jeudi 15 mai 2008

SAM LLOYD

Sam Lloyd est probablement la plus importante révélation dans le genre comique aux Etats-Unis depuis l'âge d'or du club Comedy Store et les premières saisons de l'émission Saturday Night Live. Son humour, empreint d'un mélange de poésie et de causticité, et sa voix fabuleuse font merveille dans la série Scrubs, où il est Ted Buckland l'avocat chanteur. Sam Lloyd a aussi fait partie de la distribution de la série Desperate Housewives.

Votre mère, votre père et votre oncle étant des acteurs respectés, jouer la comédie était-il un choix naturel de vie ou avez-vous jamais considéré la possibilité d'une autre carrière ?

Sam Lloyd : C'était un choix naturel. Je suis né dans un environnement théâtral. Je ne me souviens pas du moment précis ou j'ai fait ce choix, j'ai toujours su que c'est ce que je ferais. Si j'avais songé un jour à une autre carrière, cela aurait été dans la musique.

Quelle était votre matière principale à l'université de Syracuse ?

Sam Lloyd : Musique et théâtre.

D'après vous quel est la chose la plus importante que vous ayez apprise à l'université de Syracuse et que vous utilisez toujours aujourd'hui dans votre vie professionnelle ou personnelle ?

Sam Lloyd : Me servir de mon imagination.

Quel fut votre première expérience de comédien?

Sam Lloyd : Ma mère avait créé et dirigeait un groupe de théâtre pour enfants appelé « Les Trolls de la Montagne Verte ». Mon premier rôle était celui d'un bébé rat dans Le joueur de flute de Hamelin, lorsque j'avais trois ans. Je venais juste d'arrêter de porter des couches, mais comme j'étais le « bébé » rat je devais porter des couches en tant qu'élément de mon costume.

J'étais très contrarié que ma mère m'oblige à porter ces couches. Après tout, j'étais un grand garçon qui n'avait plus besoin de porter des couches. Je ne lui ai toujours pas pardonné cette humiliation (et je ne plaisante qu'en partie seulement).

Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs ce qu'est la Weston Playhouse Theatre Company?

Sam Lloyd : C'est une compagnie de théâtre d'été dans la toute petite et très belle ville de Weston, en Nouvelle Angleterre, dans le Vermont. Et sans elle je ne serais pas arrivé où j'en suis. Mes parents s'y sont rencontrés dans les années 1950 en y faisant du théâtre d'été alors que la route menant à la ville était encore poussiéreuse. Ils se sont finalement installés à Weston définitivement et ont fondé notre famille.

Au fil des années la petite scène du Playhouse est devenue un fantastique théâtre, très respecté, avec sur scène et en coulisses des talents venant de Broadway, et de théâtres professionnels de Chicago, Los Angeles ou d'autres endroits. Et la route menant à la ville est maintenant pavée.

Votre travail pour la télévision est bien connu. Avant d'obtenir le rôle de Ted Buckland, l'avocat dans la série Scrubs, vous êtes apparus dans un grand nombre de comédies de situation notables (Tribunal de nuit, Seinfeld, Dingue de toi...) Les sitcoms sont-elles une transition très naturelle après la comédie sur scène, ces séries étant répétées devant un public ? Vous préparez-vous de la même manière ?

Sam Lloyd : Oui, les sitcoms sont vraiment une transition naturelle. Vous n'avez pas besoin de vous projeter autant vocalement que sur scène ou d'être aussi « grand » mais fondamentalement c'est la même chose que de délivrer un effet comique devant un public de théâtre.

Dans votre filmographie on trouve Soleil levant (1993). Quel était votre rôle dans ce film et pouvez-vous nous parler du tournage de vos scènes dans cette adaptation d'un best-seller de Michael Crichton.

Sam Lloyd : Le rôle que je jouais n'était pas dans le livre. Dans ce film j'étais un des deux maniaques d'informatique propriétaires de la compagnie que le groupe japonais désirait acheter. Nous étions un peu les « Rosencrantz et Guildenstern » du film parce que nous étions au centre de l'action mais nous n'avions pas la moindre idée de ce qui se tramait autour de nous. Peter Crombie était le Guildenstern de mon Rosencrantz et nous avons passé un très bon moment sur ce tournage. Nous étions très excités à l'idée de travailler avec Sean Connery, qui était tout ce que j'avais espéré qu'il serait : drôle, aimable, professionnel et sacrément décontracté.

