lundi 27 avril 2009

CLOUGH (ITV1)

Remerciements spéciaux à Laura Wootton et Eric Salou

Il n'est pas nécessaire d'être fan de football pour comprendre que Brian Clough (1935-2004), le manager légendaire, fait partie intégrante de la culture britannique (1). The Damned United, un film sur les 44 jours de Clough en charge de Leeds United - d'après un livre controversé de David Peace - l'a rappelé récemment (
http://cathoderaytube.blogspot.com/2009/04/damned-united.html).

Clough, un magnifique documentaire d'ITV Sport (produit et réalisé par Gabriel Clarke, John McKenna et James Williams), est un contrepoint au biopic avec Michael Sheen. Un superbe hommage à ce que Brian Clough a légué, incluant des entretiens de qualité avec ceux qui l'ont vraiment connu: sa famille, ses amis et d'anciens collègues (Geoffrey Boycott OBE, Martin O’Neill, Roy McFarland, John McGovern, Peter Lorimer, Johnny Giles ou Gordon McQueen). « Voici Clough, l'après-vie de Brian » dit le narrateur Pete Postlethwaite OBE.


« Le joueur insatisfait fait pour être le brillant manager »: comme joueur Brian Clough marqua 251 buts sur 274 matchs (un record d'après-guerre), principalement en seconde division. Il joua deux fois dans l'équipe d'Angleterre au cours d'une carrière interrompue par une blessure. En 1965, il devint à l'âge de 30 ans le plus jeune manager de la Football League, avec le club de quatrième division Hartlepool (http://news.bbc.co.uk/sport2/hi/football/1576977.stm). « Beaucoup pensent qu'ils peuvent devenir manager de haut niveau comme ça. At Hartlepool il pensait qu'il devait apprendre son nouveau job » explique Barbara Clough, son épouse, dans le documentaire. C'est à cet époque que débuta son partenariat de management avec Peter Taylor en assistant manager.

LES FAISEURS DE MIRACLES

« Il prenait son football vraiment très au sérieux et il était vraiment reconnaissant d'avoir la chance de jouer au football. » (Barbara Clough)

Avec le loyal Taylor a ses côtés, Clough commença à réellement montrer sa magie avec Derby County, champion de seconde division deux ans après son arrivée, et façonna petit à petit son image: une combinaison entre un management avisé et du charisme, de l'esprit, une confiance en soi hyperbolique et un zeste d'excentricité. « L'estime de soi et l'arrogance font partie de l'apparence d'un homme. Peut-être que j'en ai trop» avouait Brian Clough avec une grande honnêteté intellectuelle. « Le football avait là son premier télévangéliste » . Plutôt le croisement entre un philosophe puriste et un brillant général, avec un peu d'un champion de boxe. Un parfait "client" pour la télévision.

Precisément. Une des forces du documentaire d'ITV Sport est l'utilisation des formidables archives d'ITV. Brian Clough était un contributeur régulier de The Big Match, le programme de LWT (prototype des talk shows de football contemporains, désormais revisitable sur ITV4). « Il y a certains joueurs durant le match qui n'auraient pas pu prendre un ballon à ma femme. Et Bob est l'un d'entre eux ». Les piques du maître stratège en football, ajoutés à sa flamboyance de manager, firent de lui quelqu'un de si populaire (« Le nombre de personnes qui me disaient "Je n'aime pas le football mais je ne rate jamais Brian à la télévision » explique Barbara Clough) que Clough y gagna un surnom, "Old Big'Ead", ainsi que l'intérêt de nombreux comiques et imitateurs de la radio et de la télévision. La parodie d'Eric Idle dans un épisode du Monty Python's Flying Circus demeure particulièrement célèbre: « Et bien, je ne suis pas d'accord avec ça, Malcolm. Et pour être franc la seule partie que j'ai aimé c'est celle avec moi, maintenant ».

« Comment réagissez vous lorsque quelqu'un de votre équipe vous dit "Boss, je crois que vous vous trompez"?
- Je lui demande comment il voudrait faire. On le fait. On en discute pendant vingt minutes et puis on décide que j'avais raison. »


Peter Taylor a dit un jour au joueur puis manager Roy McFarland: « On doit gagner des matchs à cause de tout ce que dit Brian ». Et avec Taylor, Clough mena Derby sur la route de la League Championship en 1972 (ce pour la première fois dans l'histoire du club) mais son style franc et son habitude de contrarier ses patrons ou la Football Association fut nuisible à ses relations avec Sam Longson, le président de Derby County. Jusqu'au jour où Brian Clough et Peter Taylor furent obligés de signer des lettres de démission, acceptées par le conseil de direction du club à la grande surprise de Clough.

DAMNED DAMNED UNITED

« Je pense qu'il ne leur faudra pas longtemps pour réaliser que je suis un manager très honnète. »

Le tandem était en troisième division avec le club de Brighton & Hove Albion lorsque'en juillet 1974, "le Don d'Elland Road", Don Revie - Brian Clough - démissionna de son poste de manager vénéré de Leeds United pour celui de l'équipe nationale d'Angleterre. Et l'impossible arriva: malgré son immense mépris pour un club aux antipodes de ses principes et de sa conception du jeu (« Je mettrais Leeds en division 2 »), Clough fut nommé manager de ce que les gens appelaient "Dirty Leeds".

