vendredi 12 décembre 2008

LES MEMOIRES DE ROGER MOORE: AMICALEMENT VÔTRE (L'ARCHIPEL) [2/2]

Remerciements à François JUSTAMAND, Claude ROUYER et Nathalie ATTARD

[Note: Au regard de la richesse exceptionnelle de la carrière de Roger Moore et de l'intérêt de cet excellent livre, cet article est en deux parties. La première partie est ici: http://thierryattard.blogspot.com/2008/12/les-memoires-de-roger-moore-amicalement.html]

« Après tout il s'agit de mon autobiographie, donc de moi: d'un homme sophistiqué, modeste, doué, modeste, débonnaire, modeste et charmant - au sujet de qui il y a tant à raconter... »

LE CAS DE M. PELHAM

« Quand on me parle de ce film aujourd'hui, je réponds toujours que c'est l'un des seuls où l'on m'ait laissé jouer. » (Roger Moore à propos du film La seconde mort d'Harold Pelham)

En 1968-1969, alors que la série Le Saint (débutée en 1962) s'achève au terme de 118 épisodes, Roger Moore et Robert S. Baker, son associé au sein de Bamore Productions et de Tribune, signent un accord avec la United Artists pour produire des films qui seront distribués par cette compagnie. Le premier est Double Jeu (Crossplot, 1969), réalisé par Alvin Rakoff - le réalisateur de l'épisode du Saint intitulé Le Roi [voir la première partie de cet article, NDA]. Le film hérite de la majeure partie de l'équipe technique de la série, un mois après la fin du tournage de cette dernière.

Le scénario, signé Leigh Vance et John Kruse, familiers des aventures de Simon Templar, fait de Moore un publicitaire qui en engageant un mannequin hongrois se retrouve au coeur d'une vaste conspiration. La distribution est extraordinaire: Alexis Kanner (le Numéro 48 de la série Le Prisonnier), Francis Matthews (Capitaine Scarlet et les Mysterons de Mars, Paul Temple), Veronica Carlson (une des égéries de la Hammer et habituée des séries ITC) et surtout Bernard Lee, le M des James Bond.

Double Jeu, malgré de très bons moments (1), est un échec qui incite la United Artists à ne pas poursuivre son deal avec Baker et Moore. Sans doute le fait que le distributeur ait axé toute sa promotion sur la notoriété du Saint a t'-il contribué à ce résultat. Moore se voit proposer par EMI (ex ABPC), l'adaptation d'une nouvelle d'Anthony Armstrong, The Case of Mr Pelham (déjà adaptée en 1955 pour un épisode de la série Alfred Hitchcock présente). Réalisé par Basil Dearden (le délirant et génial Assassinats en tous genres/The Assasination Bureau) La seconde mort d'Harold Pelham (The Man who haunted himself, 1970) offre à Roger Moore un des plus grands rôles de sa carrière et rappelle combien le talent de l'acteur vaut bien plus que l'éternel personnage de héros séducteur dans lequel il fut cantonné.

POUR LA REINE ET POUR L'ANGLETERRE

« Mon petit Roger, me dit-il d'un air penaud, je crois que j'ai commis un impair. J'ai traité Joan [Collins] de conne. » (Tony Curtis)

Esquissé dans un des derniers épisodes du Saint, le concept d'Amicalement Vôtre (The Persuaders) est vendu en 1970 par Lew Grade, le patron d'ITC, avec Roger Moore comme premier rôle... sans qu'il lui en ait parlé au préalable! « Le pays a besoin d'argent. Pense à la reine » lance à l'acteur l'exubérant magnat avant de le convaincre avec un très gros chèque, mais Moore ne veut pas s'engager pour plusieurs saisons. Tony Curtis est choisi pour jouer à ses côtés dans la série britannique la plus chère jamais produite à l'époque, avec un tournage en 35 mm dans le sud de la France et au Royaume-Uni. A une telle échelle le succès sur le marché US est vital, or si The Persuaders est un succès en Europe (spécialement en France et en Allemagne), le réseau américain ABC diffuse la série aux Etats-Unis face à un Mission Impossible pourtant déclinant mais qui remporte le match des audiences.