Le tournage de cette scène où Peter et moi entrons dans l'immense building au cours de la grande fête était fascinant. La production avait fait fermer tout un quartier du Downtown Los Angeles et avait plaçé autour du batiment des spotlights et des machines pour produire de la pluie - c'était vraiment très hollywoodien.

Participer à un projet comme Soleil levant était vraiment formidable. Tout comme le fait de travailler avec Philip Kaufman, Peter Kaufman, Sean Connery et Wesley Snipes. Et c'est le film le plus important pour lequel j'ai tourné à ce jour.

Votre personnage de Ted Buckland dans Scrubs est la parfaite demonstration de la vaste étendue de vos talents. Il peut être à la fois drôle, sensible et poétique, parfois en même temps, et il est expressif même lorsqu'il est muet. Il chante aussi (nous aborderons ce point un peu plus loin).

Comment avez-vous été choisi par Bill Lawrence (le créateur et producteur executif de la série) pour jouer Ted et comment avez-vous fait de lui ce personnage merveilleux, gentil et presque lunaire avec lequel nous sommes familiers ?


Sam Lloyd : J'avais déjà collaboré avec Bill en maintes occasions. Il a écrit le rôle en m'ayant essentiellement à l'esprit et il me l'a proposé (si seulement cela arrivait plus souvent !) J'ai travaillé dur pour donner à Ted un point de vue et une âme, afin que les gens le comprennent mais également apprennent chaque fois quelque chose en plus à son propos. Je ne voulais pas qu'il soit un personnage uni-dimensionnel, ce qui est le danger lorsque la fonction d'un personnage est de délivrer une poignée de gags rapides dans un épisode.

Vous semblez avoir en commun avec votre oncle, Christopher Lloyd, un humour poétique qui n'exclut pas la causticité. Qui sont vos références, vos modèles, dans le Panthéon des comédiens ? Au-delà de la comédie qui sont vos acteurs préférés ?

Sam Lloyd : Quand j'étais plus jeune, mon père nous enmenait voir les reprises des films de Laurel et Hardy, des Marx Brothers, et de Charlie Chaplin. J'ai grandi en regardant aussi Peter Sellers, les Monty Python et Gene Wilder. Ils étaient tous mes modèles.

Plus tard j'ai découvert Buster Keaton et il est rapidement devenu pour moi une obsession. Il y a un peu de chacun d'entre eux dans tout ce que je fais. Parfois je ne m'en rends même pas compte jusqu'à ce que quelqu'un me le souligne. Jimmy Stuart est aussi une influence majeure. Mes autres acteurs préférés pas forcément associés à la comédie sont Orson Welles, Marlon Brando et Jack Nicholson.

Corollaire français, lorsque l'on observe et admire votre travail on pense immédiatement à Jacques Tati, le comédien et réalisateur français (créateur de l'immortel Monsieur Hulot). Connaissez vous son oeuvre ?

Sam Lloyd : Je suis un grand fan de Jacques Tati. Ma mère avait vu Les vacances de Monsieur Hulot. lors de sa première sortie aux Etats-Unis et dès que le film a été disponible en vidéo elle me l'a montré.

Il m'a fait une forte impression. Il fait tellement avec si peu de mots, mais d'une façon tellement empreinte de litote et de subtilité. J'essaie de faire la même chose.

En 2003 vous étiez l'aspirant acteur Sam Peliczowski dans Fully Committed une pièce pour le Weston Playhouse Theatre...

Sam Lloyd : Fully Committed est un one-man show. Le personnage de Sam est employé dans un restaurant à la mode de New York où il est chargé de répondre au téléphone et de prendre les réservations. Le truc et le défi de la pièce est que l'acteur qui doit jouer Sam doit jouer aussi le cuisinier, le maître d'hôtel, l'hotesse, et chacune des personnes au téléphone ! Plus de 35 rôles en tout. C'était extrêmement stimulant.

A part Fully Committed, qu'avez-vous joué d'autre sur scène?

Sam Lloyd : J'ai joué pas mal de pièces au fil des années, mais mes deux préférées sont The Nerd, de Larry Shue et The Mystery of Irma Vep, de Charles Ludlam. The Nerd est une pièce extrêmement drôle (si ce n'est légère). Le personnage que j'ai développé pour The Nerd m'a servi ensuite pour mon rôle dans la série Seinfeld.

