Remerciements à François JUSTAMAND et Claude ROUYER
[Note: Au regard de la richesse exceptionnelle de la carrière de Roger Moore et de l'intérêt de cet excellent livre, cet article est en deux parties]
« Après tout il s'agit de mon autobiographie, donc de moi: d'un homme sophistiqué, modeste, doué, modeste, débonnaire, modeste et charmant - au sujet de qui il y a tant à raconter... »
S'il y a un homme qui personnifie la télévision et le cinéma populaire de ces cinquante dernières années, c'est bien Roger Moore. L'acteur britannique fut à la télévision Ivanhoé, mais aussi le fameux Simon Templar (dit Le Saint) ainsi que Lord Brett Sinclair, ce qui aurait pu suffire a faire de lui un monument. Mais il fut également au cinéma James Bond dans sept films qui ont largement contribué à inscrire l'agent 007 dans le patrimoine culturel du monde occidental.
Autant dire que les mémoires de cette incarnation définitive du gentleman-héros séducteur, intitulées en Anglais My Word is My Bond (Amicalement Vôtre, publié aux Editions L'Archipel), étaient attendues à plus d'un titre et raviront autant les téléphiles ou cinéphiles, que celles et ceux qui sont toujours enchantés de revoir cet humaniste, distingué, sans la moindre once de prétention, et plein d'humour, qui se prétend paresseux et confesse son hypocondrie (« la maladie est un thème récurrent chez moi...»)
THE KID STAYS IN THE PICTURE
« Maman! Maman! Je vais être Stewart Granger! »
Roger Moore est né le 14 octobre 1927 à Stockwell, au sud de Londres, d'un père policier et d'une mère caissière (« Dès leur première tentative mes parents avaient atteint la perfection »). Doué pour le dessin, il débute adolescent sa vie professionnelle en 1943 comme animateur stagiaire chez Publicity Picture Production (PPP) en plein deuxième conflit mondial. Au gré de ses fonctions il croise au service cinématographique des armées le lieutenant-colonel David Niven, qui deviendra beaucoup plus tard un ami. En 1945, figurant sur César et Cléopatre (Caesar and Cleopatra), il est remarqué par le premier assistant réalisateur du film, l'irlandais Brian Desmond Hurst, qui l'envoie se former à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art (RADA).
Il connaît le chômage après sa période militaire et obtient des petits rôles au théâtre, devient ami avec Christopher Lee et fait un peu de télévision pour la BBC, à Alexandra Palace. Après quelques vicissitudes d'acteur débutant, il est pris sous contrat à Hollywood, par la Metro-Goldwyn-Mayer. Il y rencontre quelques unes des grandes vedettes de l'époque, dont George Sanders - premier interprète du Saint, le héros des romans de Leslie Charteris, dans plusieurs films (et qui se suicidera en 1972, comme il en avait confié l'intention à David Niven en 1937).
En 1956, Roger Moore endosse pour la première fois l'armure de la légende télévisuelle en devenant Ivanhoé dans la série éponyme en noir et blanc, dont le pilote fut tourné en couleur. Un de ses partenaires, Robert Brown, jouera plus tard son supérieur, M, dans ses deux derniers James Bond. Lorsque la série se termine, le père de Moore lui suggère de prendre les droits de The Toff, personnage des romans de John Creasey (créateur du Baron sous le nom d'Anthony Morton) ou du Saint de Charteris. Cela ne se fait pas mais l'acteur n'en a pas fini pour autant avec Simon Templar...
LEGEND OF THE WEST
« Comme disait mon vieux papa... » (Bret Maverick, entre autres)
1958, Roger Moore signe avec Warner Brothers un contrat de sept ans et tourne le film Quand la terre brule (The Miracle), mais "la" Warner est en train de s'imposer sur le marché de la télévision avec une véritable "usine à séries" employant des acteurs maison. Sa série Cheyenne (1955-1962), avec Clint Walker fait un carton et inaugure une longue lignée de westerns hebdomadaires à la télévision américaine. Warner Brothers lance plusieurs séries à succès dont 77 Sunset Strip (1958-1964), Les yeux d'Hawaï/Intrigues à Hawaï (Hawaiian Eye, 1959-1963, avec Robert Conrad), Surfside 6 (1960-1962) et surtout l'excellente série western Maverick (1957-1962).