Roger Moore devient ensuite pdg de Brut Films, filiale cinéma de Fabergé, mais Harry Saltzman et Albert "Cubby" Broccoli lui font une proposition qu'il ne peut refuser: succèder à Sean Connery (et à George Lazenby) dans le rôle de James Bond. Lew Grade lui fait alors cette prédiction: « tu vas foutre ta carrière en l'air! »... mais Moore endossera sept fois le smoking de l'agent 007 entre 1973 et 1985. Entre les Bond il tourne entre autres deux adaptations de l'oeuvre du romancier Wilbur Smith pour le producteur Michael Klinger (La loi du Milieu) : Gold (1974) et Parole d'Homme (Shout at the Devil, 1976), des perles du cinéma d'action pre-Die Hard comme Les Oies sauvages (The Wild Geese, 1978) ou Les Loups de Haute mer (North Sea Hijack, 1979). Il se parodie avec classe dans L'équipée du Cannonball (The Cannonball Run, 1981) et "remplace" Peter Sellers dans le rôle de Clouseau dans L'héritier de la Panthère rose (2) (Curse of the Pink Panther, 1983).

« Et c'est à moi que l'on reproche de vouloir rendre Bond amusant! » L'interprétation de James Bond par Roger Moore fait l'objet de nombreuses critiques tandis que l'acteur est soucieux d'être un minimum crédible en choisissant de ne pas le jouer à la manière de son plus illustre prédecesseur, Sean Connery (ce qu'il a visiblement du mal à faire dans Vivre et laisser mourir et L'homme au pistolet d'or). Son Bond est plus débonnaire, charmeur et humoristique (à la manière de Dean Martin en Matt Helm, chansonnette en moins), même si L'Espion qui m'aimait (The Spy who loved me, 1977) et surtout Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981) lui offrent de grands moments dramatiques.

L'ESPION QU'ON AIMAIT

« Au moment où la musique du générique retentit, sur l'ouverture du parachute aux couleurs de l'Union Jack, les spectateurs nous firent une standing ovation comme je n'en avais jamais vu. Je me sentis soudain très fier, et heureux de voir l'énorme sourire sur le visage de Cubby. »

Tout James Bond, si ce n'est tout Roger Moore peut se résumer au travers de la formidable scène d'ouverture de L'Espion qui m'aimait: 007, après un moment passé dans un chalet avec une superbe créature, échappe à des tueurs lors d'une poursuite à ski - qui fait encore référence aujourd'hui - et saute d'une falaise pour s'en tirer avec ce fameux parachute caché dans son dos. Nobody does it better, Moore est la quintessence de cet esprit britannique qui consiste à faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.

L'homme a su imprégner James Bond de sa modestie et de son propre sens de l'humour. Depuis 007 il a essayé de monter, en tant que producteur une adaptation du roman Taï-Pan de James Clavell et est apparu dans quelques films ou séries où sa simple participation suffit à évoquer immédiatement l'aura des héros qu'il a incarné à la télévision ou au cinéma. Mais un de ses plus beaux rôles demeurera celui d'ambassadeur de l'UNICEF (le Fonds des Nations unies pour l'enfance): Roger Moore met sa notoriété au service de la noble cause de l'enfance depuis 1991, après que l'actrice et femme de coeur Audrey Hepburn l'ait invité à rejoindre cette organisation.

Noble chevalier puis chevalier errant, puis Lord à la télévision, Sir Roger Moore a été anobli par la Reine dans le monde réel. Sa popularité demeure intacte à ce jour comme en témoigne l'accueil qu'il a reçu lors de la tournée promotionnelle de ses mémoires, notamment en France, où il a été célébré par Michel Drucker, animateur qui bien des années auparavant l'avait reçu pour des émissions consacrées à James Bond et dont les fans français se souviennent.

Amicalement Vôtre (My Word is My Bond) est un livre passionnant, drôle et généreux, truffé d'anecdotes humoristiques ou sensibles sur toutes les personnalités que Roger Moore a croisé lors d'une vie et d'une carrière bien remplies: « Si je n'ai rien de sympathique à raconter sur quelqu'un je préfère m'abstenir. Sauf si mon éditeur insiste lourdement! » L'ouvrage est à l'image de son auteur et de ce qu'il a légué à l'écran ou hors écran, et point n'est besoin d'être cinéphile ou téléphile pour l'apprécier. Il suffit simplement de vouloir rencontrer un homme remarquable.

Amicalement Vôtre - Mémoires de Roger Moore (L'Archipel, 22 euros)

(1) Notamment le superbe générique interprété par John Rowles sur des images de Chambers + Partners, la société responsable du générique de la série Département S.

(2) http://thierryattard.blogspot.com/2008/06/pleins-feux-sur-la-panthere-rose.html

1 commentaire:

Unknown a dit…

Tombée par hasard sur votre blog ... et je ne le regrette pas. Belle synthèse et critique de l'ouvrage de Roger Moore

Marie-France Vienne (roger-moore.com)