2700 m2 de plateaux à Bry sur Marne, avec 450 professionels en rotation sur le site (150 alternant sur les plateaux), 15 scénaristes travaillant sur place pour un format de 22 minutes tourné en HD, une chanson générique interprétée par une ancienne candidate de Star Academy, une campagne de marketing viral, des promos accrocheuses et un très commenté budget de 28 millions d'euros. Seconde chance, le soap quotidien lancé le 29 septembre 2008 par TF1, avait tout pour être considéré comme un des plus ambitieux paris de l'Histoire de la télévision française.
PLUS BELLE LA VIE AVEC 28 MILLIONS D'EUROS?
Pourquoi donc la première chaîne de télévision d'Europe (et leader en France) penserait qu'un Soap Opera pourraît être le ticket qui restaurerait son leadership dans une tranche horaire conquise par ses rivaux hertziens et par la télévision numérique terrestre (17h40 initialement) dans un pays où les télespectateurs n'ont pas la moindre notion de qui Luke et Laura peuvent bien être? (1) La réponse est simple: Plus belle la vie, l'équivalent français des britanniques Coronation Street ou EastEnders, ou de l'allemand Gute Zeiten, Schlechte Zeiten (GZSZ). Lancé en 2004 par France 3 dans la tranche stratégique de 20h20, face à ces institutions que sont les journaux d'information de 20h00 de TF1 et France 2. PBLV démarra avec des audiences pénibles mais France 3 avait foi en son investissement, et, après beaucoup de travail, le feuilleton quotidien devint un des programmes les plus regardés du pays - et commença à aiguiser les appétits.
Puis TF1 eut le flair d'acheter Verliebt in Berlin (2005-2007), l'adaptation allemande par Sat.1 du phénomène global né en Colombie, Yo soy Betty la fea. Les télespectateurs français firent un triomphe à ce Destin de Lisa, la romance entre Lisa Plenske et David Seidel, leur guilty pleasure N°1 de l'année 2007. La chaîne publique France 2 et la chaîne privée rivale de TF1, M6 tentèrent à leur tour de mettre à l'antenne leurs soaps quotidiens en 2008. Mais tant Cinq soeurs que Pas de secrets entre nous, conçus par la même compagnie de production (Marathon, producteur de Sous le soleil ou Totally Spies!), échouèrent à attirer le public.
Dans un tel contexte et avec un budget équivalant deux fois le coût de production de Plus belle la vie, TF1 se devait d'être prudente et testa 10 épisodes de Seconde chance auprès de panels avant de commander 180 épisodes à Alma Productions, la filliale de TF1 à l'origine de RIS (adapté d'un format italien) et de l'adaptation française de Law & Order Criminal Intent, mais aussi de L’Hôpital, sujet involontaire de plaisanteries la saison dernière - et qui a même gagné un Gérard (les Razzies français).
LE DESTIN D'ALICE
Alice Lerois, 35 ans (Caroline Veyt, une actrice belge), deux enfants, est plaquée par son mari, et doit trouver un job de toute urgence, mais son cv est une catastrophe. Alors qu'elle décroche un entretien de la dernière chance, à l'agence publicitaire Broman & Barow, elle est engagée par une des cadres, Laetitia (Isabelle Vitari), qui se trouve être une ancienne camarade de lyçée. Mais Laetitia a une idée en tête et des comptes à règler. Oui, et alors? Seconde chance empreinte les codes (clichés?) de Ugly Betty et Verliebt in Berlin réunis, depuis le personnage de la super-garce jusqu'au patron quinqua à la Alan Dale, plus des tics de RIS ou de L’Hôpital (une voix-off, des split screens, des chansons incidentes en Anglais, etc...). Et aussi des séquences surréalistes héritées de Ally McBeal, ainsi qu'une agaçante musique incidente "elfmanienne" venant tout droit de Wisteria Lane. Sans parler de répliques terribles telles que « Je suis une femme comme les autres ».
TF1 avait annulé la seconde saison de Verliebt in Berlin (Le Destin de Bruno, centrée sur le demi-frère de Lisa) à mi-parcours à cause du manque d'intérêt des télespectateurs après le départ du personnage de Lisa Plenske. Les responsables de TF1 et d'Alma ont ils pensé que la recette n'est bonne qu'avec une héroïne? La cible visée par TF1 n'est autre que la mythique ménagère de moins de 50 ans et les adolescents. Mais les adolescents regardent Alles was zählt (Le rêve de Diana), un soap allemand de Grundy UFA, sur M6. Les deux premiers épisodes de Seconde chance furent plutôt bien accueillis. Le bouche à oreilles fut d'abord favorable au sein du public visé et la chaîne semblait satisfaite des des débuts de son feuilleton.
