Jeune avocate dans la firme de son père, Catherine Chandler vit à New York, où elle mène une vie mondaine à l'opposé des ses qualités de coeur. Victime d'une agression, elle est laissée pour morte en plein Central Park.
Recueillie par le ténébreux Vincent, elle est soignée par son sauveur au sein d'une communauté dirigée par le père adoptif de ce dernier et qui vit dans des tunnels sous la ville. Elle va découvrir que Vincent est aussi exceptionnel que les lieux qui l'abritent.
Bien avant la saga Twilight ou l'excellent True Blood, la série La Belle et la Bête (Beauty and the Beast, 1987-1990) s'illustra comme un des fleurons du romantisme fantastique. Après s'être imposé comme l'éditeur de référence de la fiction télévisuelle patrimoniale française, Koba Films Vidéo (http://thierryattard.blogspot.com/2009/03/royale-koba.html) a su avec audace sortir le meilleur de "la nouvelle fiction télé britannique" et propose depuis quelques temps de redécouvrir de grandes oeuvres de la télévision US. Sa démarche éditoriale cohérente n'exclut pas quelques "coups": ainsi la sortie DVD de Torchwood a marqué les esprits par la qualité des coffrets proposés. Et voici que Koba s'illustre de nouveau avec ce grand classique de la fiction télé américaine qu'est La Belle et la Bête.
IL ETAIT UNE FOIS... DANS LA VILLE DE NEW YORK
« Nous sommes sous la ville, sous le métro. Il y a tout un monde de tunnels dont les gens ignorent l'existence. Il n'existe pas de carte de l'endroit ou nous sommes. C'est un endroit oublié mais il y fait chaud, on y est en sécurité et nous avons toute la place nécessaire. Alors nous y vivons, nous essayons d'y vivre. » (Vincent)
La genèse de la série La Belle et la Bête remonte à un diner au cours duquel Kim LeMasters, alors président de CBS Entertainment, confie à un ami son admiration pour La Belle et la Bête, le film de Jean Cocteau (1946). Il demande à Ron Koslow, le scénariste du film Série noire pour une nuit blanche (Into the Night, 1985) de transformer ce classique du cinéma en série télévisée (1). Koslow transpose l'histoire dans un contexte contemporain et fait de la Bête un héros romantique urbain. Il y ajoute une idée inspirée par la lecture d'un article sur des gens vivant sous l'hôtel Waldorf Astoria à Manhattan et se nourrissant des restes des repas préparés par l'hôtel (2). En faisant des recherches, il apprend la présence de plus de 500 kilomètres de tunnels sous la ville de New York.
Ron Koslow imagine les deux personnages principaux de La Belle et la Bête en ayant à en tête l'actrice Linda Hamilton, qui dans Terminator (The Terminator 1984) jouait une jeune femme vulnérable endurcie par les circonstances, et l'acteur Ron Perlman, formé au théâtre classique et remarqué dans ses deux premiers films (La Guerre du feu, 1981 et Le nom de la rose, 1986) pour sa capacité à s'exprimer au travers de maquillages très élaborés. Car le maquillage de la Bête est la clé de la crédibilité de la série. Rick Baker, un des maîtres de cet art, est chargé de le concevoir.
« Lorsque vous devenez un acteur "commercial" qui travaille au cinéma et à la télévision les opportunités de jouer les classiques sont rares. Jouer la Bête était un retour à la tradition théâtrale de la Renaissance » explique Ron Perlman (3). « Je me suis trouvé sur la chaîne la plus commerciale des Etats-Unis, CBS, en prime-time, à jouer ce rôle mythique et classique au physique très particulier et à la force décuplée ». Linda Hamilton apprécie également l'opportunité artistique: « C'est une histoire d'amour de style gothique, avec pleins d'obstacles sur le chemin, et Vincent est un personnage finalement très sexy!» (4) Le très talenteux Roy Dotrice, né à Guernesey, impressionnant interprète du sinistre Troyan dans l'éphémère série Le Magicien (The Wizard, 1986), est engagé pour jouer le rôle de Père. Alias Jacob Wells, le père adoptif de Vincent.
