lundi 22 décembre 2008

BONNES FÊTES DE FIN D'ANNEE

Votre humble taulier vous souhaite à tous, lecteurs fidèles et nouveaux visiteurs, les meilleurs fêtes de fin d'année possibles. Permettez moi également de vous remercier pour votre fidélité et votre intérêt.

Non seulement ce blog a un nombre de visiteurs en hausse chaque mois (lentement mais sûrement), non seulement la version en Anglais et celle en Français ont des visiteurs réguliers de différents endroits du monde (ce qui est un vrai plaisir, faire deux versions d'un même blog prend du temps), mais le nombre de visiteurs mettant ce blog en favori est aussi en hausse et, à mon grand étonnement, certains d'entre vous signalent ce blog par mail à leurs contacts. Sans parler d'intervenants de cette belle industrie que nous traitons qui parfois nous rendent une petite visite lorsqu'ils sont concernés par nos modestes travaux du moment.

Nous continuons à travailler durant les vacances. Tant de choses à faire... Au programme: Russell T. Davies, Lonesome Dove, le nouveau roman de Monk par Lee Goldberg... Que l'année 2009 soit meilleure que l'année finissante. Et merci encore.

mercredi 17 décembre 2008

HORST TAPPERT (1923-2008)

Remerciements à Nathalie ATTARD et David GENTIAL

L'acteur allemand Horst Tappert est décédé le 13 décembre à Munich. Il avait 85 ans. Il restera, bien qu'il ne l'aurait certainement pas souhaité, le symbole d'une institution ancienne de la télé allemande d'avant H
ermann Joha ou Les Experts: le Freitag-Krimi, la série policière allemande typique du vendredi soir. Et ce avec un seul titre: Inspecteur Derrick (Derrick, 1974-1998).

VOLEURS ET GENDARMES

Comme la plupart des acteurs germaniques vus à la télévision, Horst Tappert se forme au théâtre. Son premier rôle notable à l'écran est celui du génie criminel de L' Affaire du train Glasgow-Londres (Die Gentlemen bitten zur Kasse, 1966), une mini-série en trois parties considérée comme un des sommets de l'Histoire de la télévision allemande. La même année il apparait dans le quatrième film adapté de la populaire série de romans policiers Jerry Cotton (avec l'acteur américain George Nader dans le rôle du G-Man Jerry Cotton), Un cercueil de diamants (Die Rechnung - eiskalt serviert).

En 1968 il joue dans un épisode de Das Kriminalmuseum (1963-1970), une anthologie produite par un homme qui invente la fiction télé populaire du 20ème siècle en Allemagne: Helmut Ringelmann. Tappert travaillera de nouveau pour Ringelmann dans deux épisodes d'une des séries les plus populaires de ce producteur: Der Kommissar (1969-1976), avec Erik Ode dans le rôle du Kommissar Herbert Keller - initialement imaginé comme un Maigret allemand.

Horst Tappert est aussi une figure familière des films de la série des Edgar Wallace, y interprétant par deux fois le même inspecteur, dans Der Gorilla von Soho (1968) et Der Man mit dem Glassauge (1969). En 1972 il reprend le rôle du génie criminel de Die Gentlemen bitten zur Kasse dans Hoopers letzte Jagd.

CRIME ET CHATIMENT

En 1974, Horst Tappert devient l'Oberinspektor Stephan Derrick dans la nouvelle Krimiserie de Helmut Ringelmann, Derrick. Pour assurer une certaine continuité avec Der Kommissar, son grand succès, Ringelmann décide habilement que le Kriminalhauptmeister Harry Klein (Fritz Wepper), un des personnages de la série, quittera le Kommissar Keller pour travailler avec Derrick (et deux hommes de la nouvelle équipe apparaissent dans Der Kommissar). Derrick nait d'une idée de Ringelmann et du scénariste Herbert Reinecker, et est naturellement influençé par Der Kommissar, mais également par Maigret et, à certains égards, par Crime et châtiment de Dostoievski.

Le premier épisode de la série (la première saison en comporte trois), Le chemin à travers bois (Waldweg), et le premier de la saison 2, Le bus de minuit (Mitternachtbus), sont deux des meilleurs épisodes de Derrick, dont ils posent l'ambiance avec des histoires sombres et pessimistes. Les scripts de la série sont tous écrits par un seul homme, Reinecker, et sont empreints de sa propre vision de la vie et de ses expériences. Le schéma directeur est simple: un crime sordide est commis au sein de la petite bourgeoisie ou de la haute société de Munich et Derrick enquête avec Harry Klein, son assistant. Stephan Derrick se comporte dans la majorité des épisodes comme une espèce d'observateur misanthrope sans la moindre once de concession mais avec un solide sens de la justice, et l'expression occasionnelle de ses propres sentiments - lorsqu'il est écoeuré par la situation en dépit du fait que ce flic enhardi a tout vu dans sa carrière.