Tous ces titres ont la particularité de se partager les mêmes studios, les mêmes compositeurs, les mêmes réalisateurs, parfois les mêmes scénarii (voire des répliques entières!) et bien entendu les acteurs tournant sur une série sont invités à passer allègrement sur une autre et inversement (ce qui donne parfois lieu aux premiers cross-overs de l'Histoire de la Télévision). Moore, dont le contrat stipule qu'il pourrait "peut-être" faire de la télé, se voit proposer d'apparaître dans un épisode de Maverick en tant que John Vandergelt, face à Bret Maverick (« légende de l'Ouest », comme l'affirme le générique), le (anti)héros interprété par James Garner.
Warner fait ensuite de Roger Moore la vedette de The Alaskans (1959-1969), avant de le reprendre dans Maverick en tant que Beau Maverick, le cousin de Bret et Bart (Jack Kelly), longtemps expatrié en Angleterre. L'idée est en fait de remplacer le très populaire Garner, à couteaux tirés avec le studio. Moore se joint à lui et à Clint Walker pour revendiquer de meilleurs conditions de travail (« Nous rencontrâmes Ronald Reagan, alors directeur de la Screen Actors Guild, mais ce dernier, en dépit de nos arguments, ne nous prêta qu'une oreille polie »). En réaction à cette démarche, Warner Brothers installe une pointeuse dans la salle de maquillage!
LE FAMEUX SIMON TEMPLAR
« Tous mes programmes sont excellents. Il y en a de mauvais, mais ils sont tous excellents. » (Lew Grade)
A la fin de son contrat, en 1961, Roger Moore retourne en Europe et tourne à Rome L'enlèvement des Sabines sous la direction de Richard Pottier (« Je me demande encore si un Anglo-Saxon blond aux yeux bleus était le choix le plus judicieux pour incarner Romulus, élevé par une louve mais puisqu'ils me payaient... ») Les producteurs Robert S. Baker et Monty Berman ont les droits des aventures du Saint et sont associés à Lew Grade, le puissant patron d'ITC (Les Aventures de Robin des bois, L'Homme invisible et Destination Danger), pour en faire une série télévisée. Moore est choisi sans faire d'essai, il s'imagine que la série durera une saison... elle durera sept années et fera de lui une star mondiale: « Ce fut une période très heureuse pendant laquelle je pus jouer un rôle taillé pour mes capacités limitées. »
Roger Moore tourne aux studios d'Associated British Picture Corporation, à Elstree, avec de nombreux acteurs invités dont certains deviendront des vedettes, comme Oliver Reed, le neveu du réalisateur Carol Reed. Il réalisera même des épisodes de la série, aidé en cela par la carte de membre de l'ACTT (1), le syndicat des techniciens, auquel il s'était inscrit en entrant chez PPP. Après 71 épisodes en noir et blanc et alors que la série est enfin vendue à un réseau de télévision américain, à savoir NBC - Le Saint était jusqu'alors diffusé là-bas sur les chaînes de Syndication, Lew Grade propose à Moore de poursuivre l'aventure en couleur mais l'acteur, comme Bob Baker en fait (il l'apprendra après), ne souhaite plus travailler avec Monty Berman.
Bob Baker se sépare à l'amiable de Monty Berman après lui avoir proposé de produire, à la place du Saint, une série d'après des romans du très prolifique John Creasey - auteur que Baker et lui avaient déjà adapté en 1965, avec Gideon's Way: Alias Le Baron (The Baron, 1966-1967). Berman fait de John Mannering, alias... Le Baron (interprété par l'Américain Steve Forrest), une copie conforme de Simon Templar. Il s'associera plus tard au scénariste Dennis Spooner pour produire des séries ITC comme Les Champions, Département S et sa suite Le Mystérieux Jason King (avec le grand Peter Wyngarde), Mon ami le Fantôme et L'Aventurier. Fin 1968 et au terme de 118 épisodes, Roger Moore et Bob Baker - partenaires au sein de la Bamore Productions - estiment avoir épuisé les aventures exotiques de Templar mais se livrent à un intéressant exercice de style avec l'épisode Le Roi (The Ex-King of Diamond). Le Saint y fait équipe avec Rod Huston, un milliardaire texan interprété par Stuart Damon (ex-Les Champions) dans une histoire qui servira de "brouillon" à la série Amicalement Vôtre...