The Mystery of Irma Vep est un spectacle pour deux acteurs ou ceux-ci doivent interpréter trois rôles. C'est le spectacle le plus purement théâtral dans lequel j'ai joué. Ca implique des changements de tenues progressivement de plus en plus rapides et de plus en plus élaborés (certains en moins de 10 secondes), ainsi que d'autres astuces scéniques. Le public sursautait parfois.

En plus c'était très très drôle. Je jouais un palefrenier cockney avec une jambe de bois qui se transformait en loup-garou devant le public mais aussi le personnage féminin principal ! J'étais mieux en loup-garou.

Vous êtes membre d'un extraordinaire groupe de chanteurs a capella appelé The Blanks. On peut vous entendre dans la série Scrubs avec Philip McNiven, George Miserlis et Paul Perry en tant que... le groupe de chanteurs a capella de Ted Buckland. Les versions des thèmes de Charles s'en charge et de L'Homme de six millions/L'Homme qui valait trois milliards par The Blanks sont considérés comme cultes et sont disponibles (avec d'autres titres) en CD.

Comment est né The Blanks ? Comment le groupe a-t-il intégré la série ?

Sam Lloyd : George, Paul et moi sommes devenus bons amis au département théâtre de l'université de Syracuse. Quelques années après que je sois arrivé à Los Angeles ils ont suivi. George participait à la comédie musicale Forever Plaid, sur un quartet chantant et il avait un contact avec un agent qui cherchait à monter un numéro dans le même genre. Avec Philip, que George avait rencontré à L.A. avec la classe d'improvisation du Second City Improv Group, nous avons monté ensemble un numéro.

Ca n'a rien donné avec l'agent, mais nous avons continué à chanter juste pour le plaisir. A la fète de Noël de la première saison de Scrubs j'ai demandé si le groupe pouvait faire un numéro et chanter une chanson. La meilleure chanson que nous interprétions à l'époque était - et est probablement encore - le thème du film Superman composé par John Williams. Paul l'a adapté pour quatre voix et a écrit de merveilleuses paroles originales.

Nous l'avons interprété à la fête et les producteurs de Scrubs l'ont adoré. Ils ont immédiatement décidé de mettre le groupe dans la série. Dans le premier épisode avec les Blanks nous étions supposés chanter le thème de Superman mais la production n'a pas pu obtenir les droits. Le thème de Underdog était le plan B et c'est ce que nous avons fini par interpréter.

Vous contribuez régulièrement à une démarche artistique originale et créative avec votre participation au Instant Films Group, à Los Angeles. Qu'est exactement Instant Films? Pouvez-vous nous dire quelques mots des courts métrages pour lesquels vous avez travaillé avec eux ?

Sam Lloyd : Ca se passe de la manière suivante: huit auteurs se réunissent le vendredi soir. Chacun tire d'un sac en papier des petits bouts de papier, un avec un adjectif et un avec un nom. Puis ils s'en vont et ils ont jusqu'à samedi à 8 heures du matin pour amener un script complet de 8 à 10 pages basé sur ces deux mots à un groupe de réalisateurs et d'acteurs. Les réalisateurs tirent les noms des scénaristes d'un sac en papier - leur script est celui que le réalisateur dirigera. Puis ils tirent les noms des acteurs d'un autre sac en papier - ils constitueront le casting.

Les réalisateurs et les acteurs ont jusqu'au dimanche soir à 20h00 pour livrer un film et ce film est montré immédiatement. C'est très fatiguant, mais très excitant. J'ai fait de cette manière sept ou huit films ces dernières années.

Ce qui est étonnant, c'est que la distribution est presque toujours parfaite. Parmi les rôles que j'ai joué il y a eu un rôdeur, un acteur dans un « moqumentaire » sur un film de zombies, un acteur dans un « moqumentaire » sur un film pornographique, et un homme en désintoxication parce qu'il est trop polyvalent.

Vous avez travaillé avec Christopher Atkins, Matt Walsh et David Holcomb sur un court appelé He's a man pour Instant Films. Quels sont les origines de ce projet ? Quel est le scénario ?

Sam Lloyd : Je ne me souviens plus de l'adjectif, mais le nom tiré au sort par le scénariste était « calin ». C'était à propos d'un groupe de types qui se réunissent pour regarder un match de football, et qui finissent par faire un concours pour déterminer lequel d'entre eux donnera le meilleur calin. C'était très drôle.