La formule de Derrick, contrepoint aux séries US des années 1970 car la série repose plus sur la psychologie que sur l'action, fait son succès durant 25 saisons jusqu'en 1998 (une longévité commune à beaucoup de séries germaniques, spécialement celles conçues par Helmut Ringelmann) et voit le personnage évoluer naturellement.

DERRICK EN FRANCE: L'AFFAIRE DU MALENTENDU

Il existe en France un cliché persistant à propos de la soi-disante "lenteur" de la série et le fait qu'elle ne serait regardée que par des retraités (1). Derrick arrive en France en 1986 sur La Cinq de Silvio Berlusconi, au milieu d'un train d'illustres séries américaines, et la Krimiserie souffre de la comparaison, un peu comme les dommages causés par Les Experts et ses clones sur la production de fiction télé allemande aujourd'hui. Derrick est raillé et décrit comme une série policière "lente", quasi-grabataire, alors que c'est plus une étude psychologique voire philosophique des faiblesses de l'âme humaine au travers du prisme de deux notions: la culpabilité et la justification.

En fait, Derrick doit plus aux premiers films de Claude Chabrol (particulièrement dans ses premières saisons) qu'à Starsky & Hutch ou à d'autres productions d'Aaron Spelling. Et la série est souvent filmée comme une représentation théâtrale de Brecht ou de Tchekhov. L'action est requise seulement lorsqu'elle est nécessaire car Stephan Derrick est, après tout, un flic de la Kripo (Kriminal Polizeï) : par exemple dans l'épisode 5 de la saison 2, La cavale (Zeichen der Gewalt), avec le regretté Raimund Harstorf (dans une de ses apparitions aux côtés de l'icône érotique Sybil Danning), dans le rôle d'un tueur en fuite poursuivi (littéralement) par Derrick et tué par l'Oberinspektor après plusieurs coups de feu. Cet épisode a tout du film noir à la Jean-Pierre Melville, Jacques Deray ou José Giovanni  (qui a d'ailleurs écrit et réalisé le troisième épisode de Le Renard/Der Alte, la série d'Helmut Ringelmann remplaçant Der Kommissar).

Mieux, Derrick explore de vastes champs narratifs, depuis des histoires qui semblent empruntées à Der Kommissar, jusqu'aux portraits "chabroliens" de la bourgeoisie, avec parfois des détours par Nietszche ou Kafka. Le congrès de Berlin (Ein Kongreß in Berlin), un épisode de la saison 6 d'une durée exceptionnelle de 75 minutes, est un croisement entre les Mabuse et L'espion qui venait du froid. Edgar Wallace n'est pas loin de certains épisodes et il y a même un hold-up narré en voix-off par Derrick. Herbert Reinecker et Helmut Ringelmann réussissent à maintenir une grande qualité scénaristique à travers les années: Le sourire du docteur Bloch (Das Lächeln des Dr. Bloch, saison 18, épisode 11), avec un duel entre deux fantastiques acteurs, Peter Sattmann et le grand Hans-Michael Rehberg, ainsi que Le génie en danger (titre français calamiteux de Isoldes tote Freunde, saison 18, épisode 12) - avec une magnifique et délicate interprétation de Juliane Rautenberg (2) - sont parmi les classiques de la série.

ABSCHIEDSGESCHENK

Derrick a deux faiblesses, l'une retrospective, l'autre réelle. La faiblesse retrospective est le choix pour la bande originale de chansons qui étaient des hits à leurs époque mais qui sont maintenant quelques fois plus que datées (pour présenter la chose aimablement). La seconde faiblesse est l'emploi par Ringelmann d'une "troupe" de visages trop récurrents (mais néanmoins excellent acteurs invités), tels que Sky du Mont (http://tattard2.blogspot.com/2008/05/sky-du-mont.html), Evelyn Opela (l'épouse de Helmut Ringelmann), Klausjürgen Wussow, Wolf Roth, Christian Kohlund, Jacques Breuer, Dirk Galuba et bien d'autres... Mais des rediffusions dans le désordre (3) ajoutent à cet aspect "Mercury Theatre" ou L'heure du crime (4), cette impression que les mêmes invités reviennnent régulièrement.

