’elles semblent être mais qu’on ne s’y trompe pas : Clive Owen est un très grand acteur, le digne fils spirituel de Michael Caine, avec qui il a joué dans Les fils de l’Homme (Children of Men, 2006). Jack Manfred et Jack Carter... The two Jakes.
« Je me nomme Dalton Russell. Prenez soin surtout de bien écouter parce que je trie mes mots sur le volet et que je ne me répète jamais. »
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