jeudi 7 janvier 2010

FRANCOIS DUBUC - ADAPTATEUR (THE STATE WITHIN, DOCTOR WHO) [2/2]

François Dubuc est assurément l'auteur de doublage à suivre en ce début d'année 2010, particulièrement depuis que son travail sur le spécial de Doctor Who intitulé Cyber Noël (The Next Doctor) a été salué par les très exigeants fans francophones de la série (1). Il a déjà travaillé sur des séries de la BBC, puisqu'il a entre autres co-adapté l'excellent Affaires d'Etats (The State Within) - édité en DVD chez Koba Films Vidéo.

Voici la suite de notre entretien (2).


Est-ce que votre travail sur The State Within a nécessité des recherches particulières?

François Dubuc: La principale difficulté d'une série comme celle-ci vient du fait qu'elle est très réaliste. Elle puise son inspiration et son identité directement dans la société actuelle. Le sujet de la série surfant sur la vague provoquée par les attentats du 11 septembre, il était essentiel d'être aussi précis que possible lors de la phase de recherche.

Et pour nous compliquer un peu les choses, les scénaristes ont pris la décision de modifier légèrement les appellations officielles (le Department of Homeland Security devenant le Homeland Security Comittee), les noms de journaux (USA Today devient USA Now), de compagnie aériennes (l'acronyme de British Airways, BA, devenant pour l'occasion BAQ) ou de chaînes de télévision (à part la BBC, bien évidemment...) apparaissant dans la série. Nous avons donc dû gloser et tourner autour des termes existants pour respecter le fait que le monde présenté dans la série est bien le nôtre, mais avec de petits changements très subtils. De toute façon, il n'est pas difficile de voir le spectre d'Enron derrière l'Armitage de la série.

Quelles ont été les principaux problèmes que vous avez rencontré?

François Dubuc: Les seules seules vraies petites difficultés qui me viennent à l'esprit concernent la traduction du terme « trigger gap switch » sur laquelle nous étions en désaccord avec le client et l'obligation d'harmonisation de nos textes avec ceux de la version sous-titrée. « Trigger gap switch » désigne une pièce servant au déclenchement des appareils médicaux utilisés pour l'éclatement des calculs rénaux. Or, dans la série, on découvre au bout de quelques épisodes que ces « switches » peuvent également servir de mécanisme de déclenchement pour une bombe, autrement dit de détonateurs.

Il faut savoir que nous n'avons pas eu tous les épisodes de la série en même temps. Il nous a donc fallu faire des recherches sur Internet afin de savoir dans quelle direction se dirigeait l'intrigue. Mais nous avons vite compris l'usage final qui allait être fait de ces fameux « switches » donc nous avons choisi de les traduire pas « déclencheurs », un terme qui respectait à la fois l'usage fait de ces appareils dans le domaine médical et leur usage potentiel dans la constitution d'un engin explosif. Le client n'a pas voulu que l'on maintienne l'ambiguïté (bien qu'elle existait dans la VO) et a demandé qu'on traduise par « détonateurs ».

Concernant la version sous-titrée, nous devions tous nous mettre d'accord sur la « bible ». Or, le sous-titrage est régi par des impératifs différents de ceux du doublage, parmi lesquels un nombre de caractères limité par sous-titre en fonction de la durée de celui-ci. Donc quand il a fallu traduire « Secretary of State », cet impératif de longueur a poussé les auteurs de sous-titrage à opter pour « Ministre » plutôt que « Secrétaire d'Etat » comme nous l'avons fait dans la version doublée.

Ce n'est pas grand chose en fin de compte et je garde un bon souvenir du travail sur cette série sur laquelle, il est important de le signaler, nous avons eu les coudées franches et n'avons reçu aucune consigne particulière de la part du client concernant la teneur du texte, le niveau de langue ou quoi que ce soit de ce genre. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas.

Qu'est-ce qui vous a apporté le plus de satisfaction dans le résultat final de votre travail? En tant que téléspectateur, avez-vous apprécié la série?

François Dubuc: A posteriori, la chose dont je suis le plus satisfait est que nous avons réussi à respecter au maximum l'identité de la série et la complexité de l'intrigue. La politique et la diplomatie internationale représentent un monde à part. Nous avons donc essayé de rendre au mieux le ton propre à celui-ci et je pense que nous nous en sommes plutôt bien sortis. Je dois aussi rendre hommage au travail du directeur artistique et des comédiens. L'ambiance générale de la série est très bien rendue et l'interprétation livrée par toute la distribution francophone est à la hauteur de celle de sa contrepartie anglo-saxonne. Ils ont vraiment donné vie à notre texte.