Horst Tappert sort de Derrick avec classe et dignité dans l'épisode 281, Le cadeau d'adieu (Das Abschiedsgeschenk), où il quitte Munich pour une promotion à Europol. L'intrigue de ce final est plutot faible mais les acteurs du Renard font une apparition non créditée (tout comme Helmut Ringelmann) et la scène finale de Tappert, avec la chanson Hey, Mr Gentleman, interprétée par Helen Schneider, est un grand et émouvant moment de télévision.

La mort de Horst Tappert marque la fin d'une époque dans l'Histoire de la fiction télé allemande. Bien qu'imaginé par Reinecker et Ringelmann, Siska (1998-2007) - le successeur de Derrick, est bien conçu et bien joué mais pas aussi subtil. Derrick était la conbinaison unique des scenarii intelligents et psychologiques de Herbert Reinecker, de la production de Helmut Ringelmann et, par dessus tout, de la qualité des interpretations de Fritz Wepper (acteur talentueux - souvenons nous de Cabaret - mais trop à l'ombre de la star de la série ) et de Horst Tappert.

Farewell, Mr Gentleman... Derrick n'est pas une série policière ordinaire. C'est un roman pour la télévision en 281 chapitres, une pièce en 281 actes, un voyage dans les sombres couloirs du subconscient. C'est Night Gallery à Munich.

(1) Ce qui est évidemment faux. Il y a même depuis plusieurs années de nouveaux fans de Derrick chez les 20-35 ans.
(2) Le site de Juliane Rautenberg's (en Allemand): http://home.arcor.de/juliane.rautenberg/ + Son blog (Idem): http://julianerautenberg.wordpress.com/
(3) Une spécialité française, pour une série malheureusement terriblement adaptée et doublée.
(4) L'Heure du crime (1991), une excellente mais trop courte anthologie policière de Stephen J. Cannell, où un petit groupe d'acteurs interprétait des rôles différents chaque semaine.

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/12/horst-tappert-1923-2008.html

vendredi 12 décembre 2008

LES MEMOIRES DE ROGER MOORE: AMICALEMENT VÔTRE (L'ARCHIPEL) [2/2]

Remerciements à François JUSTAMAND, Claude ROUYER et Nathalie ATTARD

[Note: Au regard de la richesse exceptionnelle de la carrière de Roger Moore et de l'intérêt de cet excellent livre, cet article est en deux parties. La première partie est ici: http://thierryattard.blogspot.com/2008/12/les-memoires-de-roger-moore-amicalement.html]

« Après tout il s'agit de mon autobiographie, donc de moi: d'un homme sophistiqué, modeste, doué, modeste, débonnaire, modeste et charmant - au sujet de qui il y a tant à raconter... »

LE CAS DE M. PELHAM

« Quand on me parle de ce film aujourd'hui, je réponds toujours que c'est l'un des seuls où l'on m'ait laissé jouer. » (Roger Moore à propos du film La seconde mort d'Harold Pelham)

En 1968-1969, alors que la série Le Saint (débutée en 1962) s'achève au terme de 118 épisodes, Roger Moore et Robert S. Baker, son associé au sein de Bamore Productions et de Tribune, signent un accord avec la United Artists pour produire des films qui seront distribués par cette compagnie. Le premier est Double Jeu (Crossplot, 1969), réalisé par Alvin Rakoff - le réalisateur de l'épisode du Saint intitulé Le Roi [voir la première partie de cet article, NDA]. Le film hérite de la majeure partie de l'équipe technique de la série, un mois après la fin du tournage de cette dernière.

Le scénario, signé Leigh Vance et John Kruse, familiers des aventures de Simon Templar, fait de Moore un publicitaire qui en engageant un mannequin hongrois se retrouve au coeur d'une vaste conspiration. La distribution est extraordinaire: Alexis Kanner (le Numéro 48 de la série Le Prisonnier), Francis Matthews (Capitaine Scarlet et les Mysterons de Mars, Paul Temple), Veronica Carlson (une des égéries de la Hammer et habituée des séries ITC) et surtout Bernard Lee, le M des James Bond.