(Fin de la première partie mais Roger Moore reviendra)
Amicalement Vôtre - Mémoires de Roger Moore (L'Archipel, 22 euros)
(1) Association of Cinema Technicians. Voir http://www.transdiffusion.org/emc/insidetv/history/union.php
Deuxième partie: http://thierryattard.blogspot.com/2008/12/les-memoires-de-roger-moore-amicalement_12.html
« Après tout il s'agit de mon autobiographie, donc de moi: d'un homme sophistiqué, modeste, doué, modeste, débonnaire, modeste et charmant - au sujet de qui il y a tant à raconter... »
S'il y a un homme qui personnifie la télévision et le cinéma populaire de ces cinquante dernières années, c'est bien Roger Moore. L'acteur britannique fut à la télévision Ivanhoé, mais aussi le fameux Simon Templar (dit Le Saint) ainsi que Lord Brett Sinclair, ce qui aurait pu suffire a faire de lui un monument. Mais il fut également au cinéma James Bond dans sept films qui ont largement contribué à inscrire l'agent 007 dans le patrimoine culturel du monde occidental.
Autant dire que les mémoires de cette incarnation définitive du gentleman-héros séducteur, intitulées en Anglais My Word is My Bond (Amicalement Vôtre, publié aux Editions L'Archipel), étaient attendues à plus d'un titre et raviront autant les téléphiles ou cinéphiles, que celles et ceux qui sont toujours enchantés de revoir cet humaniste, distingué, sans la moindre once de prétention, et plein d'humour, qui se prétend paresseux et confesse son hypocondrie (« la maladie est un thème récurrent chez moi...»)
THE KID STAYS IN THE PICTURE
« Maman! Maman! Je vais être Stewart Granger! »
Roger Moore est né le 14 octobre 1927 à Stockwell, au sud de Londres, d'un père policier et d'une mère caissière (« Dès leur première tentative mes parents avaient atteint la perfection »). Doué pour le dessin, il débute adolescent sa vie professionnelle en 1943 comme animateur stagiaire chez Publicity Picture Production (PPP) en plein deuxième conflit mondial. Au gré de ses fonctions il croise au service cinématographique des armées le lieutenant-colonel David Niven, qui deviendra beaucoup plus tard un ami. En 1945, figurant sur César et Cléopatre (Caesar and Cleopatra), il est remarqué par le premier assistant réalisateur du film, l'irlandais Brian Desmond Hurst, qui l'envoie se former à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art (RADA).
Il connaît le chômage après sa période militaire et obtient des petits rôles au théâtre, devient ami avec Christopher Lee et fait un peu de télévision pour la BBC, à Alexandra Palace. Après quelques vicissitudes d'acteur débutant, il est pris sous contrat à Hollywood, par la Metro-Goldwyn-Mayer. Il y rencontre quelques unes des grandes vedettes de l'époque, dont George Sanders - premier interprète du Saint, le héros des romans de Leslie Charteris, dans plusieurs films (et qui se suicidera en 1972, comme il en avait confié l'intention à David Niven en 1937).
En 1956, Roger Moore endosse pour la première fois l'armure de la légende télévisuelle en devenant Ivanhoé dans la série éponyme en noir et blanc, dont le pilote fut tourné en couleur. Un de ses partenaires, Robert Brown, jouera plus tard son supérieur, M, dans ses deux derniers James Bond. Lorsque la série se termine, le père de Moore lui suggère de prendre les droits de The Toff, personnage des romans de John Creasey (créateur du Baron sous le nom d'Anthony Morton) ou du Saint de Charteris. Cela ne se fait pas mais l'acteur n'en a pas fini pour autant avec Simon Templar...
LEGEND OF THE WEST
« Comme disait mon vieux papa... » (Bret Maverick, entre autres)
1958, Roger Moore signe avec Warner Brothers un contrat de sept ans et tourne le film Quand la terre brule (The Miracle), mais "la" Warner est en train de s'imposer sur le marché de la télévision avec une véritable "usine à séries" employant des acteurs maison. Sa série Cheyenne (1955-1962), avec Clint Walker fait un carton et inaugure une longue lignée de westerns hebdomadaires à la télévision américaine. Warner Brothers lance plusieurs séries à succès dont 77 Sunset Strip (1958-1964), Les yeux d'Hawaï/Intrigues à Hawaï (Hawaiian Eye, 1959-1963, avec Robert Conrad), Surfside 6 (1960-1962) et surtout l'excellente série western Maverick (1957-1962).