En tant que téléspectateur, j'ai effectivement beaucoup apprécié cette série, ce qui, je ne vous le cache pas, a été un plus pour en écrire l'adaptation. Les scénaristes anglais ont su livrer une série complexe, dynamique et riche ressemblant beaucoup à celles tournées outre-Atlantique tout en évitant les pièges dans lesquels tombent souvent leurs confrères américains, à savoir se montrer trop didactiques lors des scènes-clés.

Avez-vous travaillé sur d'autres séries du même client?

François Dubuc: J'ai effectivement travaillé sur d'autres séries BBC : Rough Diamond dont je parlais un peu plus haut, Silent Witness (Affaires non classées) toujours avec Véronique Tzéréthéli et depuis peu, Doctor Who.

Sur quoi avez-vous travaillé depuis? Sur quoi travaillez-vous en ce moment?

François Dubuc: J'ai retrouvé Silent Witness sur laquelle je travaille depuis la saison 11 (nous venons de terminer la 13e). J'ai écrit un épisode de la sixième et dernière saison de Wire in the Blood (La Fureur dans la sang), ainsi qu'un épisode de la première saison de Sanctuary. J'ai également travaillé sur Entourage et Supernatural. Actuellement, je suis sur Stargate Universe et NCIS: Los Angeles. Et comme je le disais plus haut, j'ai eu le plaisir d'être contacté pour entrer dans l'univers du Docteur.

Comment s'est passé votre arrivée sur l'adaptation de cette série emblématique?

François Dubuc: On m'a contacté une première fois au sujet de Doctor Who au cours de l'été 2009. Le client avait bouclé l'adaptation de la 4e saison et voulait, semble-t-il, changer l'équipe d'adaptateurs en vue des quelques épisodes spéciaux de 2009 et la nouvelle saison à venir avec Matt Smith.

Etant grand amateur de SF depuis mon plus jeune âge, j'avais bien évidemment entendu parler de Doctor Who sans pour autant m'y être intéressé de très près, mais j'ai aussitôt sauté sur l'occasion de travailler sur une série aussi iconique que celle-ci. L'adaptation des deux premiers spéciaux a été finalement mise en route à l'automne. On m'a donc confié l'écriture de The Next Doctor et Chantal Bugalski s'est chargée de celle de Planet of the Dead.

Ça a été une expérience très agréable et j'avoue avoir apprécié le fait de commencer par un épisode qui traite directement du personnage du Docteur, ce qu'il est et ce qu'il représente. Ça m'a beaucoup aidé à rentrer dans le ton de la série. Bien sûr, j'ai fait des recherches afin de me familiariser un peu plus avec l'univers de la série et les spécificités de celles-ci (particulièrement ce qui concerne le Docteur et les Cybermen qui sont au coeur de cette histoire, mais aussi les Daleks auxquels il est fait allusion).

J'ai bien fait attention de retrouver les termes et expressions récurrentes utilisées jusque là dans la VF et j'ai essayé de respecter l'esprit de la série et des traductions déjà présentes lorsqu'il m'a fallu trouver un nom aux personnages, objets ou lieux mentionnés pour la première fois dans cet épisode.

Maintenant, il me tarde de retrouver Ten (je crois que c'est ainsi que les fans font référence au Docteur joué par David Tennant) pour les prochains spéciaux et faire connaissance avec le Eleven joué par Matt Smith d'ici quelques mois. Comme tout le monde, je me suis empressé de visionner la bande-annonce de la prochaine saison quand elle a été mise en ligne et ce qu'on y voit me semble très intéressant.

Voir également:

http://thierryattard.blogspot.com/2009/12/doctor-who-noel-sur-france-4.html
http://thierryattard.blogspot.com/2009/05/affaires-detats-koba-films-video.html
http://kobafilms.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=344&Itemid=47

(1) Notons l'excellente direction artistique de David Macaluso. Alain Eloy double admirablement David Morrissey, c'est rare que le talenteux acteur britannique bénéficie d'autant d'égards en VF.
(2) Première partie: http://thierryattard.blogspot.com/2010/01/francois-dubuc-adaptateur-state-within_07.html

1 commentaire:

Sunjn a dit…

enchanté de faire la connaissance de françois Dubuc et bravo pour son travail et pour cette passionnante et très enrichissante interview!

et vivement les prochains spéciaux et la saison 5 de Doctor Who...

^__^