Double Jeu, malgré de très bons moments (1), est un échec qui incite la United Artists à ne pas poursuivre son deal avec Baker et Moore. Sans doute le fait que le distributeur ait axé toute sa promotion sur la notoriété du Saint a t'-il contribué à ce résultat. Moore se voit proposer par EMI (ex ABPC), l'adaptation d'une nouvelle d'Anthony Armstrong, The Case of Mr Pelham (déjà adaptée en 1955 pour un épisode de la série Alfred Hitchcock présente). Réalisé par Basil Dearden (le délirant et génial Assassinats en tous genres/The Assasination Bureau) La seconde mort d'Harold Pelham (The Man who haunted himself, 1970) offre à Roger Moore un des plus grands rôles de sa carrière et rappelle combien le talent de l'acteur vaut bien plus que l'éternel personnage de héros séducteur dans lequel il fut cantonné.

POUR LA REINE ET POUR L'ANGLETERRE

« Mon petit Roger, me dit-il d'un air penaud, je crois que j'ai commis un impair. J'ai traité Joan [Collins] de conne. » (Tony Curtis)

Esquissé dans un des derniers épisodes du Saint, le concept d'Amicalement Vôtre (The Persuaders) est vendu en 1970 par Lew Grade, le patron d'ITC, avec Roger Moore comme premier rôle... sans qu'il lui en ait parlé au préalable! « Le pays a besoin d'argent. Pense à la reine » lance à l'acteur l'exubérant magnat avant de le convaincre avec un très gros chèque, mais Moore ne veut pas s'engager pour plusieurs saisons. Tony Curtis est choisi pour jouer à ses côtés dans la série britannique la plus chère jamais produite à l'époque, avec un tournage en 35 mm dans le sud de la France et au Royaume-Uni. A une telle échelle le succès sur le marché US est vital, or si The Persuaders est un succès en Europe (spécialement en France et en Allemagne), le réseau américain ABC diffuse la série aux Etats-Unis face à un Mission Impossible pourtant déclinant mais qui remporte le match des audiences.

Roger Moore devient ensuite pdg de Brut Films, filiale cinéma de Fabergé, mais Harry Saltzman et Albert "Cubby" Broccoli lui font une proposition qu'il ne peut refuser: succèder à Sean Connery (et à George Lazenby) dans le rôle de James Bond. Lew Grade lui fait alors cette prédiction: « tu vas foutre ta carrière en l'air! »... mais Moore endossera sept fois le smoking de l'agent 007 entre 1973 et 1985. Entre les Bond il tourne entre autres deux adaptations de l'oeuvre du romancier Wilbur Smith pour le producteur Michael Klinger (La loi du Milieu) : Gold (1974) et Parole d'Homme (Shout at the Devil, 1976), des perles du cinéma d'action pre-Die Hard comme Les Oies sauvages (The Wild Geese, 1978) ou Les Loups de Haute mer (North Sea Hijack, 1979). Il se parodie avec classe dans L'équipée du Cannonball (The Cannonball Run, 1981) et "remplace" Peter Sellers dans le rôle de Clouseau dans L'héritier de la Panthère rose (2) (Curse of the Pink Panther, 1983).

« Et c'est à moi que l'on reproche de vouloir rendre Bond amusant! » L'interprétation de James Bond par Roger Moore fait l'objet de nombreuses critiques tandis que l'acteur est soucieux d'être un minimum crédible en choisissant de ne pas le jouer à la manière de son plus illustre prédecesseur, Sean Connery (ce qu'il a visiblement du mal à faire dans Vivre et laisser mourir et L'homme au pistolet d'or). Son Bond est plus débonnaire, charmeur et humoristique (à la manière de Dean Martin en Matt Helm, chansonnette en moins), même si L'Espion qui m'aimait (The Spy who loved me, 1977) et surtout Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981) lui offrent de grands moments dramatiques.

L'ESPION QU'ON AIMAIT

« Au moment où la musique du générique retentit, sur l'ouverture du parachute aux couleurs de l'Union Jack, les spectateurs nous firent une standing ovation comme je n'en avais jamais vu. Je me sentis soudain très fier, et heureux de voir l'énorme sourire sur le visage de Cubby. »

Tout James Bond, si ce n'est tout Roger Moore peut se résumer au travers de la formidable scène d'ouverture de L'Espion qui m'aimait: 007, après un moment passé dans un chalet avec une superbe créature, échappe à des tueurs lors d'une poursuite à ski - qui fait encore référence aujourd'hui - et saute d'une falaise pour s'en tirer avec ce fameux parachute caché dans son dos. Nobody does it better, Moore est la quintessence de cet esprit britannique qui consiste à faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.