« Elle appartient à un monde où richesse et pouvoir règnent en maître » mais Catherine Chandler ne s'y épanouit pas (« Quant je pense au droit commercial stimulant n'est pas le mot qui me vient à l'esprit »). Elle est fiancée au meilleur client de son père, le très superficiel Tom Gunther (Ray Wise - les fans de Reaper apprécieront) et sa vie remplie de mondanités la frustre de son empathie naturelle. Sa rencontre avec Vincent après une agression particulièrement cruelle marque le début de sa longue métamorphose. Dans le Monde d'En-bas, elle apprend les joies les plus simples, telle l'écoute la lecture des Grandes Espérances de Charles Dickens par Vincent, mais également l'acceptation de la différence, après sa première réaction à la vue du visage de son sauveur (« Jamais je n'ai regretté d'être comme je suis. Jusqu'à aujourd'hui »).
UN CONTE DE DEUX MONDES
« J'ai vu votre monde, je n'ai pas ma place ici. Je sais ce que je suis. Votre monde est habité par la peur et je rappelle aux hommes leurs plus grandes frayeurs.
- Leur propre ignorance.
- Leur solitude.» (Vincent)
De retour dans son monde, Catherine Chandler prend des cours d'auto-défense auprès du sympathique Isaac Stubbs (la légende de la Blaxploitation Ron O'Neal dans le pilote, puis Delroy Lindo) - « Ici on est à New York alors moi j'apprends le combat de rue de New York qui est méchant est dégueulasse » - puis elle va travailler au bureau du procureur. Vincent ne peut accepter l'idée de l'oublier malgré les réserves bienveillantes de Père, fondateur de la communauté des tunnels et père adoptif de Vincent.
« Je la connais presque autant que moi, je sais tout ce qu'elle ressent. Je sais ce qu'elle pense. Lorsqu'elle a peur, lorsqu'elle est heureuse, triste... » mais il se résout à de poignants adieux à Catherine sur le balcon de l'appartement de celle-ci. Le lien qu'il y a entre eux est néanmoins plus fort que les mondes qui les séparent et lorsque la vie de Catherine est de nouveau menaçée, Vincent traverse la ville pour la sauver. « Je fais partie de vous, Catherine. Comme vous faites partie de moi. Où que vous alliez, où que vous soyez, je serai avec vous . »
La Belle et la Bête, dont le pilote est écrit par Ron Koslow et réalisé par l'habile artisan australien du thriller Richard Franklin (Psychose II, Link) est une des créations les plus originales de la fin des années 1980 avec son dosage savant entre le conte de fée moderne et la série policière plus fédératrice. C'est d'ailleurs toujours sous le règne de Kim LeMasters à CBS, que démarre à la même période Un Flic dans la Mafia (Wiseguy, 1987-1990), autre grand classique de l'époque.
Sans doute les responsables de CBS envisagent-ils une approche conventionnelle de cette nouvelle version de La Belle et la Bête, avec Vincent sauvant Catherine au dernier acte de chaque épisode. « La communauté des tunnels et le monde d'En-bas, Vincent et ses origines... les divers éléments fantastiques. Voilà ce qui m'intéressait » (5) explique Ron Koslow, qui ne veut pas d'une énième série d'action/aventure à gimmick. Deux ans après le réseau ne donnera pas suite à un excellent pilote appelé Le Calice de Jade (Nick Knight), écrit par James D. Parriott, dont le personnage est un vampire policier (6).
LE JUSTICIER DES TENEBRES
« Vous êtes d'une rare générosité, Catherine.
- Quelque chose qui me vient de vous.
- Non, ça ne s'apprend pas. On le porte en soi. »
(Vincent et Catherine)
Ron Koslow engage comme scénariste principal le romancier de science-fiction George R.R. Martin, dont le travail sera essentiel: « Koslow était [aussi] très généreux . C'est lui qui était à l'origine de la vision initiale mais il y avait encore beaucoup de place pour créer; pour que les autres auteurs ajoutent des choses à cette vision, pour qu'ils ne se bornent pas à executer cette vision mais pour qu'ils puissent apporter leur propre contribution » (http://www.qusoor.com/Essays/Martin.htm). Martin, mais également David Peckinpah, ainsi que le tandem Howard Gordon et Alex Gansa (qui travailleront plus tard sur X-Files ou 24), vont parachever l'aspect social et la dimension fantastique de la série ébauchés par Ron Koslow dans le pilote.