Six mois plus tard, les audiences n'ont pas atteint ce que TF1 pouvait en attendre avec un tel budget et une telle logistique, mais personne ne voulait enterrer le soap trop tôt à cause du précédent de Plus belle la vie. En plus TF1 à dû gérer la grossesse de son actrice principale et donc remplacer Caroline Veyt par Pascale Michaud dans le rôle d'Emilie Marceau - à partir de l'épisode 100 (et avec un générique modifié). Maintenant, à l'approche de la fin de la saison, Seconde chance s'apprête à rejoindre le Mémorial des expériences hasardeuses en matière de Soap Operas, auprès de perles comme le très "camp" Riviera (1991, une coûteuse co-production américano-française), Affaires étrangères (Foreign Affairs, 1992, une co-production entre la Hollande, le Canada et... l'Argentine!), Secrets (1992) (2) ou Eldorado, de la BBC (1992-1993).
Les clés pour un bon soap sont des personnages forts, des acteurs virtuoses (3), un facteur d'identification mais des intrigues exagérées voire hyperboliques tout en étant contenues dans le cadre de l'environnement défini par le programme... le tout pour un coût raisonnable. TF1 devrait s'en tenir aux formules de ses "dramédies" à succès: l'inégal Joséphine Ange gardien et le léger, drôle et efficace Père et maire (ABC ou NBC devraient prendre en considération l'idée d'acheter le format de cette série), plutôt que de tenter de dupliquer Ugly Betty, Grey's Anatomy ou Les experts d'une façon ou d'une autre.
(1) Luke et Laura Spencer dans Hôpital central/Alliances et trahisons (http://thierryattard.blogspot.com/2008/05/alliances-et-trahisons-sur-tf1-terreur.html), LE couple de l'Histoire du Soap Opera.
(2) Sky du Mont à propos de Secrets: http://thierryattard.blogspot.com/2008/05/sky-du-mont.html.
(3) Dans l'univers du soap à la française, le charismatique Alexandre Fabre - Charles Frémont dans Plus belle la vie - est l'incarnation du virtuose. Physique mis à part, il est l'équivalent français de Joseph Mascolo (Stefano DiMera dans Des jours et des vies).
PLUS BELLE LA VIE AVEC 28 MILLIONS D'EUROS?
Pourquoi donc la première chaîne de télévision d'Europe (et leader en France) penserait qu'un Soap Opera pourraît être le ticket qui restaurerait son leadership dans une tranche horaire conquise par ses rivaux hertziens et par la télévision numérique terrestre (17h40 initialement) dans un pays où les télespectateurs n'ont pas la moindre notion de qui Luke et Laura peuvent bien être? (1) La réponse est simple: Plus belle la vie, l'équivalent français des britanniques Coronation Street ou EastEnders, ou de l'allemand Gute Zeiten, Schlechte Zeiten (GZSZ). Lancé en 2004 par France 3 dans la tranche stratégique de 20h20, face à ces institutions que sont les journaux d'information de 20h00 de TF1 et France 2. PBLV démarra avec des audiences pénibles mais France 3 avait foi en son investissement, et, après beaucoup de travail, le feuilleton quotidien devint un des programmes les plus regardés du pays - et commença à aiguiser les appétits.
Puis TF1 eut le flair d'acheter Verliebt in Berlin (2005-2007), l'adaptation allemande par Sat.1 du phénomène global né en Colombie, Yo soy Betty la fea. Les télespectateurs français firent un triomphe à ce Destin de Lisa, la romance entre Lisa Plenske et David Seidel, leur guilty pleasure N°1 de l'année 2007. La chaîne publique France 2 et la chaîne privée rivale de TF1, M6 tentèrent à leur tour de mettre à l'antenne leurs soaps quotidiens en 2008. Mais tant Cinq soeurs que Pas de secrets entre nous, conçus par la même compagnie de production (Marathon, producteur de Sous le soleil ou Totally Spies!), échouèrent à attirer le public.