L'homme a su imprégner James Bond de sa modestie et de son propre sens de l'humour. Depuis 007 il a essayé de monter, en tant que producteur une adaptation du roman Taï-Pan de James Clavell et est apparu dans quelques films ou séries où sa simple participation suffit à évoquer immédiatement l'aura des héros qu'il a incarné à la télévision ou au cinéma. Mais un de ses plus beaux rôles demeurera celui d'ambassadeur de l'UNICEF (le Fonds des Nations unies pour l'enfance): Roger Moore met sa notoriété au service de la noble cause de l'enfance depuis 1991, après que l'actrice et femme de coeur Audrey Hepburn l'ait invité à rejoindre cette organisation.

Noble chevalier puis chevalier errant, puis Lord à la télévision, Sir Roger Moore a été anobli par la Reine dans le monde réel. Sa popularité demeure intacte à ce jour comme en témoigne l'accueil qu'il a reçu lors de la tournée promotionnelle de ses mémoires, notamment en France, où il a été célébré par Michel Drucker, animateur qui bien des années auparavant l'avait reçu pour des émissions consacrées à James Bond et dont les fans français se souviennent.

Amicalement Vôtre (My Word is My Bond) est un livre passionnant, drôle et généreux, truffé d'anecdotes humoristiques ou sensibles sur toutes les personnalités que Roger Moore a croisé lors d'une vie et d'une carrière bien remplies: « Si je n'ai rien de sympathique à raconter sur quelqu'un je préfère m'abstenir. Sauf si mon éditeur insiste lourdement! » L'ouvrage est à l'image de son auteur et de ce qu'il a légué à l'écran ou hors écran, et point n'est besoin d'être cinéphile ou téléphile pour l'apprécier. Il suffit simplement de vouloir rencontrer un homme remarquable.

Amicalement Vôtre - Mémoires de Roger Moore (L'Archipel, 22 euros)

(1) Notamment le superbe générique interprété par John Rowles sur des images de Chambers + Partners, la société responsable du générique de la série Département S.

(2) http://thierryattard.blogspot.com/2008/06/pleins-feux-sur-la-panthere-rose.html

mercredi 10 décembre 2008

ITV HIVER-PRINTEMPS 2008-2009: LA BBC OU RIEN?

Rupert Penry-Jones, Philip Glenister, Freema Agyeman, et même David Morrissey [Message à la Beeb: Faites de lui le 11ème Docteur, nom de Dieu!] Où avons nous vu tous ces visages auparavant?

COLLECTION HIVER-PRINTEMPS

ITV 1 nous propose un aperçu de ce qu'elle a en magasin pour sa collection Hiver/Printemps 2008-2009 avec son site, New Season New Horizons (http://www.newseasonnewhorizons.com/). Parmi les titres les plus excitants: Demons, de la dynamique compagnie Shine, avec Philip Glenister (Ashes to Ashes), Richard Wilson (One foot in the Grave, Merlin) et Mackenzie Crook (Popetown), dans une version contemporaine du Dracula de Bram Stoker. Votre serviteur va aussi attendre avec impatience la troisième saison de Primeval (« Oh, don't ask why... » chantait le Barde).

La nomination pour l'Award de "l'escadron suicide" va à Law & Order: UK (Londres Police judiciaire, en Français?), une co-production entre Kudos (MI-5), le grand producteur américain Dick Wolf et NBC Universal. C'est bien sûr le remake de New York District/New York Police Judiciaire (Law & Order), le monument de Wolf. Sans présumer des qualités de la série mais en gardant à l'esprit ce qui est arrivé en France à Paris Enquêtes criminelles (le remake français de New York Section criminelle) et au R.I.S. italien, faire une copie carbone d'un format est toujours risqué. Et puis y a t'-il une série britannique dans laquelle Freema Agyeman n'est pas? Le rôle du substitut du procureur féminin est toujours ingrat... Voyez ce qui est arrivé aux personnages joués par Elizabeth Röhm (la sortie la plus ratée de l'Histoire de la télévision) ou Annie Parisse. Au moins si ça se plante, Ben Silverman peut toujours le montrer en Prime Time sur NBC en cas de grève des acteurs.