« Je veux que vous sachiez que je veillerai sur lui. » (Catherine à Père)
La première moitié de la première saison de La Belle et la Bête développe la relation entre Catherine Chandler et Vincent dans le contraste entre le monde d'En-haut, brillante mais dangereuse New York aux mille périls et tentations, et l'harmonie du monde d'En-bas, dirigé avec sagesse par Père, Jacob Wells, dont le douloureux passé l'a contraint à quitter le monde d'En-haut il y a longtemps. « Ce que je t'ai enseigné sur le monde d'En-haut était dans le but de te protéger et c'était aussi pour m'aider à oublier » explique Jacob à son fils adoptif.
CBS ne voulait pas que les tunnels soient peuplés. Les scénaristes développent pourtant des personnages attachants tels que le bourru mais loyal Winslow (James Avery, avant Le Prince de Bel Air), le fidèle Pascal (Armin Shimerman) et le jeune Mouse (David Greenlee), génie de la mécanique qui a un peu de mal à intégrer les règles de vie en communauté, à fortiori celles d'En- haut. « Tous les gens d'En-haut volent. C'est pas comme ici » dit-il pour se justifier, car la tentation de se servir en matériel pour un but aussi noble soit-il est grande pour le jeune garçon.
Pour Catherine Chandler, les tentations du monde d'En-haut se manifestent en la personne d'Elliot Burch (Edward Albert, fils du comédien Eddie Albert, un remarquable acteur trop tôt disparu), le promoteur immobilier millionaire. Philanthrope, Burch est parti de zéro pour arriver aux sommets de la réussite. Il est séduisant, complexe, sincère dans ses sentiments pour Catherine mais ne recule devant rien en affaires quitte à le regretter quand elle le met devant le fait accompli en tant que membre de l'équipe du procureur ou bien à titre personnel
SHAKESPEARE IN LOVE
« Shakespeare comprend toute chose. » (Vincent)
L'idéal de la communauté des Tunnels, un monde de paix où les habitants travaillent pour le bien commun et se cultivent durant leurs loisirs a les limites de l'utopie que pose la nature humaine. Esquissée avec le personnage de Mitch, un ancien habitant du monde d'En-bas corrompu par la ville de New York au point de devenir un racketteur (« C'est la loi de la jungle. Ne me dis pas que ça n'évoque rien pour toi »), cette réalité caractérise la deuxième moitié de la première saison, avec l'introduction par les scénaristes Howard Gordon et Alex Gansa du sinistre Paracelsus. De son vrai nom John Pater, ce scientifique et philosophe est en fait le co-fondateur de la communauté mais a été banni par Père, son meilleur ami, après qu'il ait tenté de devenir le maître absolu des tunnels (« Nous aurions pu être des dieux, toi et moi »).
« Je n'ai pas peur de vous.
- Ca va venir. »
(Catherine et Paracelsus)
Mégalomane psychopathe et manipulateur, Paracelsus connaît le secret de l'origine de Vincent et compte bien lui faire perdre sa part d'humanité au profit de son côté sauvage, qui ne se manifestait véritablement jusque-là que lorsque Catherine était en danger. Méchant récurrent de la série, Paracelsus est interprété par Tony Jay, né à Londres et ex-membre de la Royal Shakespeare Company à la voix de baryton particulièrement appréciée. Ce personnage nietzschéen partage avec le Murdoc de la série MacGyver un sens théâtral digne du Fantôme de l'Opéra.
Avec la série La Belle et la Bête, Koba Films Vidéo propose un chef-d'oeuvre absolu de la télévision américaine des années 1980 servi par de très grands professionnels. Les décors ont été imaginés par le sont l'oeuvre du vétéran John B. Mansbridge, qui a travaillé pour Disney. Ceux du monde d'En-bas (la galerie des murmures, l'escalier en colimaçon, la chambre des vents, etc...) sont absolument sublimes. La magnifique musique est de Lee Holdridge et la série est l'occasion de revoir des visages familiers, tels que celui du compositeur et acteur Albert Hague, qui fut le sympathique professeur Shorofsky dans la série Fame (1982-1987), d'Eric Pierpoint (futur George Francisco de la série Alien Nation), de John Amos (Racines) ou de Bruce Abbott - alors marié avec Linda Hamilton.
