vendredi 16 mai 2008

HUBERTUS REGOUT

Connu désormais des télespectateurs français pour son rôle du styliste Hugo Haas dans Le destin de Lisa et Le Destin de Bruno (Verliebt in Berlin - saisons 1 et 2), énorme succès d'audience et une des plus grandes réussites de la production télévisuelle allemande de ces dernières années, Hubertus Regout est un acteur dont l'excellente formation théâtrale bénéficie incontestablement à son personnage - tout comme son multi-culturalisme. Il nous fait l'honneur de nous accorder une interview... en français.

La première question doit vous être très souvent posée en Allemagne : vous êtes né en Belgique, pourriez-vous avoir la gentillesse de nous dire quelques mots à propos de vos origines et de votre famille. Comment êtes vous arrivé en Allemagne ?

Hubertus Regout : Je suis né à Bruxelles, d'un père belge issu d'une famille d'origine hollandaise et d'une mère autrichienne, issue d'une famille d'origine lointaine polonaise. J'ai grandi en Belgique, en Autriche - à Vienne, fait mes études en Suisse, à Paris et ensuite j'ai déménagé en Allemagne. Précisément à Munich, pour y poursuivre ma formation d'acteur. J'avais envie de suivre les cours en allemand, puisque cette langue fait partie de mes origines ; aussi, je voulais suivre de très chers amis que j'avais rencontré pendant ma vie turbulente à Paris.

Pourriez-vous nous parler de votre formation d'acteur ? Quels sont parmi vos professeurs de comédie celles ou ceux qui vous ont le plus marqué et pour quelles raisons ?

Hubertus Regout : Ma formation d'acteur a commencé dans une école privée de très grand renom, fondée par l'inoubliable grande dame du théâtre allemand, Ruth von Zerboni. Après son décès, trois mois seulement après avoir été accepté, j'ai quitté cette école pour accepter un engagement au Bayrisches Staatsschauspiel, le « Residenztheater » à Munich ; j'avais été choisi avec six autres très jeunes comédiens pour jouer dans une pièce du grand George Tabori ! Ce fut pour moi un honneur et un plaisir inimaginable de pouvoir travailler avec un des très grands metteurs en scène de renommée internationale.

Après cela, j'ai rejoint une école enseignant la « methode Strassberg », mais cela ne me suffisait pas, et j'ai donc complété ma formation par des cours privés chez la grande comédienne Leonore Büttner-Noelle, certainement mon professeur préféré, celle qui m'a le plus marqué par son incroyable rigueur et son art inimitable. Rigueur stricte que j'applique encore aujourd'hui dans ma vie professionnelle, car j'estime que sans cela notre métier ne serait certainement pas faisable...

Vous avez aussi suivi deux ateliers à New York et Moscou. En quelles circonstances et avec qui ? Qu'est-ce que cela a apporté à votre formation d'acteur ?

Hubertus Regout : Je n'ai pas été à New York, ni Moscou, il sagissait plustôt de professeurs venus de ces villes dont j'ai eu l'occasion de suivre les ateliers à Munich. En l'occurrence, Tanja Stepanchenko, danseuse étoile et comédienne du Théâtre de L'Armée Rouge de Moscou, était venue nous enseigner la danse, une certaine conscience corporelle en scène et les techniques de mouvement. Quant à Bill Esper, il est acteur et professeur de la matière relative à Stanislawski. Tous ces différents ingrédients m'ont servi à concocter ma propre petite « potion magique » et ce sont les outils qui me permettent d'exercer mon métier avec passion.

Après votre formation vous avez fait beaucoup de scène. Quel a été votre premier engagement théâtral et pour quel rôle ? Quelles sont les autres pièces dans lesquelles vous avez joué et où ? Quel est votre meilleur souvenir de théâtre ?

Hubertus Regout : Mon premier engagement après avoir terminé ma formation fut dans le rôle de Lysandre dans Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, pièce mise en scène lors du festival estival de Weilheim en Bavière. J'y ai vécu l'été le plus heureux de ma vie d'alors ! A noter que, bien entendu, ce « Songe » se poursuivait en dehors de la scène pour tous les participants de cette production... Inutile de dire qu'il s'agit de mon meilleur souvenir de théâtre.

Mes autres rôles étaient, entre autres, Don Juan dans une adaptation de la pièce de Molière, rôle que j'ai joué en francais et allemand en même temps ; « Der Bucklige », rôle inventé spécialement pour moi dans la pièce Kasimir et Karoline d' Ödön von Horváth ; « le meneur du chœur » (Chorführer) dans Les Grenouilles de Sophocle ; « Andri », rôle principal dans la pièce Andorra de Max Frisch ; et al.