MANY HAPPY RETURNS? (LE RETOUR DU NUMERO 6)

Il y a vraiment de bonnes choses au menu d'ITV1 pour nous faire oublier des produits conventionnels d'ITV comme Miss Marple, La vie sauvage (Wild at Heart) ou Inspecteur Barnaby (est-ce qu'il y a encore quelqu'un à tuer à Badger's Drift et dans ses environs?) : une seconde saison de The Fixer - la très bonne surprise de l'année dernière, une nouvelle version des Hauts de Hurlevent, John Hurt reprend le rôle de Quentin Crisp (The Naked Civil Servant) dans An Englishman in New York, Whitechapel - un thriller avec Rupert Penry-Jones et Steve Pemberton, une adaptation de Affinity (le roman de Sarah Waters) par Andrew Davies, ou Albert's Memorial (avec David Jason, David Warner et Michael Jayston)... Avons nous mentionné de nouveaux épisodes du très classe Inspecteur Lewis et le grand Monsieur Stephen Fry de retour dans une troisième saison de Kingdom?

Permettez nous une réserve si ce n'est des appréhensions à propos du remake de la série Le Prisonnier tourné en Afrique du Sud, avec Jim Caviezel dans le rôle du Numéro 6 et Sir Ian McKellen dans celui du Numéro 2 (choix très malin), et dont la diffusion est prévue en 2009 (1). La mini-série est co-produite par ITV et la chaîne câblée AMC (http://www.amctv.com/originals/the-prisoner/), déja activement présente avec la série Les Arnaqueurs VIP de la BBC. Les remakes de classiques de la ITC Entertainment sont très tendance, puisque Guillermo Del Toro prépare un remake cinématographique de la série Les Champions pour United Artists (http://leegoldberg.typepad.com/a_writers_life/2008/11/they-are-the-champions.html). Ce qui est une idée plutôt étrange vu que c'était une des séries les plus faibles de la compagnie ITC (X-Men, anyone?) Quelqu'un devrait songer à un remake de Département S, avec Stephen Fry en Jason King, à la manière des Experts. Ce serait intéressant. Et notre ami canadien Furious D (http://dknowsall.blogspot.com/) a absolument raison: Stephen Fry devrait faire aussi Q dans le 23ème Bond. Et il devrait être roi de France, pendant qu'on y est...

Un tuyau pour ITV: découpez votre vidéo de présentation de la saison, pu-leaaaase! Mais le dossier de presse est excellent.

(1) Comme le dit la merveilleuse épouse de votre humble scribouillard: « Il ne peut y en avoir qu'un » !

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/12/itv-winter-spring-season-bbc-or-bust.html

vendredi 5 décembre 2008

LES MEMOIRES DE ROGER MOORE: AMICALEMENT VÔTRE (L'ARCHIPEL) [1/2]

Remerciements à François JUSTAMAND et Claude ROUYER

[Note: Au regard de la richesse exceptionnelle de la carrière de Roger Moore et de l'intérêt de cet excellent livre, cet article est en deux parties]

« Après tout il s'agit de mon autobiographie, donc de moi: d'un homme sophistiqué, modeste, doué, modeste, débonnaire, modeste et charmant - au sujet de qui il y a tant à raconter... »

S'il y a un homme qui personnifie la télévision et le cinéma populaire de ces cinquante dernières années, c'est bien Roger Moore. L'acteur britannique fut à la télévision Ivanhoé, mais aussi le fameux Simon Templar (dit Le Saint) ainsi que Lord Brett Sinclair, ce qui aurait pu suffire a faire de lui un monument. Mais il fut également au cinéma James Bond dans sept films qui ont largement contribué à inscrire l'agent 007 dans le patrimoine culturel du monde occidental.

Autant dire que les mémoires de cette incarnation définitive du gentleman-héros séducteur, intitulées en Anglais My Word is My Bond (Amicalement Vôtre, publié aux Editions L'Archipel), étaient attendues à plus d'un titre et raviront autant les téléphiles ou cinéphiles, que celles et ceux qui sont toujours enchantés de revoir cet humaniste, distingué, sans la moindre once de prétention, et plein d'humour, qui se prétend paresseux et confesse son hypocondrie (« la maladie est un thème récurrent chez moi...»)

THE KID STAYS IN THE PICTURE

« Maman! Maman! Je vais être Stewart Granger! »

Roger Moore est né le 14 octobre 1927 à Stockwell, au sud de Londres, d'un père policier et d'une mère caissière (« Dès leur première tentative mes parents avaient atteint la perfection »). Doué pour le dessin, il débute adolescent sa vie professionnelle en 1943 comme animateur stagiaire chez Publicity Picture Production (PPP) en plein deuxième conflit mondial. Au gré de ses fonctions il croise au service cinématographique des armées le lieutenant-colonel David Niven, qui deviendra beaucoup plus tard un ami. En 1945, figurant sur César et Cléopatre (Caesar and Cleopatra), il est remarqué par le premier assistant réalisateur du film, l'irlandais Brian Desmond Hurst, qui l'envoie se former à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art (RADA).