Tous ces titres ont la particularité de se partager les mêmes studios, les mêmes compositeurs, les mêmes réalisateurs, parfois les mêmes scénarii (voire des répliques entières!) et bien entendu les acteurs tournant sur une série sont invités à passer allègrement sur une autre et inversement (ce qui donne parfois lieu aux premiers cross-overs de l'Histoire de la Télévision). Moore, dont le contrat stipule qu'il pourrait "peut-être" faire de la télé, se voit proposer d'apparaître dans un épisode de Maverick en tant que John Vandergelt, face à Bret Maverick (« légende de l'Ouest », comme l'affirme le générique), le (anti)héros interprété par James Garner.
Warner fait ensuite de Roger Moore la vedette de The Alaskans (1959-1969), avant de le reprendre dans Maverick en tant que Beau Maverick, le cousin de Bret et Bart (Jack Kelly), longtemps expatrié en Angleterre. L'idée est en fait de remplacer le très populaire Garner, à couteaux tirés avec le studio. Moore se joint à lui et à Clint Walker pour revendiquer de meilleurs conditions de travail (« Nous rencontrâmes Ronald Reagan, alors directeur de la Screen Actors Guild, mais ce dernier, en dépit de nos arguments, ne nous prêta qu'une oreille polie »). En réaction à cette démarche, Warner Brothers installe une pointeuse dans la salle de maquillage!
LE FAMEUX SIMON TEMPLAR
« Tous mes programmes sont excellents. Il y en a de mauvais, mais ils sont tous excellents. » (Lew Grade)
A la fin de son contrat, en 1961, Roger Moore retourne en Europe et tourne à Rome L'enlèvement des Sabines sous la direction de Richard Pottier (« Je me demande encore si un Anglo-Saxon blond aux yeux bleus était le choix le plus judicieux pour incarner Romulus, élevé par une louve mais puisqu'ils me payaient... ») Les producteurs Robert S. Baker et Monty Berman ont les droits des aventures du Saint et sont associés à Lew Grade, le puissant patron d'ITC (Les Aventures de Robin des bois, L'Homme invisible et Destination Danger), pour en faire une série télévisée. Moore est choisi sans faire d'essai, il s'imagine que la série durera une saison... elle durera sept années et fera de lui une star mondiale: « Ce fut une période très heureuse pendant laquelle je pus jouer un rôle taillé pour mes capacités limitées. »
Roger Moore tourne aux studios d'Associated British Picture Corporation, à Elstree, avec de nombreux acteurs invités dont certains deviendront des vedettes, comme Oliver Reed, le neveu du réalisateur Carol Reed. Il réalisera même des épisodes de la série, aidé en cela par la carte de membre de l'ACTT (1), le syndicat des techniciens, auquel il s'était inscrit en entrant chez PPP. Après 71 épisodes en noir et blanc et alors que la série est enfin vendue à un réseau de télévision américain, à savoir NBC - Le Saint était jusqu'alors diffusé là-bas sur les chaînes de Syndication, Lew Grade propose à Moore de poursuivre l'aventure en couleur mais l'acteur, comme Bob Baker en fait (il l'apprendra après), ne souhaite plus travailler avec Monty Berman.
Bob Baker se sépare à l'amiable de Monty Berman après lui avoir proposé de produire, à la place du Saint, une série d'après des romans du très prolifique John Creasey - auteur que Baker et lui avaient déjà adapté en 1965, avec Gideon's Way: Alias Le Baron (The Baron, 1966-1967). Berman fait de John Mannering, alias... Le Baron (interprété par l'Américain Steve Forrest), une copie conforme de Simon Templar. Il s'associera plus tard au scénariste Dennis Spooner pour produire des séries ITC comme Les Champions, Département S et sa suite Le Mystérieux Jason King (avec le grand Peter Wyngarde), Mon ami le Fantôme et L'Aventurier. Fin 1968 et au terme de 118 épisodes, Roger Moore et Bob Baker - partenaires au sein de la Bamore Productions - estiment avoir épuisé les aventures exotiques de Templar mais se livrent à un intéressant exercice de style avec l'épisode Le Roi (The Ex-King of Diamond). Le Saint y fait équipe avec Rod Huston, un milliardaire texan interprété par Stuart Damon (ex-Les Champions) dans une histoire qui servira de "brouillon" à la série Amicalement Vôtre...
(Fin de la première partie mais Roger Moore reviendra)
Amicalement Vôtre - Mémoires de Roger Moore (L'Archipel, 22 euros)
(1) Association of Cinema Technicians. Voir http://www.transdiffusion.org/emc/insidetv/history/union.php
Deuxième partie: http://thierryattard.blogspot.com/2008/12/les-memoires-de-roger-moore-amicalement_12.html
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