Jamais le romantisme et la poésie (qu'elle soit visuelle ou sous forme de mots) n'auront trouvé terrain aussi favorable sur un grand réseau américain. Shakespeare n'est pas loin, dans les scènes de balcon, dans celles entre Vincent et Père, ou la lecture d'un sonnet. Mais d'autres auteurs sont cités ou récités: William Wordsworth, Rainer Marie Rilke, ou Coleridge et son poème Kubla Khan. « Le monde est petit » dit Devin à Vincent, le monde d'En-haut sans doute mais le monde d'En-bas n'a pas révélé tous ses secrets (« Si je ne me trompe cette partie du territoire n'est pas sous ton contrôle» dit Paracelsus à père).
Venez donc découvrir ou redécouvrir une des plus belles histoires d'amour jamais racontées. La saison 1 de La Belle et la Bête est sortie le 8 avril 2009, la saison 2 le 10 juin. Koba Films Vidéo nous les propose dans des éditions visuellement magnifiques, une constante chez cet éditeur. D'ailleurs, si vous en avez la possibilité et si ce n'est déjà fait offrez vous également les adaptations de Jane Austen sorties chez eux, et dont La Belle et la Bête est le pendant américain naturel dans le catalogue de la maison.
http://kobafilms.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=340&Itemid=47
(1) (4) Alain Carrazé et Jean-Jacques Schleret, Les Grandes séries américaines de 1970 à nos jours (Huitième Art).
(2) (5) Christophe Petit, Quand une Belle chasse l'autre. (Génération Séries N°17, Avril-Mai-Juin 1996).
(3) Destination Séries, Canal Jimmy (26 juillet 1996). A quand une sortie DVD de ces fabuleuses émissions? Oui, je sais....
(6) Il faudra attendre trois ans pour que CBS diffuse confidentiellement une série basée sur ce pilote. A savoir Le Justicier des ténèbres (Forever Knight, 1992-1996), une série géniale tournée au Canada avec un casting différent de celui du Calice de Jade et qui a quelques points communs avec La Belle et la Bête.
Recueillie par le ténébreux Vincent, elle est soignée par son sauveur au sein d'une communauté dirigée par le père adoptif de ce dernier et qui vit dans des tunnels sous la ville. Elle va découvrir que Vincent est aussi exceptionnel que les lieux qui l'abritent.
Bien avant la saga Twilight ou l'excellent True Blood, la série La Belle et la Bête (Beauty and the Beast, 1987-1990) s'illustra comme un des fleurons du romantisme fantastique. Après s'être imposé comme l'éditeur de référence de la fiction télévisuelle patrimoniale française, Koba Films Vidéo (http://thierryattard.blogspot.com/2009/03/royale-koba.html) a su avec audace sortir le meilleur de "la nouvelle fiction télé britannique" et propose depuis quelques temps de redécouvrir de grandes oeuvres de la télévision US. Sa démarche éditoriale cohérente n'exclut pas quelques "coups": ainsi la sortie DVD de Torchwood a marqué les esprits par la qualité des coffrets proposés. Et voici que Koba s'illustre de nouveau avec ce grand classique de la fiction télé américaine qu'est La Belle et la Bête.
IL ETAIT UNE FOIS... DANS LA VILLE DE NEW YORK
« Nous sommes sous la ville, sous le métro. Il y a tout un monde de tunnels dont les gens ignorent l'existence. Il n'existe pas de carte de l'endroit ou nous sommes. C'est un endroit oublié mais il y fait chaud, on y est en sécurité et nous avons toute la place nécessaire. Alors nous y vivons, nous essayons d'y vivre. » (Vincent)
La genèse de la série La Belle et la Bête remonte à un diner au cours duquel Kim LeMasters, alors président de CBS Entertainment, confie à un ami son admiration pour La Belle et la Bête, le film de Jean Cocteau (1946). Il demande à Ron Koslow, le scénariste du film Série noire pour une nuit blanche (Into the Night, 1985) de transformer ce classique du cinéma en série télévisée (1). Koslow transpose l'histoire dans un contexte contemporain et fait de la Bête un héros romantique urbain. Il y ajoute une idée inspirée par la lecture d'un article sur des gens vivant sous l'hôtel Waldorf Astoria à Manhattan et se nourrissant des restes des repas préparés par l'hôtel (2). En faisant des recherches, il apprend la présence de plus de 500 kilomètres de tunnels sous la ville de New York.