Il connaît le chômage après sa période militaire et obtient des petits rôles au théâtre, devient ami avec Christopher Lee et fait un peu de télévision pour la BBC, à Alexandra Palace. Après quelques vicissitudes d'acteur débutant, il est pris sous contrat à Hollywood, par la Metro-Goldwyn-Mayer. Il y rencontre quelques unes des grandes vedettes de l'époque, dont George Sanders - premier interprète du Saint, le héros des romans de Leslie Charteris, dans plusieurs films (et qui se suicidera en 1972, comme il en avait confié l'intention à David Niven en 1937).

En 1956, Roger Moore endosse pour la première fois l'armure de la légende télévisuelle en devenant Ivanhoé dans la série éponyme en noir et blanc, dont le pilote fut tourné en couleur. Un de ses partenaires, Robert Brown, jouera plus tard son supérieur, M, dans ses deux derniers James Bond. Lorsque la série se termine, le père de Moore lui suggère de prendre les droits de The Toff, personnage des romans de John Creasey (créateur du Baron sous le nom d'Anthony Morton) ou du Saint de Charteris. Cela ne se fait pas mais l'acteur n'en a pas fini pour autant avec Simon Templar...

LEGEND OF THE WEST

« Comme disait mon vieux papa... » (Bret Maverick, entre autres)

1958, Roger Moore signe avec Warner Brothers un contrat de sept ans et tourne le film Quand la terre brule (The Miracle), mais "la" Warner est en train de s'imposer sur le marché de la télévision avec une véritable "usine à séries" employant des acteurs maison. Sa série Cheyenne (1955-1962), avec Clint Walker fait un carton et inaugure une longue lignée de westerns hebdomadaires à la télévision américaine. Warner Brothers lance plusieurs séries à succès dont 77 Sunset Strip (1958-1964), Les yeux d'Hawaï/Intrigues à Hawaï (Hawaiian Eye, 1959-1963, avec Robert Conrad), Surfside 6 (1960-1962) et surtout l'excellente série western Maverick (1957-1962).

Tous ces titres ont la particularité de se partager les mêmes studios, les mêmes compositeurs, les mêmes réalisateurs, parfois les mêmes scénarii (voire des répliques entières!) et bien entendu les acteurs tournant sur une série sont invités à passer allègrement sur une autre et inversement (ce qui donne parfois lieu aux premiers cross-overs de l'Histoire de la Télévision). Moore, dont le contrat stipule qu'il pourrait "peut-être" faire de la télé, se voit proposer d'apparaître dans un épisode de Maverick en tant que John Vandergelt, face à Bret Maverick (« légende de l'Ouest », comme l'affirme le générique), le (anti)héros interprété par James Garner.

Warner fait ensuite de Roger Moore la vedette de The Alaskans (1959-1969), avant de le reprendre dans Maverick en tant que Beau Maverick, le cousin de Bret et Bart (Jack Kelly), longtemps expatrié en Angleterre. L'idée est en fait de remplacer le très populaire Garner, à couteaux tirés avec le studio. Moore se joint à lui et à Clint Walker pour revendiquer de meilleurs conditions de travail (« Nous rencontrâmes Ronald Reagan, alors directeur de la Screen Actors Guild, mais ce dernier, en dépit de nos arguments, ne nous prêta qu'une oreille polie »). En réaction à cette démarche, Warner Brothers installe une pointeuse dans la salle de maquillage!

LE FAMEUX SIMON TEMPLAR

« Tous mes programmes sont excellents. Il y en a de mauvais, mais ils sont tous excellents. » (Lew Grade)

A la fin de son contrat, en 1961, Roger Moore retourne en Europe et tourne à Rome L'enlèvement des Sabines sous la direction de Richard Pottier (« Je me demande encore si un Anglo-Saxon blond aux yeux bleus était le choix le plus judicieux pour incarner Romulus, élevé par une louve mais puisqu'ils me payaient... ») Les producteurs Robert S. Baker et Monty Berman ont les droits des aventures du Saint et sont associés à Lew Grade, le puissant patron d'ITC (Les Aventures de Robin des bois, L'Homme invisible et Destination Danger), pour en faire une série télévisée. Moore est choisi sans faire d'essai, il s'imagine que la série durera une saison... elle durera sept années et fera de lui une star mondiale: « Ce fut une période très heureuse pendant laquelle je pus jouer un rôle taillé pour mes capacités limitées. »