Aussitôt après la présentation des films il y a une cérémonie de remise de récompenses. Tout le monde dans le public vote et les gagnants sont annonçés au cours d'une réception. Nous avons eu la récompense de la meilleure distribution pour He's a Man.

En tant qu'acteur, qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de tourner des courts métrages ? Les courts comiques sont très appréciés en France, particulièrement à la télévision. Est-ce que c'est le format idéal pour la comédie ?

Sam Lloyd : J'adore tourner des courts métrages. Les personnages doivent être parfaitement définis parce que le spectateur doit les comprendre immédiatement. J'ai moi-même produit et joué il y a quelques années dans un court appelé Waiting for Go. Il a reçu le prix Canal + du Festival du Film de Clermont Ferrand, et a été montré à la télévision en France et dans d'autres pays d'Europe.

C'était l'histoire de deux hommes dans une voiture essayant de s'orienter à une intersection, mais le feu ne coopère pas. J'ai aussi eu la chance de jouer dans deux courts qui ont été présentés l'année dernière au Sundance Film Festival (Cry For Help, et Spelling B). Je réalisais des courts avec une Super 8 quand j'étais enfant, j'aurais donc vraiment bien du mal à vous soutenir que le court n'est pas le format idéal pour la comédie. La brièveté et la comédie vont bien ensemble.

Vous êtes maintenant récurrent sur la série Desperate Housewives, une des dernières réussites en date de la télé américaine. Comment avez-vous rejoint cette série ? Quel y est votre rôle ?

Sam Lloyd : Je ne sais plus si c'était par une audition auprès des directeurs de casting ou des producteurs ou bien si c'est mon agent qui m'y a fait rentrer. Mais Marc Cherry, le producteur principal, connaissait mon travail sur la série A la Maison Blanche et un des autres producteurs avait travaillé comme scénariste sur une sitcom appelée City, dans laquelle j'avais joué en compagnie de Valerie Harper.

Je crois qu'ils ont pensé que je conviendrais bien à la série puisque j'avais travaillé dans le comique comme dans des projets d'une tonalité plus sérieuse, ce qui colle tout à fait à Desperate Housewives. Mon personnage est le docteur Albert Goldfine, un conseiller conjugual.

Quel est votre définition d'une situation comique efficace

Sam Lloyd : C'est une situation qui vous fait rire!

Sur quoi travaillez-vous en ce moment et quels sont vos projets?

Sam Lloyd : Scrubs vient de finir la saison. Je travaille actuellement avec The Blanks à la préparation de notre spectacle. Nous nous sommes déjà produits sur scène mais nous fignolons. Nous interprèterons tous les morceaux de notre CD (disponible chez CDbaby.com !) avec d'autres chansons et beaucoup de comédie. Fin juin je retournerais à Weston, dans le Vermont, pour voir la famille et travailler au Playhouse. A cause de mon emploi du temps je ne pourrais jouer dans une pièce mais je ferais un peu de cabaret.

Et puis mon groupe de reprise des Beatles, The Butties, se produira le 23 juillet dans le Vermont. Nous ne sommes pas un groupe « d'hommage » - nous ne nous costumons pas, nous ne portons pas de perruques et ne parlons pas avec l'accent de Liverpool - nous interprétons juste les Beatles très fidèlement. Je suis très impatient, nous nous connaissons depuis Syracuse. D'eux d'entre nous habitent New York et deux à Los Angeles mais nous nous retrouvons régulièrement plusieurs fois dans l'année. Notre spectacle du Vermont est d'ailleurs un évènement important dans la région.

Un autre membre des Blanks, Paul Perry, fait partie aussi des Butties avec moi. En fait, dans le final de la saison de Scrubs l'année dernière, lorsque le groupe de Ted interprète Eight Days a Week des Beatles, c'est en réalité un enregistrement des Butties que l'on entend. Les Butties ont aussi une chanson (Joy to the World) dans la bande originale du film Christmas with the Kranks.

Après le spectacle du Vermont je reviendrai ici à LA pour commencer une nouvelle saison de Scrubs et si tout va bien, les Desperate Housewives auront encore besoin d'une thérapie.

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/05/sam-lloyd.html

(Entretien réalisé en 2005)

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