44 jours en Enfer, sans Peter Taylor - resté significativement à Brighton - et cette fameuse réunion avec les joueurs où "Cloughie" leur dit qu'ils devraient jeter toutes leurs médailles à la poubelle parce qu'ils les avaient gagnées en trichant. Ce qui n'était probablement pas la meilleure manière de démarrer une relation de confiance, et sous le règne de Brian Clough Leeds fit son pire début de saison en 15 ans.

« Nous étions des rats pour Brian Clough. Il ne pouvait pas nous supporter. » (Peter Lorimer)

« Avez-vous déjà lu un roman avec le nom d'une personne réelle dedans? » demande Barbara Clough. La transformation de ce qu'un excellent article du Scotsman à propos du documentaire appelle "le cirque de Leeds" (http://sport.scotsman.com/brianclough/Leeds-circus-but-a-blip.5118270.jp) en 44 jours (The Damned United, 2006), le roman de David Peace, fut une blessure pour la famille de Clough, ses amis et même un allié inattendu: la légende du football Johnny Giles. Giles intenta un procès à l'auteur, qu'il gagna (http://www.yorkshireeveningpost.co.uk/leedsunited/Leeds-United-legend-wins-apology.3747294.jp). « La trahison de Brian Clough dans ce livre est absolument outrageante. C'est déplaisant, c'est méchant, c'est inspiré par la malice et c'est faux » confie Giles.

FOREST ENCHANTE

« Avez-vous déjà envisagé l'idée que vous ne reviendriez plus au football.
- Oh, très souvent. J'ai eu et j'ai tellement de moments agréables en faisant une réussite de mon mariage et de ma vie de famille. Ca relevait de l'utopie pour moi. »


Le livre est devenu un biopic (The Damned United) réalisé par Tom Hooper, grâce au scénariste de Frost/Nixon. Le film, avec le roi des caméléons de biopics Michael Sheen (The Deal, Frost/Nixon) dans le rôle de Brian Clough, a été remarqué pour la performance de sa vedette (2). La bande-annonce ne fait justice ni à l'acteur ni au film, car le Clough de Michael Sheen y ressemble plus à John Lennon qu'à "Old Big'Ead" . « Mais rien ne vaut le vrai » écrit Patrick Barclay dans The Times (http://www.timesonline.co.uk/tol/sport/columnists/patrick_barclay/article5970253.ece). Un des grands moments du documentaire est une séquence extraite du spécial de Calendar, une émission de Yorkshire présentée par le journaliste Austin Mitchell (depuis devenu parlementaire travailliste), avec un Brian Clough brillant face à un Don Revie enclin à la revanche et son merveilleux et si "cloughien" « Je voulais faire quelque chose que vous n'aviez pas fait ».

Quatre mois après son départ de Leeds United, Brian Clough devint le manager de Nottingham Forest, un club luttant pour rester en seconde division. Et avec Peter Taylor de nouveau à ses côtés. Trois ans après son arrivée, Clough devint le second manager à avoir gagné la League Championship avec deux clubs différents. Puis il signa Trevor Francis, le premier joueur à 1 millions de livres. Moins devant les caméras, plus concentré sur la direction de "son" club, Clough permit à Nottingham Forrest de remporter la Coupe d'Europe des clubs champions deux fois, en 1979 et 1980.

« Le cirque de six semaines, avec sa fascination évidente, était un peu plus qu'un interlude confus entre deux grands actes dans la carrière du manager. Il en était de même pour la décision de la Football Association de ne pas le nommer manager de l'équipe d'Angleterre» écrit The Scotsman. Clough bénéficie vraiment de l'implication de la famille Clough: Barbara Clough et leurs fils apportent une présence émouvante et chaleureuse. Nigel Clough a suivi les traces de son père comme manager de Derby County.

Ce documentaire d'ITV est sincère et n'est pas une hagiographie, ce n'est pas seulement une réponse à The Damned United. Clough est comme cette statue sur Old Market Square dans le centre de Nottingham (http://www.nottinghamcity.gov.uk/index.aspx?articleid=3610), un acte de gratitude, un hommage à l'accomplissement d'une personne hors norme et à ce qu'elle a apporté à son sport. Plus largement, les documentaires sont, are, avec les émissions de société et d'information, un des atouts majeurs d'ITV. Clough est maintenant disponible en DVD (http://www.amazon.co.uk/Clough-Brian-Story-DVD/dp/B001U3ZUKG) et mérite d'être vu, même si vous n'aimez pas le football.

« Il voulait façonner une équipe que les gens aimeraient aller voir. » (Barbara Clough)

(1) Juste pour l'anecdote, il y a un peu de Brian Clough dans le Gene Hunt de Philip Glenister (Life on Mars, Ashes to Ashes).
(2) Qui sera le prochain? Marco Pierre White? Russell T. Davies? Lisez donc cet article sur l'incroyable Michael Sheen: http://snarkerati.com/movie-news/michael-sheen-actor-or-impersonator/

http://www.itv.com/PressCentre/Clough/CloughWk13/default.html
http://www.brianclough.com/

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