Dans un tel contexte et avec un budget équivalant deux fois le coût de production de Plus belle la vie, TF1 se devait d'être prudente et testa 10 épisodes de Seconde chance auprès de panels avant de commander 180 épisodes à Alma Productions, la filliale de TF1 à l'origine de RIS (adapté d'un format italien) et de l'adaptation française de Law & Order Criminal Intent, mais aussi de L’Hôpital, sujet involontaire de plaisanteries la saison dernière - et qui a même gagné un Gérard (les Razzies français).
LE DESTIN D'ALICE
Alice Lerois, 35 ans (Caroline Veyt, une actrice belge), deux enfants, est plaquée par son mari, et doit trouver un job de toute urgence, mais son cv est une catastrophe. Alors qu'elle décroche un entretien de la dernière chance, à l'agence publicitaire Broman & Barow, elle est engagée par une des cadres, Laetitia (Isabelle Vitari), qui se trouve être une ancienne camarade de lyçée. Mais Laetitia a une idée en tête et des comptes à règler. Oui, et alors? Seconde chance empreinte les codes (clichés?) de Ugly Betty et Verliebt in Berlin réunis, depuis le personnage de la super-garce jusqu'au patron quinqua à la Alan Dale, plus des tics de RIS ou de L’Hôpital (une voix-off, des split screens, des chansons incidentes en Anglais, etc...). Et aussi des séquences surréalistes héritées de Ally McBeal, ainsi qu'une agaçante musique incidente "elfmanienne" venant tout droit de Wisteria Lane. Sans parler de répliques terribles telles que « Je suis une femme comme les autres ».
TF1 avait annulé la seconde saison de Verliebt in Berlin (Le Destin de Bruno, centrée sur le demi-frère de Lisa) à mi-parcours à cause du manque d'intérêt des télespectateurs après le départ du personnage de Lisa Plenske. Les responsables de TF1 et d'Alma ont ils pensé que la recette n'est bonne qu'avec une héroïne? La cible visée par TF1 n'est autre que la mythique ménagère de moins de 50 ans et les adolescents. Mais les adolescents regardent Alles was zählt (Le rêve de Diana), un soap allemand de Grundy UFA, sur M6. Les deux premiers épisodes de Seconde chance furent plutôt bien accueillis. Le bouche à oreilles fut d'abord favorable au sein du public visé et la chaîne semblait satisfaite des des débuts de son feuilleton.
Six mois plus tard, les audiences n'ont pas atteint ce que TF1 pouvait en attendre avec un tel budget et une telle logistique, mais personne ne voulait enterrer le soap trop tôt à cause du précédent de Plus belle la vie. En plus TF1 à dû gérer la grossesse de son actrice principale et donc remplacer Caroline Veyt par Pascale Michaud dans le rôle d'Emilie Marceau - à partir de l'épisode 100 (et avec un générique modifié). Maintenant, à l'approche de la fin de la saison, Seconde chance s'apprête à rejoindre le Mémorial des expériences hasardeuses en matière de Soap Operas, auprès de perles comme le très "camp" Riviera (1991, une coûteuse co-production américano-française), Affaires étrangères (Foreign Affairs, 1992, une co-production entre la Hollande, le Canada et... l'Argentine!), Secrets (1992) (2) ou Eldorado, de la BBC (1992-1993).
Les clés pour un bon soap sont des personnages forts, des acteurs virtuoses (3), un facteur d'identification mais des intrigues exagérées voire hyperboliques tout en étant contenues dans le cadre de l'environnement défini par le programme... le tout pour un coût raisonnable. TF1 devrait s'en tenir aux formules de ses "dramédies" à succès: l'inégal Joséphine Ange gardien et le léger, drôle et efficace Père et maire (ABC ou NBC devraient prendre en considération l'idée d'acheter le format de cette série), plutôt que de tenter de dupliquer Ugly Betty, Grey's Anatomy ou Les experts d'une façon ou d'une autre.
(1) Luke et Laura Spencer dans Hôpital central/Alliances et trahisons (http://thierryattard.blogspot.com/2008/05/alliances-et-trahisons-sur-tf1-terreur.html), LE couple de l'Histoire du Soap Opera.
(2) Sky du Mont à propos de Secrets: http://thierryattard.blogspot.com/2008/05/sky-du-mont.html.
(3) Dans l'univers du soap à la française, le charismatique Alexandre Fabre - Charles Frémont dans Plus belle la vie - est l'incarnation du virtuose. Physique mis à part, il est l'équivalent français de Joseph Mascolo (Stefano DiMera dans Des jours et des vies).
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