Ron Koslow imagine les deux personnages principaux de La Belle et la Bête en ayant à en tête l'actrice Linda Hamilton, qui dans Terminator (The Terminator 1984) jouait une jeune femme vulnérable endurcie par les circonstances, et l'acteur Ron Perlman, formé au théâtre classique et remarqué dans ses deux premiers films (La Guerre du feu, 1981 et Le nom de la rose, 1986) pour sa capacité à s'exprimer au travers de maquillages très élaborés. Car le maquillage de la Bête est la clé de la crédibilité de la série. Rick Baker, un des maîtres de cet art, est chargé de le concevoir.
« Lorsque vous devenez un acteur "commercial" qui travaille au cinéma et à la télévision les opportunités de jouer les classiques sont rares. Jouer la Bête était un retour à la tradition théâtrale de la Renaissance » explique Ron Perlman (3). « Je me suis trouvé sur la chaîne la plus commerciale des Etats-Unis, CBS, en prime-time, à jouer ce rôle mythique et classique au physique très particulier et à la force décuplée ». Linda Hamilton apprécie également l'opportunité artistique: « C'est une histoire d'amour de style gothique, avec pleins d'obstacles sur le chemin, et Vincent est un personnage finalement très sexy!» (4) Le très talenteux Roy Dotrice, né à Guernesey, impressionnant interprète du sinistre Troyan dans l'éphémère série Le Magicien (The Wizard, 1986), est engagé pour jouer le rôle de Père. Alias Jacob Wells, le père adoptif de Vincent.
« Elle appartient à un monde où richesse et pouvoir règnent en maître » mais Catherine Chandler ne s'y épanouit pas (« Quant je pense au droit commercial stimulant n'est pas le mot qui me vient à l'esprit »). Elle est fiancée au meilleur client de son père, le très superficiel Tom Gunther (Ray Wise - les fans de Reaper apprécieront) et sa vie remplie de mondanités la frustre de son empathie naturelle. Sa rencontre avec Vincent après une agression particulièrement cruelle marque le début de sa longue métamorphose. Dans le Monde d'En-bas, elle apprend les joies les plus simples, telle l'écoute la lecture des Grandes Espérances de Charles Dickens par Vincent, mais également l'acceptation de la différence, après sa première réaction à la vue du visage de son sauveur (« Jamais je n'ai regretté d'être comme je suis. Jusqu'à aujourd'hui »).
UN CONTE DE DEUX MONDES
« J'ai vu votre monde, je n'ai pas ma place ici. Je sais ce que je suis. Votre monde est habité par la peur et je rappelle aux hommes leurs plus grandes frayeurs.
- Leur propre ignorance.
- Leur solitude.» (Vincent)
De retour dans son monde, Catherine Chandler prend des cours d'auto-défense auprès du sympathique Isaac Stubbs (la légende de la Blaxploitation Ron O'Neal dans le pilote, puis Delroy Lindo) - « Ici on est à New York alors moi j'apprends le combat de rue de New York qui est méchant est dégueulasse » - puis elle va travailler au bureau du procureur. Vincent ne peut accepter l'idée de l'oublier malgré les réserves bienveillantes de Père, fondateur de la communauté des tunnels et père adoptif de Vincent.
« Je la connais presque autant que moi, je sais tout ce qu'elle ressent. Je sais ce qu'elle pense. Lorsqu'elle a peur, lorsqu'elle est heureuse, triste... » mais il se résout à de poignants adieux à Catherine sur le balcon de l'appartement de celle-ci. Le lien qu'il y a entre eux est néanmoins plus fort que les mondes qui les séparent et lorsque la vie de Catherine est de nouveau menaçée, Vincent traverse la ville pour la sauver. « Je fais partie de vous, Catherine. Comme vous faites partie de moi. Où que vous alliez, où que vous soyez, je serai avec vous . »
La Belle et la Bête, dont le pilote est écrit par Ron Koslow et réalisé par l'habile artisan australien du thriller Richard Franklin (Psychose II, Link) est une des créations les plus originales de la fin des années 1980 avec son dosage savant entre le conte de fée moderne et la série policière plus fédératrice. C'est d'ailleurs toujours sous le règne de Kim LeMasters à CBS, que démarre à la même période Un Flic dans la Mafia (Wiseguy, 1987-1990), autre grand classique de l'époque.