Avant de jouer dans Verliebt in Berlin (Le destin de Lisa et Le Destin de Bruno) vous avez fait beaucoup de télévision en tant que second rôle dans des séries : La Clinique sous les Palmiers, Edel & Starck, Alerte Cobra... Quel a été votre premier engagement à la télévision et pour quel rôle?

Hubertus Regout : Mon premier engagement à la télévision était dans La Clinique sous les Palmiers, série tournée, entre autres, en République Dominicaine, j'y ai joué un jeune homme qui ne survit pas à un accident en mer survenu pendant son voyage de noces avec sa jeune épouse. Les autres rôles n'étaient, en effet, pas plus que des petites apparitions, en attendant patiemment « le grand moment »...

Au cinéma, vous avez joué dans différents films. Quel sont les films dans lesquels vous avez le plus aimé jouer et pourquoi ? Qu'est-ce que ces rôles au cinéma ont apporté à votre manière de jouer ?

Hubertus Regout : J'ai adoré travailler avec Oscar Roehler, jeune metteur en scène allemand qu'on dit être le seul vrai successeur de Rainer Werner Fassbinder, compliment qu'il n'aime d'ailleurs pas trop entendre. J'ai tenu deux petits rôles dans ses films Suck my Dick et Agnès et ses Frères. J'aime beaucoup sa manière très brute de peindre ses caractères sans toutefois les dénoncer; sa façon de raconter ses histoires est directe et sans minauderies.

Ces premières expériences m'ont surtout permis d'obtenir une certaine assurance dans mon jeu tout en restant extrêmement imaginatif dans la création du rôle.

Dans Verliebt in Berlin vous êtes bien sûr Hugo Haas, le styliste de Kerima Moda. Dans le passé vous avez été mannequin, notamment à Paris. Pourriez-vous, s'il vous plait, nous parler un peu de cette période de votre carrière ? Cette expérience vous à t'-elle servi ne fut-ce qu'un peu dans ViB ?

Hubertus Regout : J'ai, en effet, aquis de l'expérience dans le monde de la Haute couture à Paris, notamment en travaillant l'une ou l'autre fois comme mannequin. La mode a toujours été une passion, surtout par son aspect socio-culturel. D'avoir travaillé comme mannequin n'a fait qu'augmenter mon envie brulante d'enfin monter sur scène pour de bon et devenir comédien...

L'expérience de la mode que j'ai acquise à Paris m'a certainement très bien servi pour mon rôle du styliste Hugo Haas. Mon autre grande passion, celle de l'histoire de l'art, a pu être assouvie en suivant quelques cours à l' École du Louvre.

Hugo est un personnage extrêmement intéressant, en ce qu'il a beaucoup évolué depuis le début de ViB. Au départ archétype du styliste gay, voire archétype de telenovela tout court, il est devenu très rapidement plus humain, plus sympathique, plus attachant voire parfois émouvant. Comment avez-vous perçu cette évolution et y avez-vous contribué?

Hubertus Regout : Je vous remercie d'avoir eu assez de subtilité pour remarquer cette évolution. En effet, un rôle dans une série aussi longue que Verliebt in Berlin donne la possibilité aux scénaristes ainsi qu'à l'acteur de pouvoir faire évoluer le personnage. Cette évolution est un cadeau pour tout acteur ; qui n'aimerait pas être en position de pouvoir montrer multitude de facettes du caractère d'un personnage - chose gratifiante et extrêmement satisfaisante. De plus, étant très proche de nos scénaristes en chef, j'ai pu contribuer à l'évolution de Hugo Haas.

D'ailleurs, la grande partie des dialogues de Hugo est revue par moi-même, notamment parce que dans la version allemande, Hugo utilise beaucoup de mots francais...

Comment se passe une journée de tournage de ViB. Quelle est la scène la plus difficile que vous ayez eu à tourner ?

Hubertus Regout : Une journée de tournage de ViB commence à sept heures du matin, nous travaillons en général entre dix et douze heures par jour. Nous produisons cinq épisodes par semaine, ce qui nous fait vingt minutes de matériel par jour. Un rythme très soutenu qui nous oblige à avoir beaucoup de discipline. Ce que j'apprécie dans ce travail est que l'on est amené à développer une précision des plus minutieuses, et à savoir être au point dans le plus bref des délais.

Les scènes les plus difficiles que j'ai eu à tourner étaient certainement celles ou Hugo se trouvait aux pires moments de sa détresse, lors de la perte de son être le plus cher au monde...

