jeudi 15 mai 2008

WILL WRITE AND DIRECT FOR FOOD (SOUTHBANK)

Le réalisateur et scénariste Alan Parker est également un excellent dessinateur. Sa vision de l'art de faire des films est aussi aiguisée et précise avec un crayon que peut l'être son œil de cinéaste. Will Write and Direct for Food (Ecris et dirige pour de la nourriture) est sa troisième compilation de dessins humoristiques sur l'industrie du cinéma, un voyage drôle, caustique et spirituel de l'autre côté de l'écran.

« Le « système » (hollywoodien) EST dysfonctionnel au possible et n'aide pas à prendre des risques créatifs, ce qui était et demeure dommageable. Sans parler de la susceptibilité froissée et de toutes les humiliations possibles et imaginables. » (Nicholas Meyer)

« Ce n'est qu'un film, Ingrid. » (Alfred Hitchcock)

BIENVENUE AU PARADIS

Lorsque vous êtes à tel ou tel niveau de la grande chaîne alimentaire de l'industrie cinématographique il y a toujours un moment où vous essayez de vous rappeler l'intérèt de tout ça. Parfois, si vous êtes chanceux, vous vous souvenez que tout ceci concerne les films, les toiles, le cinoche, le truc que vous regardiez auparavant dans une salle obscure pleine de gens avant que ça n'aille sur d'étranges petits disques ou à la télé.

La grâce peut vous toucher durant un déjeuner avec Stephen Tobolowsky, alors que vous discutez avec un gentleman espagnol cultivé et épicurien, ou encore pendant que vous riez en lisant la dernière compilation de dessins humoristiques de Sir Alan Parker.

Avant d'être un des plus grands réalisateurs et scénaristes des 20ème et 21ème siècles, Sir Alan fut dessinateur dans une agence publicitaire londonienne. Plus tard, il continua à jouer avec son crayon en tant que catharsis durant les habituelles, fréquentes et exquises « confontations culturelles » avec les costumes trois pièces des studios.

« La plupart du temps, bien sûr, vous vous pincez tellement vous êtes chanceux d'être vraiment impliqué dans le tournage de films mais, lorsque les choses se compliquent, faire un film peut paraître comme 120 pages de sodomie. » (Alan Parker)

« Le Timing c'est tout » dit la méchante dans Adrénaline, un film d'action allemand. Le troisième recueil des petits tours et méfaits de Sir Alan sort juste après l'été de toutes les peurs et de tous les mécontentements pour le box office américain et l'industrie hollywoodienne.

Et ouille, ça fait très mal... « Je te le dis Larry, le cinéma moderne est l'enfant bâtard du film à effets spéciaux et du jeu vidéo : la confluence du toc et du non existant, accouchant de l'inimaginable. » (Will Write and Direct for Food, page 30)

HOLLYWOODLAND BURNING

Avec Alan Parker tirer le portrait se transforme souvent en tir aux pigeons d'argile et personne n'est épargné: Cameron Diaz, Madonna, Tom Cruise, Guy Ritchie... mais d'un point de vue purement cinéphilique, la balle la plus mortelle tirée sur les « Je de puissance » date de 20 ans: le cultissime « Dieu que je déteste le style Laura Ashley » (« Une production Merchant Ivory », page 93 »).

« 20 millions de dépassement de budget, deux heures trop long, et quarante minutes après la fermeture. » (« Mammouth Pictures présente La Superproduction », page 68)

Qu'il n'y ait pas néanmoins de malentendu, Will Write and Direct For Food n'est pas Die Hard with a vengeance. C'est un regard drôle et intelligent sur les pourvoyeurs de merveilles émanant d'un initié. Le statut du réalisateur au sein du système (« En Europe le réalisateur est l'auteur du film : Dieu. Aux Etats-Unis le réalisateur est de la merde, une petite main, un laquais sacrifiable. », page 15), les multiplèxes (Shrek dans 9 salles, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain dans la 10ème - page 65), le processus de pré-production, les « exés », les agents, les journalistes et les critiques (après la page 204 votre humble scribouillard a considéré l'idée d'acheter un gilet parre-balles en kevlar) sont parmi les nombreux thèmes de ce guide de survie dans Hollywoodland.

Parfois le crayon de Sir Alan pourrait étrangement être pris pour une boule de cristal - particulièrement page 194 - mais comme il l'écrit dans la préface de ce livre utile, « rien n'a changé dans l'industrie du cinéma depuis 100 ans ».

TOTAL COMMITMENT

« Au fond c'est quoi l'industrie britannique du cinéma? Juste une poignée de gens à Londres qui ne peuvent pas obtenir de Carte Verte. » (Page 85)

Alan Parker fait mordre la poussière au royaume des rêves et manger des cendres à la Mère-patrie, en prenant pour cible l'industrie cinématographique britannique sur un ton presque mélancolique (« Tant d'huile de coude, tant de chemin parcouru, si peu de progrès », page 81) pour un ancien président de l'UK Film Council et du British Film Institute. La vengeance du Grincheux ? Non, Will Write and Direct for Food est une part amusante et élégante de trait d'esprit d'un artiste éclectique qui souhaite nous rappeler que tout ceci concerne avant tout le fait de faire des films (« C'est à parts égales une profession stimulante et chienne »).

L'extraordinaire acteur britannique Stephen Fry dit de Will Write... : « Vous en voudrez trois exemplaires : un à conserver, un à envoyer à vos amis (et ennemis) et un à découper et encadrer ». Ceux qui connaissent l'auteur de cet article personnellement devineront quel dessin il pourrait photocopier et encadrer...

Le Père Noël arrive plutôt cette année, grâce à l'éditeur londonien Southbank Publishing et à ce superbe livre (£14.99). Notez que Southbank publie aussi un ouvrage sur les studios de Shepperton avec une préface de Sir John Mills et une introduction de Sir Ridley Scott.

« Alan Parker et Ridley Scott sont de grands généraux. Ils ont une vision,de la clareté et une GRANDE PREPARATION. » (Stephen Tobolowsky)

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/05/will-write-and-direct-for-food.html

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