Sans doute les responsables de CBS envisagent-ils une approche conventionnelle de cette nouvelle version de La Belle et la Bête, avec Vincent sauvant Catherine au dernier acte de chaque épisode. « La communauté des tunnels et le monde d'En-bas, Vincent et ses origines... les divers éléments fantastiques. Voilà ce qui m'intéressait » (5) explique Ron Koslow, qui ne veut pas d'une énième série d'action/aventure à gimmick. Deux ans après le réseau ne donnera pas suite à un excellent pilote appelé Le Calice de Jade (Nick Knight), écrit par James D. Parriott, dont le personnage est un vampire policier (6).
LE JUSTICIER DES TENEBRES
« Vous êtes d'une rare générosité, Catherine.
- Quelque chose qui me vient de vous.
- Non, ça ne s'apprend pas. On le porte en soi. »
(Vincent et Catherine)
Ron Koslow engage comme scénariste principal le romancier de science-fiction George R.R. Martin, dont le travail sera essentiel: « Koslow était [aussi] très généreux . C'est lui qui était à l'origine de la vision initiale mais il y avait encore beaucoup de place pour créer; pour que les autres auteurs ajoutent des choses à cette vision, pour qu'ils ne se bornent pas à executer cette vision mais pour qu'ils puissent apporter leur propre contribution » (http://www.qusoor.com/Essays/Martin.htm). Martin, mais également David Peckinpah, ainsi que le tandem Howard Gordon et Alex Gansa (qui travailleront plus tard sur X-Files ou 24), vont parachever l'aspect social et la dimension fantastique de la série ébauchés par Ron Koslow dans le pilote.
« Je veux que vous sachiez que je veillerai sur lui. » (Catherine à Père)
La première moitié de la première saison de La Belle et la Bête développe la relation entre Catherine Chandler et Vincent dans le contraste entre le monde d'En-haut, brillante mais dangereuse New York aux mille périls et tentations, et l'harmonie du monde d'En-bas, dirigé avec sagesse par Père, Jacob Wells, dont le douloureux passé l'a contraint à quitter le monde d'En-haut il y a longtemps. « Ce que je t'ai enseigné sur le monde d'En-haut était dans le but de te protéger et c'était aussi pour m'aider à oublier » explique Jacob à son fils adoptif.
CBS ne voulait pas que les tunnels soient peuplés. Les scénaristes développent pourtant des personnages attachants tels que le bourru mais loyal Winslow (James Avery, avant Le Prince de Bel Air), le fidèle Pascal (Armin Shimerman) et le jeune Mouse (David Greenlee), génie de la mécanique qui a un peu de mal à intégrer les règles de vie en communauté, à fortiori celles d'En- haut. « Tous les gens d'En-haut volent. C'est pas comme ici » dit-il pour se justifier, car la tentation de se servir en matériel pour un but aussi noble soit-il est grande pour le jeune garçon.
Pour Catherine Chandler, les tentations du monde d'En-haut se manifestent en la personne d'Elliot Burch (Edward Albert, fils du comédien Eddie Albert, un remarquable acteur trop tôt disparu), le promoteur immobilier millionaire. Philanthrope, Burch est parti de zéro pour arriver aux sommets de la réussite. Il est séduisant, complexe, sincère dans ses sentiments pour Catherine mais ne recule devant rien en affaires quitte à le regretter quand elle le met devant le fait accompli en tant que membre de l'équipe du procureur ou bien à titre personnel
SHAKESPEARE IN LOVE
« Shakespeare comprend toute chose. » (Vincent)
L'idéal de la communauté des Tunnels, un monde de paix où les habitants travaillent pour le bien commun et se cultivent durant leurs loisirs a les limites de l'utopie que pose la nature humaine. Esquissée avec le personnage de Mitch, un ancien habitant du monde d'En-bas corrompu par la ville de New York au point de devenir un racketteur (« C'est la loi de la jungle. Ne me dis pas que ça n'évoque rien pour toi »), cette réalité caractérise la deuxième moitié de la première saison, avec l'introduction par les scénaristes Howard Gordon et Alex Gansa du sinistre Paracelsus. De son vrai nom John Pater, ce scientifique et philosophe est en fait le co-fondateur de la communauté mais a été banni par Père, son meilleur ami, après qu'il ait tenté de devenir le maître absolu des tunnels (« Nous aurions pu être des dieux, toi et moi »).