De toutes les versions de Yo soy, Betty la fea, ViB est sans doute la plus indépendante de son modèle colombien. Le feuilleton empreinte beaucoup plus au soap allemand genre GZSZ [Gute Zeiten, schlechte Zeiten, une sorte de Plus belle la vie allemand, NDA].

Qu'est-ce qui fait selon vous la spécificité de Verliebt in Berlin et d'après vous est-ce que la « happy end » de la saison 1 n'a pas été un handicap pour le lancement d'une seconde saison ? Paradoxalement, la disparition des personnages centraux d'origine a t'-elle été une opportunité créative tant pour la production que les acteurs restant ?


Hubertus Regout : La spécifité de Verliebt in Berlin consiste certainement en le professionalisme de ses protagonistes, nous sommes bien sûr tous des comédiens avec une solide formation professionnelle, les histoires sont très recherchées, les scénarios sont de grande qualité, surtout quand on les compare à d'autres séries du même type en Allemagne.

La « happy end » de la première saison n'a, à mon avis, pas été un handicap pour la seconde saison, tout comme la disparition des personnages centraux de Lisa et David. Au contraire, je trouve que cela nous a donné une très belle opportunité de trouver de belles nouvelles histoires ainsi que de nouvelles évolutions pour les acteurs restants et leurs personnages.

Vous avez participé à diverses émissions de télévision en tant qu'invité et présenté différentes manifestations de mode. Aimeriez-vous présenter une émission ou un talk-show et de quel genre ?

Hubertus Regout : C'est, en effet, une idée qui me plairait beaucoup, le genre pouvant se trouver parmi tous les thèmes socio-culturels, voir historiques, la société et toutes ses facettes, et certainement, pourquoi pas la mode. J'apprécie beaucoup, entre autres, tout ce qui est « personality show ».

Dans votre carrière d'acteur quel est la chose dont vous êtes le plus fier ? Verliebt in Berlin est très très populaire en France et vous connaissez bien Paris. Avez-vous eu l'occasion de revenir dans la capitale récemment?

Hubertus Regout : Je n'aime pas être fier de quelque-chose, je dirais plutôt que je suis très content, voir reconnaissant, d'avoir réussi dans ce métier que j'aime passionnément, et de pouvoir faire ce que j'ai vraiment envie de faire.

Je viens de lire dans les journaux à Berlin que nous avons atteint des taux d'audience sensationnels en France, voire même plus élevés qu'en Allemagne ! J'en suis parfaitement ravi, d'autant plus que je ne rêve que de pouvoir travailler un jour en France. Hélas, mon travail étant vraiment très prenant, je n'ai pas encore eu l'occasion de retourner dans votre splendide capitale depuis le début de ViB, chose à rattrapper dans les plus brefs délais! D'ailleurs, mes amis parisiens m'en veulent de les « délaisser » et me manquent beaucoup...

Avez-vous déjà eu l'occasion de vous entendre en français dans un épisode de ViB et qu'en pensez-vous ?

Hubertus Regout : Malheureusement, je n'en ai pas encore eu l'occasion ; par ailleurs, il s'agit ici d'une question amusante, puisqu'au moment de la vente de notre série en France, j'avais demandé à me doubler moi-même, chose que j'aurais adoré faire, mais, le manque de temps m'en empêcha...

Aimeriez-vous tourner en France et avec qui ?

Hubertus Regout : Je viens déjà de le mentionner, je ne rêve que de travailler en France, pays d'une de mes langues maternelles. J'adore le cinéma francais avec toutes ses facettes, sa tradition, sa culture et son histoire si riches.

Entre autres, j'aimerais beaucoup travailler avec Francois Ozon, j'apprécie énormèment la diversité et la richesse de son oeuvre, le dessin précis et quasi aimant de ses caractères et sa façon grandiose de mener ses protagonistes. Une de vos très grandes actrices que j'admire énormément, Mademoiselle Deneuve, lors du tournage de Huit Femmes a dit de lui: « Il aime ses acteurs »... Je trouve que cela se voit dans ses films. Inoubliable, bien sûr, l'ambiance angoissante entre la grande Charlotte Rampling et la fabuleuse Ludivine Sagnier dans Swimming pool.

Je n'ai nommé que quelques personnes parmi multitude d'artistes que j'admire en France, la liste étant interminable.... De plus, quoi de plus fascinant de tourner un film historique francais dans des costumes d'époque ? Parmi mes films préférés de tous les temps resteront toujours Un homme et une femme et Ascenseur pour l'échafaud, la Nouvelle vague francaise gardant toujours pour moi un charme irresistible.

(Entretien réalisé en 2007)

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