Roger Moore tourne aux studios d'Associated British Picture Corporation, à Elstree, avec de nombreux acteurs invités dont certains deviendront des vedettes, comme Oliver Reed, le neveu du réalisateur Carol Reed. Il réalisera même des épisodes de la série, aidé en cela par la carte de membre de l'ACTT (1), le syndicat des techniciens, auquel il s'était inscrit en entrant chez PPP. Après 71 épisodes en noir et blanc et alors que la série est enfin vendue à un réseau de télévision américain, à savoir NBC - Le Saint était jusqu'alors diffusé là-bas sur les chaînes de Syndication, Lew Grade propose à Moore de poursuivre l'aventure en couleur mais l'acteur, comme Bob Baker en fait (il l'apprendra après), ne souhaite plus travailler avec Monty Berman.

Bob Baker se sépare à l'amiable de Monty Berman après lui avoir proposé de produire, à la place du Saint, une série d'après des romans du très prolifique John Creasey - auteur que Baker et lui avaient déjà adapté en 1965, avec Gideon's Way: Alias Le Baron (The Baron, 1966-1967). Berman fait de John Mannering, alias... Le Baron (interprété par l'Américain Steve Forrest), une copie conforme de Simon Templar. Il s'associera plus tard au scénariste Dennis Spooner pour produire des séries ITC comme Les Champions, Département S et sa suite Le Mystérieux Jason King (avec le grand Peter Wyngarde), Mon ami le Fantôme et L'Aventurier. Fin 1968 et au terme de 118 épisodes, Roger Moore et Bob Baker - partenaires au sein de la Bamore Productions - estiment avoir épuisé les aventures exotiques de Templar mais se livrent à un intéressant exercice de style avec l'épisode Le Roi (The Ex-King of Diamond). Le Saint y fait équipe avec Rod Huston, un milliardaire texan interprété par Stuart Damon (ex-Les Champions) dans une histoire qui servira de "brouillon" à la série Amicalement Vôtre...

(Fin de la première partie mais Roger Moore reviendra)

Amicalement Vôtre - Mémoires de Roger Moore (L'Archipel, 22 euros)

(1) Association of Cinema Technicians. Voir http://www.transdiffusion.org/emc/insidetv/history/union.php

Deuxième partie: http://thierryattard.blogspot.com/2008/12/les-memoires-de-roger-moore-amicalement_12.html

KNIGHT RIDER ONLINE

Je travaille actuellement sur quelques articles pour les éditions en Anglais et en Français de ce blog (Au programme: Roger Moore, Russell T. Davies, Lonesome Dove...), mais - comme vous le savez, fidèles lecteurs - je suis accroc au blog de Nikki Finke, et je suis tombé sur un des rares commentaires pro Knight Rider 2008, sous l'annonce par Nikki que le réseau NBC "débranchait la prise" (http://www.deadlinehollywooddaily.com/nbc-now-pulling-plug-on-knight-rider). Le commentaire était de "Sue":

« Le show se débrouillait pluôt bien niveau audiences jusqu'à ce qu'il soit contraint de faire un break à cause de la publicité politique. Il est toujours capable de combler ses pertes avec son prochain reformatage. J'aime la série et je ne vais pas perdre espoir maintenant. Je ne peux vraiment blâmer Ben Silverman, la baisse des audiences est générale. Le show de Rosie [Rosie O'Donnell] n'a pas fait mieux dans la tranche horaire de Knight. »

Votre humble serviteur continue à penser que les efforts de Gary Scott Thompson, "showrunner " de Knight Rider, et de son équipe, sont menacés pour des raisons extrinsèques à la qualité de la série, et que le show est une des victimes d'un problème beaucoup plus vaste(http://thierryattard.blogspot.com/2008/11/la-cabeza-de-alfredo-garcia_20.html).

Je ne partage pas l'optimisme de Sue, car je sais en tant que télespectateur de séries depuis plus de trente ans, que le reformatage à mi-saison est dans la plupart des cas un billet de première classe pour l'annulation. Quoi qu'il en soit, son commentaire était lié à cet excellent site qui intéressera autant les fans de l'ancienne que de la nouvelle version de Knight Rider: http://knightrideronline.com/

Et pendant que nous y sommes, un petit bonjour de France à M.Thompson...

Mise à jour : Une interview de Gary Scott Thompson sur le site www.mrmedia.com: http://www.mrmedia.com/2008/11/gary-scott-thompson-knight-rider.html

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/12/knight-rider-online.html