« Je n'ai pas peur de vous.
- Ca va venir. »
(Catherine et Paracelsus)
Mégalomane psychopathe et manipulateur, Paracelsus connaît le secret de l'origine de Vincent et compte bien lui faire perdre sa part d'humanité au profit de son côté sauvage, qui ne se manifestait véritablement jusque-là que lorsque Catherine était en danger. Méchant récurrent de la série, Paracelsus est interprété par Tony Jay, né à Londres et ex-membre de la Royal Shakespeare Company à la voix de baryton particulièrement appréciée. Ce personnage nietzschéen partage avec le Murdoc de la série MacGyver un sens théâtral digne du Fantôme de l'Opéra.
Avec la série La Belle et la Bête, Koba Films Vidéo propose un chef-d'oeuvre absolu de la télévision américaine des années 1980 servi par de très grands professionnels. Les décors ont été imaginés par le sont l'oeuvre du vétéran John B. Mansbridge, qui a travaillé pour Disney. Ceux du monde d'En-bas (la galerie des murmures, l'escalier en colimaçon, la chambre des vents, etc...) sont absolument sublimes. La magnifique musique est de Lee Holdridge et la série est l'occasion de revoir des visages familiers, tels que celui du compositeur et acteur Albert Hague, qui fut le sympathique professeur Shorofsky dans la série Fame (1982-1987), d'Eric Pierpoint (futur George Francisco de la série Alien Nation), de John Amos (Racines) ou de Bruce Abbott - alors marié avec Linda Hamilton.
Jamais le romantisme et la poésie (qu'elle soit visuelle ou sous forme de mots) n'auront trouvé terrain aussi favorable sur un grand réseau américain. Shakespeare n'est pas loin, dans les scènes de balcon, dans celles entre Vincent et Père, ou la lecture d'un sonnet. Mais d'autres auteurs sont cités ou récités: William Wordsworth, Rainer Marie Rilke, ou Coleridge et son poème Kubla Khan. « Le monde est petit » dit Devin à Vincent, le monde d'En-haut sans doute mais le monde d'En-bas n'a pas révélé tous ses secrets (« Si je ne me trompe cette partie du territoire n'est pas sous ton contrôle» dit Paracelsus à père).
Venez donc découvrir ou redécouvrir une des plus belles histoires d'amour jamais racontées. La saison 1 de La Belle et la Bête est sortie le 8 avril 2009, la saison 2 le 10 juin. Koba Films Vidéo nous les propose dans des éditions visuellement magnifiques, une constante chez cet éditeur. D'ailleurs, si vous en avez la possibilité et si ce n'est déjà fait offrez vous également les adaptations de Jane Austen sorties chez eux, et dont La Belle et la Bête est le pendant américain naturel dans le catalogue de la maison.
http://kobafilms.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=340&Itemid=47
(1) (4) Alain Carrazé et Jean-Jacques Schleret, Les Grandes séries américaines de 1970 à nos jours (Huitième Art).
(2) (5) Christophe Petit, Quand une Belle chasse l'autre. (Génération Séries N°17, Avril-Mai-Juin 1996).
(3) Destination Séries, Canal Jimmy (26 juillet 1996). A quand une sortie DVD de ces fabuleuses émissions? Oui, je sais....
(6) Il faudra attendre trois ans pour que CBS diffuse confidentiellement une série basée sur ce pilote. A savoir Le Justicier des ténèbres (Forever Knight, 1992-1996), une série géniale tournée au Canada avec un casting différent de celui du Calice de Jade et qui a quelques points communs avec La Belle et la Bête.
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